Edgar Moreau sur les pas de Rostropovitch 

par

Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Concerto pour violoncelle et orchestre en do mineur, op 43 ; Henri Dutilleux (1916-2013) : « Tout un monde lointain… ». Edgar Moreau, violoncelle ; WDR Sinfonieorchester, direction Andris Poga. 2023. Livret en anglais, français, allemand. 61’ 40”. Warner 5054197489334.

Violoncelliste français révélé au Concours Rostropovitch et acclamé deux ans plus tard au Concours international Tchaïkovski, Edgar Moreau revient en ce 1er septembre avec un album sous le ton de la dualité en choisissant de revisiter deux pièces de Mieczysław Weinberg et de Henri Dutilleux. Celles-ci ayant été révélées pour la première fois au public par Mstislav Rostropovitch, Moreau souhaite mettre en exergue la relation particulière qu’il entretient avec celui que l’on définit comme le plus grand violoncelliste du 20e siècle. 

Passant d’un concertino à un concerto et banni sous le régime de Staline, probablement en raison des origines juives du compositeur, Weinberg, dans cette première pièce, nous propose un Adagio qui n’est sans rappeler le lyrisme du Nocturne op. 77 de Chostakovitch, son maître. Moreau, quant à lui, nous envoûte au moyen d’un sublime son piano qui vient caresser délicieusement nos oreilles pendant plus de sept minutes avant de se taire dans un pianissimo saisissant. Ce moment ne manque pas de rappeler la critique élogieuse de Gramophone lorsqu’ils décrivent le violoncelliste français comme ayant « un timbre magnifique, un phrasé ravissant, et une intensité de prestation amplifiée par l'immédiateté de sa présence dans l'image sonore ». Dans le Moderato, le WDR Sinfonieorchester et Moreau semblent être en parfaite symbiose : les dialogues sont vivants et la mélodie intrigante de la clarinette est sublimée par des coups d’archet venant ajouter une dimension supplémentaire à chaque note. Le rythme est porté par la maestria de l’orchestre, tandis que le violoncelle de Moreau et la clarinette se complètent en créant un tourbillon d’émotions. La pièce se termine par deux Allegros flamboyants.

Titre inspiré par un des poèmes composant les « Fleurs du mal » de Charles Baudelaire, la pièce « Tout un monde lointain… » de Henri Dutilleux renferme cinq mouvements. De langage atonal, cette œuvre demeure toutefois relativement accessible de par son caractère lyrique et poétique. Malgré la complexité, Edgar Moreau réussit à livrer une interprétation convaincante en démontrant une sensibilité et une compréhension musicale remarquable. Dans Énigme, il n’hésite pas à affirmer un caractère profondément tragique, transportant l’auditoire dans un univers sonore inexploré, mais c’est dans le final que son interprétation fleurit le plus. Inspiré par La voix de Baudelaire, ce mouvement se révèle être un tour de force où le violoncelliste déploie une virtuosité saisissante. Il semble alors que ce soit la voix qui promet de voyager au-delà du connu qui l’emporte, qui nous emporte. 

Ces interprétations des œuvres de Weinberg et de Dutilleux par Edgar Moreau et le WDR Sinfonieorchester sont une véritable célébration de la musique concertante du XXe siècle. Elles réussissent brillamment à transcender les barrières du langage atonal pour capturer l’essence même des compositions, faisant ressortir toute leur richesse lyrique et poétique.

Note globale : 8/10 

Clément Bellenger

Parution le 1/09

Chronique réalisée sur base de l’édition numérique.

 

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