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C’est à un programme tout entier tourné vers l’Europe de l’Est que nous conviait l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Si l’on associe aujourd'hui les trois compositeurs joués à trois régimes politiques différents (respectivement polonais, soviétique et russe), il n’est peut-être pas inintéressant de signaler qu’ils sont tous trois nés dans un lieu alors sous l’autorité de la Russie tsariste.
Ouverture-Concerto-Symphonie pour ce programme savamment pensé, avec des œuvres qui seront des découvertes pour beaucoup d’auditeurs, même si elles émanent de compositeur très souvent programmés.
Grażyna Bacewicz a fait l’essentiel de sa double carrière de violoniste virtuose (élève d’André Tourtet et de Carl Flesch) et de compositrice (ayant bénéficié des conseils de Karol Szymanowski et de Nadia Boulanger) en Pologne. Sa musique, essentiellement instrumentale, fait appel aux formes classiques (sonates, concertos, symphonies) ; elle est directe, sans doute ancrée dans une certaine tradition, mais non sans personnalité. Son écriture pour orchestre est particulièrement colorée, et, avant de faire celui de ceux qui l’écoutent, fait le bonheur de ceux qui la jouent.
Son Ouverture a été écrite en 1943, à Varsovie, qui vivait alors la terrible occupation nazie (et son redoutable et tristement célèbre ghetto juif). C’est une œuvre courte, qui utilise le fameux motif rythmique 3 brèves-1 longue, qui en morse (ti-ti-ti-ta) donne la lettre V, comme Victoire, et qui pendant la Seconde Guerre mondiale sera, par les quatre premières notes du début de la Cinquième Symphonie de Beethoven (sur lesquelles est construite toute l’œuvre), le signe d’espoir et de ralliement des alliés. Cette Uwertura (titre original) est saisissante de vitalité.
L’écriture pour les cordes est très virtuose, avec des demandes de doigtés spécifiques (notamment pour les violons) aussi incisives que difficiles, dont s’acquittent brillamment tous les pupitres de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.
Suivait le Deuxième Concerto pour violon de Dimitri Chostakovitch. Moins souvent joué que le premier, probablement parce qu’il est moins spectaculaire et permet moins au soliste de briller, il n’en demeure pas moins un des chefs-d’œuvre de la dernière période de Chostakovitch, celle de l’approche de la mort. Son écriture devient plus dépouillée, sa musique quelque peu énigmatique et difficile d’accès à la première écoute.
Pourtant, surtout avec une interprète telle qu’Isabelle Faust, quelle émotion ! Son jeu, à la fois intense et sobre, convient à merveille à cette œuvre complexe et intérieure. Elle trouve le moyen de raconter des histoires différentes avec du matériau musical similaire, mais qui arrive dans des contextes différents. Elle peut avoir des sonorités rugueuses, rauques, ou au contraire aériennes ou chatoyantes, toujours parfaitement maîtrisées.
L’entente avec Pablo Heras-Casado et l’orchestre est optimale. Il dirige simplement, de façon très expressive mais contenue, à l’unisson avec la soliste. Elle semble par moments accompagner, en toute humilité, les interventions de l’orchestre et de ses solistes, lesquels paraissent captivés par la musique de Chostakovitch. Mention spéciale au premier cor Alexandre Collard, impeccable techniquement, et qui se permet de prendre des risques avec des nuances et des attaques tout en douceur. Au passage, nous pouvons louer tout le pupitre de cors. Alors qu’ils sont les seuls de cette famille dans l’orchestre, plus d’une fois, nous avons eu l’impression d’entendre tout un ensemble de cuivres, avec des trompettes et des trombones.