100 % Stravinsky avec François-Xavier Roth et Isabelle Faust

par

Après Chalon-sur-Saône, avant Nîmes, Barcelone, puis Arras, Les Siècles proposent à Dijon leur concert Stravinsky 100%, avec Isabelle Faust, évidemment sous la direction du fondateur de l’orchestre, François Xavier Roth, que l’on ne présente plus. Berliozien émérite, il illustre avec bonheur le plus large répertoire, symphonique et lyrique, son récent Pelléas en témoigne (« Une grande réussite », écrit Philippe Cassard).

Sans surprise, le généreux programme nous offre tour à tour la 2e suite de l’Oiseau de feu, le Concerto pour violon et le Sacre du printemps. Les deux premières œuvres (et,  les Trois pièces pour quatuor) feront l’objet d’une captation.

Du ballet de Fokine, d’après un conte traditionnel, Stravinsky tira plusieurs suites d’orchestre. Il y a deux ans, David Grimal et ses Dissonances, hélas congédiées de Dijon, nous donnaient la version ultime de cet Oiseau de feu. La deuxième, que nous écoutons, de 1919, est la plus diffusée. L’introduction, très retenue, feutrée, mystérieuse et sourde, irisée, comme la magie sont au rendez-vous. La vie prodigieuse de l’oiseau de feu, aérienne, d’une rare liberté, ses variations nous ravissent. La grâce de la ronde des princesses, avec son merveilleux hautbois, la farouche danse infernale de Katschei, tellurique comme transparente, tout est admirable. Toujours la direction est claire, ménageant des équilibres subtils, incisive, percutante, faisant chanter les lignes. La berceuse, enchaînée magistralement, revêt des couleurs chaudes. Enfin la spectaculaire progression du final nous emporte. La réussite est magistrale.

L’effectif se réduit pour le Concerto en ré pour violon, 1931, plus rare au concert, écrit pour Samuel Dushkin qui participa à son écriture. Isabelle Faust, régulièrement appréciée à Dijon, conjugue la virtuosité et l’humilité. Pleinement engagée, la force comme la délicatesse de son jeu forcent l’admiration, modèle d’élégance et de vie. Souvenons-nous qu’avec l’accord de Stravinsky, Balanchine chorégraphia le concerto. C’est précisément l’anniversaire de la soliste (Happy birthday to you !), et elle offre au public les Trois pièces pour quatuor à cordes de Stravinsky, avec le concours de trois musiciens de l’orchestre, parfaits chambristes par ailleurs.

Avec Les Siècles, François Xavier Roth a déjà gravé Le Sacre du printemps à deux reprises (2014 - Actes Sud, puis 2021 - Harmonia mundi). C’est déjà dire que la partition n’a plus de secrets pour lui. La version qu’il nous propose, plus symphonique que chorégraphique, est aboutie. Ce sont l’âpreté, la dimension tragique du sacrifice, inexorable, incantatoire qui dominent. Cependant la beauté plastique est magnifiée, sinon dans l’introduction, où le timbre du basson surprend, feutré, soyeux. Les Augures printaniers n’ont pas la sauvagerie attendue de sa métrique, la jubilation fait défaut. Sans doute le tempo adopté, extrêmement rapide, est est-il la cause. Cela bouillonne, la dynamique, les contrastes sont portés à l’extrême, l’orchestre est en fusion. Pour une fois, les triple piano, les quadruples forte prennent toute leur valeur, comme les progressions et l’utilisation des suspensions, des silences. L’orchestre, virtuose à souhait, nous offre des couleurs rares, quasi inouïes (les mixtures). L’ivresse sonore et rythmique culmine évidemment dans le finale de la Danse sacrale. Une version inspirée, décapante, voire dérangeante, mais qui ne laisse personne insensible.

Dijon, Auditorium, le 19 mars 2023

Yvan Beuvard

Crédits photographiques :  Holger Talinski

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.