« Voix intimes » à Tournai
Celtic Passion Band de Mons
Quatuor Chambre à part
Paul Ladmirault (1877-1944) : Quatuor à cordes – Paul Le Flem (1881-1984) : Concertstück pour piano et cordes – Jean Cras (1879-1932) : Quintette pour piano et cordes
Aurélien Penard, piano – Benjamin Boursier, violon – Christina Boursier-Grylsyuk, violon – Paul Mayes, alto – Johanna Ollé, violoncelle
Tournai accueillait hier la seconde journée du 13e Festival Européen du Quatuor à cordes. « Voix Intimes » se proposait cette année d’explorer l’histoire des musiciens et compositeurs face à la Grande Guerre à travers un colloque réunissant conférence, exposition, concerts. Un choix pas si facile qui a permis de faire émerger quelques œuvres surprenantes et intéressantes. Des œuvres traversées par la misère, le drame, l’espoir mais aussi le chaos face à la destruction, les bombardements,… Peu avant le concert de 15h, le Séminaire de Choiseul accueillait les musiciens-soldats du Celtic Passions Band de Mons (cornemuses et percussions). Malgré une acoustique pas idéale, les spectateurs ont pu découvrir toute l’étendue d’un instrument souvent négligé ou même critiqué. Pourtant, les mélodies et sonorités sont nombreuses, permettant une grande diversité dans l’interprétation du répertoire. Avant l’exécution d’un solo, le leader du groupe raconte l’histoire de son instrument, le présente tout en expliquant sa place et son contexte.
Après ce concert animé, le Quatuor Chambre à part enchaina avec des œuvres de compositeurs bretons. Belle découverte avec le Quatuor à cordes de Paul Ladmirault, compositeur français né à Nantes et mort dans le Morbihan. Elève de Fauré, son répertoire est large, de la musique pour orchestre aux musiques vocales et de chambre. Son Quatuor à cordes date de 1933. Derrière un caractère très linéaire se dégage une pensée émue, triste. Les quatre musiciens empoignent l’œuvre avec simplicité et font preuve de beaucoup de sensibilité. Beau dialogue entre les voix, discours net, compris et mené à bien jusqu’au bout. En 1910, Ladmirault fonde l’Association des compositeurs bretons (« Les Huit ») où l’on retrouve Paul Le Flem, deuxième compositeur du programme. A ce moment, on quitte le quatuor pour une œuvre concertante pour violon et orchestre. D’abord élève auprès de Vincent d’Indy et Albert Roussel puis professeur à la Schola Cantorum, Le Flem écrit son Concertstück pour violon et orchestre en 1964. Sa musique, sensible et caractérisée par la perte (parents disparus à 12 ans, deux enfants morts en bas âge) est ici présentée pour violon et piano. Aurélien Penart rejoint le violoniste Benjamin Bouriser pour une lecture convaincante, solide et sobre : dialogue permanent, orchestre juste, plans sonores ajustés. Le concert se termine par une très belle exécution du Quintette pour piano et cordes de Jean Cras. Officier de marine et compositeur né à Brest en 1879 et mort en 1932, son œuvre est aujourd’hui plus accessible. Musique plus épurée, on y trouve une grande palette d’idées et de couleurs. Le Quatuor Chambre à part et Aurélien Penard offrent un caractère posé, réfléchi grâce à un équilibre permanent des pupitres. Emergent quelques motifs solistes, repris, variés, transformés dans un son homogène et précis.
Belle prestation donc du Quatuor Chambre à part dans une acoustique pas évidente. La linéarité du discours conjuguée à la justesse du propos ont permis un beau et émouvant moment de réflexion.
Ayrton Desimpelaere
Séminaire du Choiseul, Tournai le 14 février 2015