Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ?

par

Johann Sebastian BACH
(1625-1750)
MATTHAUS-PASSION BWV 244
Hannah MORRISON, soprano, Sophie HARMSEN, alto, Tilman LICHDI, ténor, Peter HARVEY, basse, Christian IMMLER, basse, Kammerchor de Stuttgart, Barockorchester Stuttgart, dir.: Frieder BERNIUS
2016-DDD- 3 CD -CD1 70'14- CD2 54'37-CD3 39'36- présentation et texte anglais et allemand- chanté en allemand- Carus 83.285

Frieder Bernius s'est déjà illustré depuis longtemps avec nombre de superbes enregistrements -les symphonies et concertos de Burgmüller, les œuvres de Schütz ou Zelenka, par exemple. Renommé également pour la qualité de ses recherches musicologiques, on se demande ce qui a bien pu se passer ici. Des conditions d'enregistrement défectueuses ? Une retransmission radio (les lettres SWR2 le laissent à penser) ? Un excès de bonnes intentions (recherche de l'épure) qui -on le sait - pavent les chemins de l'enfer …. Certes, le chef allemand avait déjà tenté une exécution avec des choeurs à un par voix ce qui laissait, à son goût, mieux entendre les flûtes. Ici, hélas, on les entend très bien, dès les premières minutes... flirter avec la justesse ; on navigue alors sur la crête d'une dissonance insidieuse aussi inconfortable qu'inexpressive. Ajoutons des attaques loupées, des duos sans unité ni structure, des appuis sans grâce sur les temps forts. Côté chœurs, on est frustré par le manque de structure, d'homophonie -de diction comme de sentiment religieux : on a peine à les suivre même avec le texte sous les yeux. En dépit du choix de solistes qui ont déjà largement fait leurs preuves on regrette des accents qui embrunissent le texte littéraire et musical, un évangéliste maniéré, un christ indifférent -même le dramatique « Eli, Eli, lama, lama, sabachtani ! » passe sans la moindre émotion alors que Bach y met toute sa foi. Ajoutons une soprano au timbre avenant mais trop mince et léger, celui neutre et feutré de l'alto joint à une basse malhabile voire instable (index 23). Enfin et surtout, cette Passion n'a rien de « passionnel ». Est-ce possible d'enregistrer dans une si totale neutralité l'œuvre géniale dont Nietzche, pourtant agnostique, disait : « quiconque a complètement désappris le christianisme, l'entend ici comme un véritable Evangile » ?
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 6 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 5

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