Une vision bouleversante de Chostakovitch

par
Honeck

Dmitri CHOSTAKOVITCH
(1906 - 1975)
Symphonie n°5 en ré mineur op. 47
Samuel BARBER
(1910 - 1981)
Adagio for strings 
Pittsburgh Symphony Orchestra, dir.: Manfred Honeck
2017-SACD-60'17''-Texte de présentation en anglais-Reference Recording FR-724SACD 

Une captation et un rendu sonore exemplaires; un chef qui dès les premières mesures sait où il va nous conduire : que demander de plus pour découvrir encore de nouveaux chaînons dans une oeuvre qui a déjà peuplé de nombreux sillons et fait couler beaucoup d'encre. On le sait, Chostakovitch mit en oeuvre sa 5e Symphonie comme une repentance -au deuxième degré bien sûr- suite aux humiliations de la critique et de la dictature. Comme l'écrivait Bernard Postiau dans son magnifique article sur les symphonies de Chostakovitch (cfr. Crescendo n° 84) : "Chostakovitch sent la nécessité absolue, pour sa propre sécurité, de simplifier son langage. Cette simplification, cependant, ne s’accompagne d’aucun appauvrissement de la force émotionnelle ou de la valeur intrinsèque de la partition. L’économie de moyens à laquelle il recourt lui permet d’exploiter toute la richesse de l’orchestre, de focaliser son énergie sur la vitalité, la dynamique de l’oeuvre, le pathos. On pourrait presque dire, en plagiant Poulenc, qu’il écrit une musique nouvelle avec les harmonies des autres, ici celles "autorisées" par le parti : il veille, par prudence, à ne pas s’éloigner des modèles classiques tolérés par le régime mais sans renoncer à sa propre personnalité."
Dans le magnifique texte de la notice signé Manfred Honeck, le chef procède à une analyse détaillée de l'oeuvre et relève les liens entre l'écriture et l'orchestration de Chostakovitch et celles de Mahler que le compositeur appréciait énormément au même titre qu'Alban Berg; il relève çà et là des parentés avec Beethoven et Tchaikovsky. Si les symphonies de Mahler sont dictées par l'idée de la mort et de l'au-delà, Chostakovitch y ajoute l'environnement politique qui est le sien pour donner une oeuvre d'une tension extrême marquée par des climax d'expression et d'intensité jusqu'à l'insoutenable. Les contrastes sont ici fréquents, les soli des violons, des bois et des cuivres se dessinent au sein d'un orchestre aux couleurs bien marquées. L'Orchestre de Pittsburgh fait corps avec le chef avec qui il partage l'énergie tellurique alliée à une conduite à la lisibilité exemplaire. Toutes affaires cessantes, on est transporté dans un autre monde. Une écoute dont on ne ressort pas indemne.
Un moment de repos. On écoute alors l'Adagio de Barber le coeur serré, habité du grand bouleversement qui l'a précédé. La tragédie et l'apaisement, la nature même de la condition humaine.
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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