Anthologie vocale autour du temps pascal : Hammerschmidt enluminé par Vox Luminis

par

Ach Jesus Stirbt. Andreas Hammerschmidt (c.1611-1675) : Ach Jesus stirbt ; Ist nicht Ephraim ; Warum betrübst du dich ; Ach Gott, warum hast du mein vergessen ; O barmherziger Vater ; Erbarm dich mein ; Bis hin an dess Creutzes stamm ; Vater unser ; Triumph, Victoria ; Christ lag in Todesbanden ; Die mit Tränen säen ; Wer wälzet uns den Stein ; Ich bin gewiss, dass weder Tod ; Ich fahre auf zu meinem Vater ; Siehe, wie fein und lieblich ists. Lionel Meunier, Vox Luminis, Ensemble Clematis. Septembre 2019. Livret en anglais, français, allemand ; textes des chants en allemand, traduction anglais et français. TT 70’27. Ricercar RIC 418

Les amateurs de danseries baroques se souviennent du bouquet de Suites instrumentales par Hespérion XX captées à Roquemaure (Harmonia Mundi, 1986). Les disques entièrement consacrés à Hammerschmidt ne sont pas légion. Moins d’une dizaine, c’est peu et déjà enviable, pour celui resté dans l’ombre des « trois S » (Schütz, Schein, Scheidt), continuateur plus habile que génial. Depuis le vinyle Geistliche Chorwerke de Rolf Schweizer ‎et ses troupes de Pforzheim (chez Da Camera Magna), on compte deux contributions du Knabenchor de Hanovre (dirigé par Heinz Hennig, Ars Musici, 1998, et par Jörg Breiding Rondeau, 2005), un CD par Weser-Renaissance de Manfred Cordes ‎ (CPO, 2001), deux des Gli Scarlattisti de Jochen Arnold (Carus Verlag, dans le sillage du 400e anniversaire de la naissance du compositeur). Hammerschmidt figurait déjà dans l’album Ein feste Burg ist unser Gott de Vox Luminis (Ricercar 2016), cet ensemble vocal qui depuis dix ans (Musicalische Exequien, 2010) visite avec bonheur le répertoire de la Réforme. C’est pour fuir sa Bohème natale, sous obédience catholique, que la famille du jeune Andreas rejoignit la Saxe : en ces terres luthériennes se déroula sa carrière d’organiste, à la Petrikirche de Freiberg puis à la Johanneskirche de Zittau.

Il produisit une œuvre abondante qui, hormis celles pour tuyaux, est largement parvenue jusqu’à nous : plus de vingt recueils dont une quinzaine relèvent de la musique sacrée et traduisent l’évolution de son écriture. Le présent enregistrement propose une vue en coupe sur ces différents styles, essentiellement au travers des collections successives des Musicalischer Andachten, échelonnées entre 1639-1652. Selon les pièces, l’effectif varie entre une voix soliste avec basse continue et jusqu’à douze voix, avec incursions de polychoralité. Cela cultivé dans plusieurs genres : motet à l’italienne, oratorio (scènes évangéliques de la crucifixion, ou des Marie au tombeau), concerts spirituels avec renfort cuivré (Triumph, Victoria, épaulé par trompettes et trombones) qu’on admire aussi dans le Christ lag in Todesbanden tiré d’un recueil de 1662. Le programme nous transporte jusqu’aux ultimes années (les Fest- und Zeit Andachten de 1671) où l’émotion semble la plus disciplinée, sinon épurée comme en atteste le Ach Jesus stirbt qui donne son titre au récital. Cette exploration transversale se fédère par une thématique, qui nous mène du Triduum à l’Ascension. Cette piste liturgique avait déjà été envisagée dans l'anthologie Also hat Gott die Welt geliebt chez Carus (Passion et Pâques) et Motets pour le temps de Noël et de la Résurrection dirigés par Michel Laplénie (Assai, 2000).

Depuis la débilitation du corps meurtri sur le calvaire jusqu’aux exultations de la Montée en Gloire, les chanteurs de Vox Luminis n’outrent pas la vocation madrigalesque mais restent sensibles à la ferveur, avec finesse et sobriété. Ce qui n’empêche pas l’éréthisme de la prière au Notre Père (plage 8), qui culmine sur un vibrant « und die Herrlichkeit von Ewigkeit zu Ewigkeit ». Le subtil continuo associe l’orgue Thomas de Notre-Dame de Gedinne (où s’est déroulé l’enregistrement) et les doux archets de Clematis. Humble déclinaison des effets d’écho, délicate polychromie, affectivité contenue : l’équipe de Lionel Meunier nous présente un précieux travail d’enluminure, à l’instar du retable de cette église dont la restauration venait d’être inaugurée lors de ces sessions de septembre 2019. L’impeccable résultat d’ensemble (lisse et candide comme un vélin), un chevage polyphonique qui évite la couleur trop vive, ne laisseraient désirer qu’un surcroît de relief expressif. La notice évoque les « messes brèves » de 1663, que les interprètes n’ont pu inclure sur leur CD déjà bien rempli. Face à une telle réussite, envoûtante, on ne peut qu’espérer qu’ils abordent ce corpus dans un prochain disque !

Christophe Steyne

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9

 

 

 

 

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