Zemlinsky entre lyrisme et ironie

par

Alexander Zemlinsky (1871-1942) 
Die Seejungfrau (La petite sirène) ; Sinfonietta op.23 (arrangement pour orchestre de chambre par R. Freisitzer)
Helsinki Philharmonic Orchestra, dir. John Storgards
2015 – DDD – 69'25'' – Livret en anglais et finnois – Ondine ODE 1237-5

En 1902, Zemlinsky commençait à travailler sur le conte d'Andersen La petite sirène. Il avait alors l'intention d'en évoquer les principaux épisodes dans un poème symphonique en un mouvement, mais il trouva dans le récit une inspiration si grande que naquit finalement une œuvre en trois parties et d'une durée de cinquante minutes. Die Seejungfrau fut créée à Vienne en 1905, sous l'appellation de « Fantaisie pour orchestre », et reçut des échos favorables. Mais son auteur, mécontent peut-être de s'être laissé aller à un certain hédonisme impressionniste, retira bien vite la partition qui ne fut plus jouée de son vivant. Ironie de l'histoire, c'est justement grâce au charme candide de cette Seejungfrau que le nom de Zemlinsky se fit connaître auprès du grand public à partir de sa recréation, dans les années 1980. Cette nouvelle version, gravée par le Helsinki Philharmonic Orchestra, joue la carte de la couleur. John Storgard tire de l'orchestre des combinaisons de timbres luxuriantes, mettant en avant la richesse d'une orchestration qui évoque Ravel autant que Richard Strauss. Cependant, à vouloir trop assouplir les lignes mélodiques, il perd une énergie rythmique nécessaire : son interprétation, quoiqu'agréable, manque parfois de vie. Dans la Sinfonietta qui complète le disque, on ne trouve plus trace de cette sensualité un peu décadente. Tout au contraire, l'ironie d'un Prokofiev ou d'un Hindemith plane sur cette œuvre de trente ans postérieure à la précédente. Ce n'est curieusement pas la version originale de la Sinfonietta qui est ici enregistrée, mais un arrangement récent pour une formation plus réduite, dans l'esprit de ce qui se pratiquait au début du 20ème siècle. Pourquoi avoir opté pour cette version, quand l'originale utilise un orchestre similaire à celui de Die Seejungfrau ? Le livret ne le précise pas. Toujours est-il qu'un tel choix réduit l'oeuvre à ses lignes de force, permettant à l'orchestre des contrastes plus nets. Celui-ci réussit à mêler, dans cette partition complexe, grands élans lyriques et rythmes motoriques : les pupitres de vents, notamment, assument des sonorités tranchantes des plus réussies. Il en résulte un enregistrement de bonne qualité, propre à promouvoir un compositeur de talent qui mériterait d'être plus souvent joué.
Quentin Mourier

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 8

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