Un violoncelliste à la rescousse !  

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Amère déception ! Telle est l’impression que nous a laissé le programme Schumann présenté, le mercredi  5 décembre, par l’Orchestre de la Suisse Romande sous la direction de Marek Janowski. De l’époque où il en fut le chef titulaire, entre 2005 et 2012, l’on a conservé le souvenir de symphonies de Brahms, Beethoven ou Bruckner d’une lourdeur extrême ; néanmoins, l’on chérit l’évocation d’un concert de dimanche après-midi où figuraient Tod und Verklärung de Richard Strauss et un premier acte de Die Walküre, stupéfiant par son souffle tragique.  

Et là l’on tombe de haut ! Les symphonies de Schumann sont depuis toujours source de problèmes, car leur génie mélodique étouffe sous une orchestration maladroite trop dense. A l’époque, un Bruno Walter, un Carl Schuricht, un George Szell  contournaient la difficulté en mettant en valeur le cantabile, tout en allégeant le canevas. Faut-il ici réellement solliciter douze premiers, douze seconds violons (qui peinent à trouver une véritable cohésion), face à dix alti, neuf violoncelles et huit contrebasses pour constituer un pupitre de cordes jouant perpétuellement ‘forte’ ?  Abordée à un tempo qui tient de la charge de la cavalerie lourde, la Première en si bémol majeur op.38 n’a rien de printanier, tant le tout semble massif et péremptoire, au point d’oublier que le Larghetto devrait confiner à la tendre rêverie. La Quatrième en ré mineur op.120 n’a guère meilleur sort, dans cette volonté de vouloir avancer tant bien que mal au sein de blocs sonores compacts comme le grès ; mais, furtivement, se dessinent deux oasis de calme, le dialogue du violoncelle et du hautbois dans la Romanze médiane et la transition amenant le Lebhaft final.

Par chance, entre ces deux grandes œuvres, intervient le jeune violoncelliste Wolfgang Emanuel Schmidt, natif de Freiburg-in-Brisgau, interprète magistral du Concerto en la mineur op.129. Dès les premières mesures, il impose une sonorité ample et moirée qui a des reflets cuivrés dans le grave et des notes ailées dans l’aigu. Bénéficiant d’un accompagnement orchestral aseptisé, il use savamment du rubato pour phraser sa ligne de chant exprimant mille états d’âme ; un portamento en pianissimo et de plaintives doubles cordes nimbent le lento, alors qu’une ahurissante précision du trait emporte un finale primesautier. Et une profonde émotion perle avec ‘El Cant dels  ocells’, cette mélodie catalane si chère à Pablo Casals, qu’il nous offre comme un cadeau de Noël, à ce qu’il nous déclare ! Et c’est donc pour lui qu’il valait la peine d’être au Victoria Hall mercredi dernier !

 Genève, Victoria Hall, 5 XII 2018

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Felix Broede

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