De nombreuses retrouvailles pour l’orchestre de la Monnaie.

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À l’occasion du 250e anniversaire de l’Orchestre de La Monnaie, l’effectif bruxellois nous a proposé un voyage à travers son histoire.

Dès l’entrée du chef d’orchestre, nous reculons d’une quarantaine d'années dans le temps. À l’époque, Gérard Mortier nomme Sylvain Cambreling au poste de directeur musical de la Monnaie. Le chef français assurera cette fonction de 1981 à 1991. Quelques dizaines d’années plus tard, c’est lui que l’on retrouve devant l’orchestre pour diriger ce concert empli de nostalgie. 

Le programme débute par l’ouverture de l’opéra Gwendoline d’Emmanuel Chabrier. Créé à la Monnaie en 1886 sur un livret de Catulle Mendès, l’œuvre n’est jouée que quatre fois avant que la faillite du directeur de l’époque n’entraîne la fermeture du théâtre. Repris quelques fois à l’étranger, l’opéra disparaît progressivement des programmations sans avoir rencontré le succès mérité. Quand on entend son ouverture, on en vient à se demander pourquoi l’œuvre entière n’est plus jouée. Interprétée à merveille par l’orchestre de la Monnaie, l’ouverture s’articule autour de deux thèmes. Le premier, joué par les violoncelles, rappelle le chant des pirates danois qui fendent les vagues vers la terre de la belle Gwendoline, tandis que le deuxième, confié aux clarinettes, exprime la pitié de la belle. Œuvre épique et dramatique, l’ouverture de Gwendoline fait l’unanimité parmi le public. Malgré tout, je dois avouer avoir eu un petit goût de trop peu par rapport à l’échelle des nuances explorées par les musiciens. 

Notre voyage dans le temps s’est poursuivi avec cette fois un ensemble d’œuvres un peu plus contemporaines, les Trakl-Lieder de Philippe Boesmans. Composés en 1987, et retravaillés deux ans plus tard, c’est déjà sous la baguette de Sylvain Cambreling que les Trakl-Lieder furent pour la première fois interprétés à la Monnaie. Cycle de 7 lieder basés sur des écrits du poète salzbourgeois Georg Trakl, l’œuvre requiert l’intervention d’une voix de soprano lyrique. Et c’est Anett Fritsch qui a endossé ce rôle en ce dimanche de février. Chanteuse allemande de grand talent, elle a notamment reçu le Premier prix du Concours Johann Sebastian Bach à Leipzig. Elle fait montre d’une maîtrise totale dans l'entièreté des lieder, si bien que l’on en vient même à regretter de ne pas l’entendre dans un registre plus virtuose. Pour ce qui est de l’orchestre, mon âme de percussionniste ne peut s'empêcher de se réjouir d’entendre les percussions dans un rôle plus actif. Rôle que les percussionnistes de la Monnaie ont bien sûr tenu parfaitement. Bien que la présence de cette œuvre dans le programme se justifie, sa position au milieu de deux œuvres de compositeurs français du 19e siècle fort inspirés par Wagner m’a laissé une sensation étrange, que l’entracte séparant les Trakl-Lieder et l’œuvre de Chausson n’a pu empêcher. Petite information à ne pas oublier, la collaboration entre Philippe Boesmans et la Monnaie s’étoffera à nouveau d’un opéra dans le courant du mois de décembre 2022 avec On purge bébé.

Pour clôturer ce concert, l’Orchestre de la Monnaie a interprété la Symphonie en sib majeur d’Ernest Chausson. L’œuvre se découpe en trois mouvements. Lento et Allegro vivo ; Très lent ; Animé. La réception de l’œuvre à ses débuts fut fort favorable, et l’on comprend aisément pourquoi. Chausson jongle entre l’influence de son professeur César Franck, celle de son idole Richard Wagner et son propre caractère. Il en résulte une œuvre tout simplement magnifique qui mériterait d’être plus souvent jouée et dont les différents caractères qui la traversent ont été fort bien interprétés. Le public est conquis, les applaudissements sont fournis et les bravos fusent. 

L’orchestre de la Monnaie nous a livré une très belle prestation, pleine de contrastes et de musicalité et bien que le programme ne fût pas composé des plus célèbres des œuvres de l’histoire de la musique, ce fut un très beau concert. Chacune de ces pièces mérite d’être mieux connue, surtout quand elles sont interprétées de cette manière ! 

Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 20 février 2022

Alex Quitin

Crédits photographiques : Pieter Claes

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