Symphonies de la famille Bach élargie, dont quatre premières mondiales

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Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784) : Symphonie pour cordes et basse continue en ré majeur BR-WFB C Inc. 1. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Symphonies en mi bémol majeur et en do majeur pour cordes et basse continue ; Symphonie en mi mineur pour cordes et basse continue Wq 177. Johann Christoph Friedrich Bach (1732-1795) : Symphonie en ré mineur. Johann Ernst Bach (1722-1777) : Symphonie en si majeur pour cordes, deux bassons et basse continue BR-JEB C 1. Johann Ludwig Bach (1677-1731) : Concerto en ré majeur pour deux violons, deux hautbois, cordes et basse continue. Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Sinfonia en ré majeur pour violon, deux hautbois, deux trompettes, timbales, cordes et basse continue BWV 1045. Berliner Barock Solisten, direction Reinhard Goebel. 2021. Notice en allemand et en anglais. 63.37. Hänssler Classic HC21029.

On ne présente plus Reinhard Goebel (°1952), le fondateur légendaire du Musica Antiqua Köln qu’il a dirigé pendant plus de trois décennies. Depuis quelques années, il enregistre pour le label Hänssler Classic une série de gravures avec les Berliner Barock Solisten, ensemble fondé en 1995 par des membres de la célèbre Philharmonie ; on y relève des œuvres de Handel, Mozart ou Jean-Sébastien Bach (concertos pour cor avec Radek Baborák, concertos pour violon avec Frank Peter Zimmermann), mais aussi des cantates de la famille Bach, père et fils. Cette fois, ce sont des symphonies, dont quatre en première discographique mondiale, qui sont mises en évidence, la « famille » s’élargissant au cousinage du Cantor.

De Jean-Sébastien lui-même, on ne trouve ici que la seule Sinfonia BWV 1045, fragment d’un projet d’une œuvre chorale sacrée qui a disparu, et dont n’a survécu qu’un autographe des environs de 1740. Bach aurait d’abord écrit la partie pour cordes, lui ajoutant ultérieurement hautbois, trompettes et timbales. La notice de Peter Wollny suggère que la technique du violon et la conception sous forme de « ritornello » font penser à un essai dans le style de Vivaldi. Ce morceau brillant assez court a été placé tout en fin de programme. Il est précédé par des partitions de deux cousins éloignés de Jean-Sébastien. Le premier, Johann Ludwig Bach, né en 1677, huit ans avant Jean-Sébastien, était le fils de l’organiste et cantor Johann Jacob Bach (1655-1718). Il a passé l’essentiel de sa carrière à la Cour de Meiningen où il a débuté comme musicien dès ses 22 ans avant d’y être nommé cantor en 1703 puis kapellmeister en 1711. Il est l’auteur de pages vocales et orchestrales dont un petit nombre a été conservé. Le présent Concerto pour deux violons et deux hautbois, d’une élégance raffinée, n’est accessible que dans une copie du XIXe siècle tardif et sa composition se présente plutôt sous la forme d’une symphonie avec instruments privilégiés. Le deuxième cousin représenté est Johann Ernst Bach, né en 1722, qui a étudié à Leipzig avant de travailler comme organiste à Eisenach et d’occuper des fonctions musicales à Weimar. On apprécie une brève Symphonie avec deux bassons, une première mondiale aux jolis coloris.  

Les autres élus du programme sont des fils de Jean-Sébastien. Une seule partition pour Wilhelm Friedemann, une Symphonie en ré majeur, elle aussi en première mondiale. Elle n’existe que sous la forme d’un manuscrit dans la collection de la Sing-Akademie de Berlin et pourrait dater de la période d’avant ses trente ans, à Dresde, avec son souple Moderato initial, son lyrique Andante e piano sempre et son alerte Vivace. Carl Philipp Emmanuel est le mieux servi dans ce panorama familial : trois symphonies, dont deux inédites. La Wq 177 aurait été composée en 1756 ; cette œuvre de facture sombre, qui fit impression en son temps, apparaît dans un recueil publié à Nuremberg trois ans plus tard. Les deux autres partitions, en mi bémol majeur et en do majeur, sont, selon le propos de la présentation, « énigmatiques » quant à leur date de composition, qui tourne autour des années 1745/1750. On lira les détails dans la notice qui parle de leur présence dans des manuscrits ou des copies d’archives ou de bibliothèques universitaires, et évoque le style maniéré de la première qui fait penser à la culture de la Cour de Frédéric le Grand, celui de la seconde baignant dans un contexte d’apparent faux désordre. 

Hélas, la découverte de cet album ne transporte pas l’auditeur. Reinhard Goebel et les Berliner Barock Solisten proposent une interprétation aux nuances lisses et aux couleurs peu contrastées, sans cette étincelle qui apporterait une flamme aux pages dont la nouveauté discographique incite à la curiosité. Tout cela est bien placide, d’un élan relatif, dans une atmosphère qui ne décolle qu’assez peu. Malgré l’intérêt que peut représenter l’ajout d’inédits pour la connaissance des compositeurs, cet hommage à la famille Bach élargie souffre d’un manque évident de dynamisme, sinon de conviction. L’ennui s’installe même de-ci de-là, c’est tout dire … 

Son : 9  Notice : 8  Répertoire : 8, 5  Interprétation : 6

Jean Lacroix   

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