Un livre passionnant consacré à Maria avant Callas

par

Stephen HastingsMaria Callas La formazione dell’artista (1923-1947) Zecchini Editore à Varese ISBN 978-88-6540-410-2 

Depuis sa disparition en septembre 1977, que de livres ont été consacrés à Maria Callas ! Comme chat sur braise, la plupart résument en quelques pages les premières années passées aux Etats-Unis et en Grèce et préfèrent se concentrer sur la grande carrière à partir de l’arrivée en Italie en juin 1947. Dans son ouvrage en italien sans traduction annoncée, Stephen Hastings a le mérite de préciser nombre d’éléments laissés en suspens en prenant en considération les biographies rédigées par la mère et la sœur de Maria ainsi que par divers auteurs grecs rarement traduits. 

Le premier concerne son nom et sa naissance : Mary Ann Kaloyeropoulou a vu le jour au Flower Hospital de la Fifth Avenue à New York le 2 décembre 1923. Fille d’émigrés grecs arrivés en juillet de la même année en provenance de Meligalas dans le Péloponnèse, elle a une enfance peu heureuse entre un père volage qui tient une pharmacie à Manhattan et une mère dépressive qui veut se valoriser en l’obligeant à prendre part à des concours radiophoniques pour enfant dès l’âge de onze ans. Excédée par une liaison de son mari avec une ressortissante grecque, Evangelia veut repartir pour la Grèce avec ses deux enfants. Dès son arrivée à Patras le 5 mars 1937, Mary Ann devient Maria, ne songe qu’à chanter et ment sur son âge pour entrer au Conservatoire National d’Athènes dans la classe de Maria Trivella. D’emblée, elle révèle une voix brillante qui a une ampleur notoire et qui est guidée par une musicalité phénoménale et une volonté l’incitant à travailler cinq à six heures par jour. Mais en septembre 1939, Nicola Moscona, l’une des grandes basses du Met, lui conseille de changer de professeur de chant. C’est pourquoi elle auditionne devant Elvira De Hidalgo qui vient d’achever une importante carrière internationale et qui pressent immédiatement les possibilités de ce trombone de voix qu’il faut former. Mais c’est avec les moyens du moment qu’en avril 1939, dans le cadre du Conservatoire, elle incarne à… quinze ans Santuzza d’une Cavalleria rusticana présentée en traduction grecque avec chœur et orchestre, alors qu’un an plus tard, elle sera une émouvante Suor Angelica. 

A partir de mars 1941, les choses se précipitent. Maria fait ses débuts professionnels en campant un rôle secondaire, Beatrice, dans un ouvrage léger de Franz von Suppé chanté en grec, Boccaccio, en remportant un grand succès. La Grèce est envahie par les troupes nazies qui finissent par céder l’administration de la ville d’Athènes à leurs alliés italiens, ce qui influence le répertoire de l’Opéra National. Ainsi en août 1942 est présentée en plein air une Tosca faisant alterner une traduction grecque avec la version originale en italien. A 19 ans, Maria fait partie des deux compagnies, ce qui lui permet d’incarner le rôle-titre au cours de vingt représentations. Mais le retour des bataillons allemands à partir de l’été 1943 modifie à nouveau la programmation de la première scène nationale. Et c’est en langue grecque qu’elle abordera à 21 ans deux ouvrages extrêmement lourds, Tiefland d’Eugen D’Albert et Fidelio. Ses incarnations de Martha au Teatro Olympia fin avril-début mai 1944 et de Leonore dans le plein air de l’Amphithéâtre d’Hérode Atticus à la mi-août lui valent un triomphe. Néanmoins les reprises de Cavalleria et d’O Protomastoras (Le Maître d’œuvre) de Manolis Kalomiris qui dirige lui-même sa partition suscitent des critiques négatives. Stephen Hastings relève que, déjà à l’époque, on lui reproche de forcer sa voix pour intensifier son jeu, ce qui compromet l’homogénéité du son et la netteté de la diction.

La guerre civile qui éclate fin décembre 1944, son contrat au Théâtre National la reléguant en seconde catégorie, la jalousie de ses collègues incitent Maria à repartir pour les USA après trois représentations de Der Bettelstudent de Carl Millöcker en septembre 1945. Le livre insiste sur le fait que durant vingt mois elle ne chantera plus en public. Accueillie à bras ouverts par son père à son arrivée à New York, elle accumulera les déceptions à San Francisco où lui est demandé de faire ses preuves en Italie, au Met où elle refuse un contrat de trois ans ne lui concédant que des seconds rôles et des doublures et à Chicago où la Turandot qu’elle devrait incarner en janvier 1947 sera annulée au dernier moment. Cependant, le coup de chance sera une audition devant l’ex-ténor Giovanni Zenatello devenu Surintendant des Arènes de Vérone qui l’y enverra en juin 1947 pour quatre représentations de La Gioconda que doit diriger Tullio Serafin. Mais c’est à ce moment-là que s’achève ce livre palpitant en prophétisant une tout autre carrière…

Paul-André Demierre

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