« La Marseillaise des concerts modernes » : le Bolero de Ravel revu par Ravel Edition

par

Maurice Ravel (1875-1937) : Bolero, versions de 1928 et 1929

Tombé dans le domaine public depuis le 1er mai 2016, le Bolero de Ravel, dont on vient de fêter les 90 ans, continue de faire parler de lui ces derniers mois par des rebondissements judiciaires incessants. Malgré tout, cette exclusivité mondiale affranchie -que la maison Durand (Universal) possède néanmoins toujours aux États-Unis jusqu’en 2025- il est aujourd’hui permis à de nombreux éditeurs de publier leur version de cette œuvre mythique commandée à Maurice Ravel par la danseuse russe Ida Rubinstein.

Dans cette mouvance nouvelle naquit la « Ravel Edition » dont l’équipe, composée de chefs d’orchestre et musicologues français, s’est attelée à offrir un travail d’analyse inédit sur les manuscrits et toutes sources susceptibles d’éclairer la commande et la création de ce ballet d’une exceptionnelle modernité en son temps.

A travers différents textes fouillés, éclairants et appuyés par la correspondance de Ravel avec ses éditeurs et amis et d’autres documents historiques, cette édition remet en lumière un chef-d’œuvre incontesté dont peu d’informations sur la genèse nous sont connues aujourd’hui. Ce qui fait l’une des qualités premières de cet ouvrage, c’est le soin porté au choix de la mise en page, de la qualité du papier (120 grammes), de la typographie… et cela n’est pas anecdotique pour un chef d’orchestre susceptible de travailler cette œuvre. Deux éditions de l’œuvre sont proposées : la version de 1928 (Ballet commandé par Ida Rubinstein et transcrit tel qu’il fut joué lors de sa création le 22 novembre 1928 à l’Opéra Garnier) révisée par François Dru (responsable éditorial) et le chef d’orchestre Quentin Hindley, et la version de concert de 1929 revue cette fois exclusivement par Quentin Hindley.

Le lecteur aura tout le loisir de découvrir les différences entre ces deux versions, c’est-à-dire les corrections et les modifications manuscrites de Ravel pour la première que les auteurs ont souhaité recopier à l’identique (avec les erreurs éventuelles), et la seconde retravaillée en fonction des différentes sources disponibles aujourd’hui et en collaboration avec de nombreuses institutions (La Monnaie, The Morgan Library, The British Library, les Archives du Palais princier de Monaco…). Un comité de lecture prestigieux composé de chefs de renommée internationale complète cette équipe de talent : Louis Langrée (directeur du Cincinnati Symphony Orchestra), Alain Pâris et Pascal Rophé (directeur musical de l’Orchestre National des Pays de la Loire). Tout est clair, détaillé et sans aucune ambiguïté. En prenant quelques minutes la casquette de chef d’orchestre, il convient de saluer le travail entrepris ici qui permet de lire et mieux cerner le discours tant littéraire que musical. Plus encore, l’article de Manuel Cornejo (français et anglais), « Vérité et contre-vérités sur sa genèse et histoire », accessible à tous, offre un panorama plus que complet et largement documenté sur l’histoire de sa création depuis les prémices quelques années auparavant jusqu’au projet avorté d’orchestration de pièces d’Albéniz. Émettant ci et là quelques hypothèses et réserves sur des points encore flous  -l’auteur ne désespère pas de découvrir dans des fonds de bibliothèque d’autres documents qui attesteraient ses dires-, Manuel Cornejo dévoile quelques mystères sur une œuvre que l’on croyait connaître sur le bout des doigts. Savions-nous par exemple que le titre initial était Fandango ? Et que sans l’intervention de Joaquin Nin sur l’exclusivité d’orchestrer Iberia réservée à Arbos, ce mouvement perpétuel n’aurait peut-être jamais existé ?

Deux autres articles complètent cette préface : l’un consacré à l’importance à concéder aux sources enregistrées, dont certaines par et/ou avec Ravel, par Alain Pâris, et l’autre regroupant les enregistrements historiques de 1930 à 1939 par Jean Touzelet. Un appareil critique toujours aussi détaillé et fournissant davantage d’informations conclut la lecture et nous éclaire sur le travail colossal et phénoménal effectué pour ce premier volume.

A noter que le matériel d’orchestre est disponible auprès de XXI Music Publishing. Sans aucun doute, voilà un objet de grande qualité à posséder, tant pour le musicien que le mélomane. Bravo !

2018 – Ravel Edition – 212 pages – ISMN 9790803766005 – 62 euros

Ayrton Desimpelaere

 Pierre-Jean Tribot, Rédacteur en chef de Crescendo Magazine, est fondateur et administrateur de XXI Music Publishing ASBL.

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