Jean-Guihen Queyras avec l'OSR à Genève

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Chaque saison, à l’occasion de la Journée des Nations Unies, l’Orchestre de la Suisse Romande donne un concert qui est présenté en prime au public le soir précédent. A cet effet, Jonathan Nott choisit un programme Beethoven – Haydn qui peut convenir à n’importe qui en commençant par une page brillante, l’ouverture que Joseph Haydn, au service du Prince Esterhazy, composa pour son dramma giocoso, Il Mondo della Luna, sur un livret de Carlo Goldoni, créé à Esterhaza le 3 août 1777. Sa baguette lui prête un tour alerte, pimenté d’ironie, que façonne la souplesse de phrasé des cordes, se mettant ensuite au second plan pour laisser chanter les bois, tout en insufflant exubérance au tutti. Intervient ensuite le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, interprète du Concerto en ut majeur Hob.XVIIB.1 ; d’emblée, il prend part à l’introduction orchestrale avant de livrer le solo dans une sonorité mordorée d’une rare ampleur qui confère éclat à son jeu, usant magistralement des doubles cordes pour faire sourdre les contrastes de coloris ; et sa première cadenza révèle une extrême liberté de ligne, tout en conservant pour point de mire la thématique du Moderato. L’Adagio n’est que demi-teintes expressives à fleur de touche, tandis que le Finale, extrêmement rapide, éblouit par ses traits à la pointe sèche qu’emporte un irrésistible entrain. Devant l’enthousiasme délirant du public, le soliste, manifestement ému, concède deux bis, une page d’Henri Dutilleux, la Première Strophe sur le nom de Sacher, sollicitant les ressources les plus inattendues de l’instrument, suivie du Prélude de la Quatrième Suite en mi bémol majeur de Bach, à la sérénité majestueuse.

En seconde partie, Jonathan Nott présente une symphonie de Beethoven, la Quatrième Symphonie en si bémol majeur op.60, en renforçant l’effectif ; une fois de plus, faut-il réellement solliciter douze premiers, douze seconds violons, alors que la flûte est seule, les bois, cors et trompettes sont par deux ? ou alors, à l’instar d’un Bruno Walter, d’un Pierre Monteux, faut-il ne mettre en évidence que certaines composantes du tutti ? Tout au moins, ici, l’introduction est nimbée d’un pianissimo mystérieux qui débouche sur un allegro énergique mais boursouflé que la flûte tente d’alléger lorsque pointe le da capo. L’adagio est développé par les premiers violons en un cantabile qui, au contact des cordes graves, se corse comme la houle, tout en sachant se retirer afin de permettre le dialogue entre la flûte et la clarinette. Sous une seule ligne se dessine le double scherzo, que le trio édulcorera d’inflexions enjouées, alors que le finale déborde d’une joie effrénée qui se répand sur les spectateurs absolument conquis.          

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 23 octobre 2019

Crédits photographiques : Pierre Abensur

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