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Le Voyage d’automne glaçant de Bruno Mantovani

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Voyage d’automne est le 3ème opéra de Bruno Mantovani. Créé le 22 novembre dernier au Capitole de Toulouse, il expose avec courage et dignité une page très sombre de l’histoire de France : la collaboration affichée des écrivains Marcel Jouhandeau, Jacques Chardonne, Ramon Fernandez, Pierre Drieu la Rochelle et Robert Brasillach.

Voyage d’automne, 3ème opéra du compositeur français Bruno Mantovani, questionne, comme ses deux précédents opus, L’autre côté (2006) et Akhmatova (2012), la place de l’expression artistique dans un régime totalitaire. Si c’était sous forme de résistance à l’oppresseur pour le graveur et la poétesse de L’autre côté et Akhmatova, c’est en embrassant à pleins bras et pleine bouche l’idéologie fasciste pour les écrivains collaborationnistes Marcel Jouhandeau, Jacques Chardonne, Ramon Fernandez, Pierre Drieu la Rochelle et Robert Brasillach. Page sombre de l’histoire de France s’il en est, il faut du courage ou de l’inconscience pour l’exposer sur le devant de la scène, avec l’ampleur du genre opératique qui plus est. Par le sérieux de son écriture et de sa composition, ainsi que par sa qualité d’interprétation scénique et musicale, Voyage d’automne vient nous rappeler avec force qu’il est important d’œuvrer à tout prix à éviter que l’histoire ne se répète…

Si Bruno Mantovani est quelqu’un de plutôt débonnaire et affable, la noirceur de son propos musical, pour Voyage d’automne, est frappante : trame métallique omniprésente des percussions, gémissements des cordes, cris des clarinettes, usage de quarts de ton discordants, étouffement des cordes du piano pour un son froid et déshumanisé… Si vous ajoutez à cela la quasi permanence d’un rythme de train en marche, vous comprendrez que l’ensemble de l’action se déroule en apnée, sans un seul moment de répit. Le sujet en est simple : en 1941, les écrivains Marcel Jouhandeau, Jacques Chardonne, Ramon Fernandez, Pierre Drieu la Rochelle et Robert Brasillach, qui ont fait allégeance au régime nazi, se rendent en train à Weimar, depuis Paris, pour assister au congrès des écrivains, organisé par le trouble et séduisant Wolfgang Heller. Responsable du groupe Schriftum (questions littéraires) de la Propagandastaffel, le service de propagande et du contrôle de la presse française pendant l’Occupation, et parfait francophone, Heller, tel Méphisto, entraîne les écrivains dans une course vers l’abîme, qui verra Drieu La Rochelle se suicider en 1944, Jouhandeau entamer une relation homosexuelle avec son séducteur/bourreau et Brassillach être fusillé en 1945 au Fort de Montrouge.

Les mondes tourmentés de Michael Jarrell 

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Michael Jarrell (né en 1958) : Paysages avec figures absentes - Nachlese IV ; Sechs Augenblicke ; …un long fracas somptueux de rapide céleste…Ilya Gringolts, violon ; Florent Jodelt, percussions. Orchestre national des Pays de la Loire, direction : Pascal Rophé. 2022. Livret en anglais, allemand et français. 54’16’’. BIS 2672. 

Debussy orchestré par Pascal Rophé 

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Claude Debussy (1862-1918) : Petite Suite, L.65 (Orchestration d’Henri Büsser) ; La Boîte à Joujoux, L.136 (Orchestration d’André Caplet), Children’s Corner, L.113  (Orchestration d’André Caplet). Orchestre national des Pays de la Loire, Pascal Rophé. 2021. Livret en anglais, allemand et français. Bis 2622. 

L’ONPL, Tabea Zimmermann et Renaud Capuçon limpides dans des œuvres troublantes de Michael Jarrell

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Michael Jarrell (né en 1958) : Émergences-Résurgences ; … Le ciel, tout à l’heure encore si limpide, soudain se trouble horriblement… ; 4 Eindrücke. Orchestre National des Pays de la Loire, dir. Pascal Rophé ; Tabea Zimmermann, alto ; Renaud Capuçon, violon. 2021. 58'50". Notes en français, anglais et allemand. BIS-2482 SACD.

Michael Jarrell, compositeur 

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Le compositeur suisse Michael Jarrell assure la présidence du Concours de composition de Bâle qui se déroule du 4 au 7 mars. Dédié à la mémoire du mécène et musicien Paul Sacher, ce concours, au jury prestigieux, a la particularité de ne pas imposer de limite d’âge aux candidats. Crescendo Magazine rencontre le compositeur alors que paraît également un superbe album monographique avec trois de ses partitions interprétées par l’Orchestre National des Pays de la Loire sous la direction de Pascal Rophé.

Vous êtes président du jury du Concours de composition de Bâle, qu’est-ce qui vous a motivé à accepter cette fonction ? 

C’est très simple, en 2017, pour la première édition du concours, j’ai été invité aux côtés d’autres compositeurs dont Oliver Knussen à être membre du jury sous la présidence de Wolfgang Rihm. Malheureusement, tous deux, pour des raisons de santé, ont dû annuler leur participation. C’est alors que WR m’a demandé de reprendre la présidence, ce que j’ai accepté, entre autres, par amitié.

Ce concours est un hommage à la figure de Paul Sacher, mécène et musicien bâlois qui a marqué le XXe siècle. En quoi la figure de Paul Sacher est-elle une inspiration et un modèle pour notre époque ? 

Paul Sacher et sa femme ont toujours soutenu la création, que ce soit en musique ou dans les arts visuels. C’était pour eux une évidence. En ce sens, ils sont une source d’inspiration et un modèle pour notre époque qui a énormément besoin de beauté et d’empathie.

Dans ce concours, il n’y a pas de limite d’âge. Le jeunisme est-il incompatible avec l’art de la composition ? 

Ne pas fixer de limite d’âge est une des particularités de ce concours. L’idée d’une compétition de composition est évidemment de soutenir les jeunes talents, de découvrir et faire connaître de nouvelles personnalités et de donner à ces compositeurs la possibilité d’entendre ce qu’ils ont écrit. 

L’âge n’est pourtant pas toujours un critère pertinent : si quelqu’un aborde l’écriture musicale à un âge déjà avancé, il est possible de le considérer comme un jeune compositeur. Par ailleurs, dans l’histoire de l’art, il existe des exemples de personnalités marquantes qui ont été découvertes sur le tard.

Premier enregistrement acoustique pour La Dixième Symphonie (Hommage à Beethoven) de Pierre Henry

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Pierre Henry (1927-2017) : La Dixième Symphonie (Hommage à Beethoven). Benoît Rameau, ténor – Orchestre Philharmonique de Radio France – Orchestre du Conservatoire de Paris – Chœur de Radio France – Le Jeune Chœur de Paris – Richard Wilberforce, chef de chœur – Pascal Rophé, Bruno Mantovani et Marzena Diakun, direction. 2020. 74’08. Livret en français et en anglais. 1 CD Alpha 630.

Pascal Rophé à propos de Dukas et Roussel

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Pascal Rophé, directeur musical de l’Orchestre National des Pays de la Loire, sort un album Dukas / Roussel qui fait l’événement (Joker de Crescendo). Le chef d’orchestre revient sur le concept éditorial de cet album et sur la place de Dukas et Roussel dans l’Histoire de la musique.

 Pouvez-vous nous expliquer le concept éditorial de ce disque ?

L’idée est partie du fait que nous avons fréquemment joué l’Apprenti sorcier pour des concerts famille et autres ces dernières années. L’interprétation de cette  œuvre  m’a permis de voir le chemin parcouru par l’orchestre depuis le début de mon mandat en 2014. L’Orchestre National des Pays de la Loire a également évolué par la pratique régulière de ce répertoire français faisant partie de son ADN, dès lors enregistrer l’Apprenti sorcier s’est rapidement imposé afin de formaliser et de prendre acte de ce parcours. Je trouvais intéressant de mettre en parallèle Dukas et Roussel, deux figures presque contemporaines mais si différentes. De Dukas, il était pertinent de proposer la très rare ouverture de jeunesse Polyeucte. On peut ainsi apprécier l’évolution du compositeur entre cette ouverture, très franckiste et wagnérienne, et l’Apprenti sorcier avec sa finesse orchestrale et sa clarté instrumentale très ravéliennes. Quant au Festin de l’araignée, c’est un véritable bijou musical. C’est une partition de chef et elle est très fréquente dans les classes de direction d’orchestre. Hormis l’Apprenti sorcier, ni le Polyeucte, ni le Festin de l’araignée ne sont des œuvres très enregistrées.

La Dixième Symphonie de Beethoven selon Pierre Henry

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La Dixième Symphonie de Beethoven... Existe-t-il une œuvre musicale qui fasse davantage fantasmer ? 

On sait qu’en effet Beethoven a eu ce projet, auquel il a commencé à travailler en même temps que sa Neuvième. Mais y tenait-il tant que ça ? Ce n’est pas sûr. Des projets, il en a eu... Tous n’ont pas abouti, loin de là. Il est tout à fait possible d’imaginer que, s’il avait vécu plus longtemps, après cette Neuvième révolutionnaire à plus d’un titre, il ne soit pas retourné à la symphonie. C’est ce qu’il a fait pour ses sonates pour piano : après l’Opus 111, écrite alors qu’il devait continuer de composer pendant cinq années, il nous a donné les Variations Diabelli, la Missa Solemnis, la Neuvième Symphonie, cinq quatuors à cordes... Autant de chefs-d’œuvre absolus, qui n’étaient plus des sonates pour piano.

« La Marseillaise des concerts modernes » : le Bolero de Ravel revu par Ravel Edition

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Maurice Ravel (1875-1937) : Bolero, versions de 1928 et 1929

Tombé dans le domaine public depuis le 1er mai 2016, le Bolero de Ravel, dont on vient de fêter les 90 ans, continue de faire parler de lui ces derniers mois par des rebondissements judiciaires incessants. Malgré tout, cette exclusivité mondiale affranchie -que la maison Durand (Universal) possède néanmoins toujours aux États-Unis jusqu’en 2025- il est aujourd’hui permis à de nombreux éditeurs de publier leur version de cette œuvre mythique commandée à Maurice Ravel par la danseuse russe Ida Rubinstein.

Dans cette mouvance nouvelle naquit la « Ravel Edition » dont l’équipe, composée de chefs d’orchestre et musicologues français, s’est attelée à offrir un travail d’analyse inédit sur les manuscrits et toutes sources susceptibles d’éclairer la commande et la création de ce ballet d’une exceptionnelle modernité en son temps.