Un bouleversant Orfeo à Lausanne 

par
Orfeo Lausanne

Photo Marc Vanappelghem

En fanfare, l’Opéra de Lausanne ouvre sa saison en présentant L’Orfeo de Claudio Monteverdi  dans une mise en scène de Robert Carsen sous la direction musicale d’Ottavio Dantone. En une épure totale, l’apport décoratif de Radu Boruzescu n’est d’abord qu’un salmigondis de fleurs où se vautrent bergers et pastourelles qui arborent  des tenues d’aujourd’hui (conçues par Petra Reinhardt), mêlant vert, jaune et violet resplendissants.

La fête  champêtre tourne court quand, du fond du parterre, paraît Silvia, la messagère vectrice de malheur, magnifiquement incarnée par la mezzo Josè Maria Lo Monaco (qui est aussi la Musica du prologue). Dès ce moment-là, la production de Robert Carsen devient saisissante : la barque des Enfers fendant de fuligineuses émanations est guidée par le noir Caronte de la basse Nicolas Courjal ; elle s’avance  pour toiser l’Orfeo de Fernando Guimaraes  qui  est aussitôt  l’expression d’une insupportable douleur lui faisant  égrener les diminutions du « Possente spirto » dans un art du phrasé magnifique.  Puis le nocher devient Pluton trônant devant les ombres blêmes qui font chorus à la supplique éloquente de la Proserpina de Delphine Galou (qui a incarné précédemment la Speranza). Et l’Euridice de Federica Di Trapani, personnage bien secondaire dans l’ouvrage, est parcourue d’une indicible terreur à l’instant fatidique où son conjoint la regarde. Sous le soleil aveuglant de la catharsis finale, intervient le divin Apollon du remarquable Anicio Zorzi Giustiniani (précédemment Premier Pasteur et Echo),  accueillant dans les sphères éthérées son chantre dont les pâtres, tout de blanc immaculé, célèbrent l’apothéose. Sous l’angle musical, il faut noter aussi la présence de la jeune Mathilde Opinel (la Ninfa) et d’Alessandro Giangrande et de Jean-Raphaël Lavandier qui campent le Deuxième et le Troisième Berger. Et l’on soulignera le travail notoire d’Antonio Greco à la tête du Chœur de l’Opéra de Lausanne, alors que l’Orchestre de Chambre de Lausanne et l’ensemble du plateau sont magistralement dirigés par Ottavio Dantone dont il n’est plus nécessaire de faire l’apologie, tant il est persona grata en ce théâtre. En résumé, une indéniable réussite et un triomphe pour un spectacle qui vraisemblablement sera diffusé ultérieurement par les télévisions.
Paul-André Demierre
Lausanne, Opéra, première du 2 octobre 2016

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