Toon Fret, flûtiste sans frontières

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Professeur au Conservatoire Royal de Liège et membre fondateur des ensembles Het Collectief et Oxalys, Toon Fret est un musicien qui aime sortir des sentiers battus. À l’occasion de la parution de son nouveau disque “Origins” chez Fuga Libera, son troisième avec la pianiste Veronika Iltchenko, il répond aux questions de Crescendo-Magazine  

Votre nouveau disque se nomme “Origins”. Pouvez-vous nous en expliquer le concept ?

Il s’agissait de retrouver un ADN plus “naturel”, une sorte de goût du terroir en musique  après deux précédents albums centrés sur la musique de la “Belle époque” avec des partitions plus orientées vers le salon que vers la nature. Dans cet album nous mêlons différents types de musiques plutôt purement folkloriques comme avec Bartók ou Amirov à des oeuvres plus “savantes” comme la Sonate pour flûte et piano d’Erwin Schulhoff. Cette dernière reprend des techniques de collage des années folles à Berlin mais elle est inspirée de différentes chansons populaires que le compositeur avait entendues pendant son enfance à Prague. C’est une partition que je voulais absolument faire découvrir.

Dans la liste des pièces proposées par ce disque, on découvre Arno Babadjanian et Fikret Amirov, compositeurs encore très peu connus. Comment avez-vous découvert ces partitions ?

La pianiste Veronika Iltchenko m’a beaucoup aidé. Par ses racines russes, ces noms ne lui étaient pas inconnus. Cette musique folklorique composée de l’autre côté du rideau de fer fut pour moi une grande découverte. Ces partitions nécessitent un travail sur l’interprétation ; pour restituer ces musiques, il est indispensable de les colorer et de s’imprégner de leurs respects des styles folkloriques. Il est absolument nécessaire d’aller au-delà du strict respect des notes.   

Sur le programme de ce disque, on trouve le nom de Charles Koechlin, compositeur dont vous avez déjà enregistré la Sonate pour flûte. Quelle est la place de Koechlin dans le répertoire pour flûte ?

Koechlin fait partie des compositeurs qui sont plus connus que joués ! Tout le monde reconnaît son importance, principalement comme théoricien de la musique, mais il reste trop rare au répertoire des concerts. Prononcer son nom est presque intimidant, pourtant sa musique présente une grande spontanéité et elle est incroyablement bien écrite. On considère trop souvent que certains noms font peur au public. Je suis absolument contre cette situation où le public est ainsi infantilisé ! Il y a beaucoup de noms à découvrir parmi ces compositeurs souvent considérés avec dédain ou qualifiés de “petits maîtres”. Il y a souvent chez eux de grandes merveilles. Nous les flûtistes, nous n’avons pas un répertoire immense comme le piano ou le violon, mais nous sommes heureux avec ces “petits maîtres” et nous sommes encore plus heureux de les proposer aux publics.

Justement, est-ce que le répertoire piano/flûte ne doit pas être porté aux avant-plans des programmes ?

Je regrette que les flûtistes ne sortent pas plus souvent d’un monde très uniformisé. La flûte est un instrument essentiellement d’orchestre, dès lors la pratique de l’instrument est axée sur les auditions d’orchestre, dans un style monocorde qui serait prétendument celui attendu par les jurés des recrutements ! Rien n’est plus faux, il faut chercher la liberté, dans le choix de répertoire et dans la façon de le jouer. Comme vous le savez, je suis professeur au Conservatoire Royal de Liège, c’est une fonction qui me tient très à coeur et je m’efforce d’ouvrir ces perspectives à mes étudiants.

Vous êtes également un membre fondateur des ensembles Oxalys et Het Collectief, quels sont vos projets avec ces ensembles ?

Avec Oxalys nous venons d’enregistrer de la musique de chambre de Jean Cras pour le label belge Passacaille. Nous allons participer à la journée Debussy pour la radio Klara et partir à Madrid pour interpréter différentes partitions de Hans Eisler. Avec Het Collectief, nous allons revenir à notre ADN avec des concerts autour de la Seconde école de Vienne, et nous serons rejoints par Reinbert de Leeuw pour des concerts en Belgique et aux Pays-Bas.

Le superbe programme de ce disque mérite d’être programmé au concert. Je suppose que des dates sont prévues ?

Oui, parfaitement. ! Avec Veronika Iltchenko, nous aurons l’opportunité de présenter cet album en concert à travers la Belgique.

 

“Origins”. Oeuvres de Charles Koechlin, Ervin Schulhoff, Arno Badadjanian, Fikret Amirov, Béla Bartók. Toon Fret, flûte ; Veronika Iltchenko, piano. 1 CD Fuga Libera. FUG 612.

 

 

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits phorographiques : Toon Fret / DR

 

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