Adriana Mater de Saariaho 

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Kaija Saariaho (1952-2023) : Adriana Mater, opéra en deux actes et sept tableaux. Livret d’Amin Maalouf.  Fleur Barron, Adriana ; Axelle Fanyo, Refka ; Nicholas Phan,  Yonas ;  Christopher Purves, Tsargo. San Francisco Symphony Chorus,San Francisco Symphony, direction Esa-Pekka Salonen. 2023. 1 parution digitale DGG.

Lucas et Arthur Jussen en récital 

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Les frères Lucas et Arthur Jussen avaient galvanisé le public monégasque lors de leur concert dans le cadre du Festival Mozart en 2023. Ils sont considérés à juste titre comme le meilleur duo de piano actuel et ils ont été choisis par l'Orchestre philharmonique de Monte Carlo  comme artistes en résidence pour la saison 2024-2025.

C'est avec bonheur qu'on les retrouve à la Salle Garnier dans un choix de chefs d'œuvres du répertoire pour deux pianos et piano à quatre mains.

La Sonate pour deux pianos en ré majeur, K448/375a de Mozart est une de ses œuvres les plus optimistes et c'est un de leurs chevaux de bataille :  de l’exubérance et de la joie à l’état pur. On est stupéfait par une telle clarté et une telle finesse, une telle puissance, une telle grâce et une telle délicatesse. Une coordination incroyable : deux pianos qui sonnent comme un seul. On arrive à peine à discerner les deux parties. Ils connaissent la partition au bout des doigts et il paraît qu'ils s'amusent parfois à tirer à pile ou face avant d'entrer en scène pour décider qui joue telle partie.

Gurre-Lieder d’anniversaire au Musikverein 

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En ce 13 septembre, jour anniversaire de la naissance d’Arnold Schönberg, le Musikverein de Vienne propose un concert anniversaire d'ampleur : les gigantesques Gurre-Lieder dans le cadre de l’ouverture de la saison des Wiener Symphoniker qui coïncide avec  la prise fonction effective de leur nouveau directeur musical le Tchèque Petr Popelka. 

En Autriche, Arnold Schönberg a été célébré  par des expositions, en particulier au Centre Arnold Schönberg voisin du Musikverein, des concerts et même un timbre de la poste autrichienne. Pas mal pour un compositeur moderniste, peu bankable auprès du grand public. Cependant, c’est tout à l”honneur du pays de célébrer cet artiste majeur dans l’évolution musicale.  

Mais revenons aux Gurre-Lieder qui furent créés en 1913 sur cette même scène du Musikverein par le prédécesseur des Wiener Symphoniker, la Wiener Concertverein. Assister à une interprétation de cette partition titanesque est toujours un immense privilège tant la démesure des effectifs et les coûts attenants effraient les programmateurs (la dernière interprétation en Belgique remonte à 2007 avec les forces de La Monnaie). Au final, en cette année anniversaire, on ne relevait pas tant d’exécutions, souvent offertes par des orchestres et des choeurs de radio (Simon Rattle à Munich avec les forces du BR ou Alan Gilbert à Hambourg et Lucerne avec la NDR) ou opératiques comme Riccardo Chailly avec La Scala. Dès lors, entendre ces Gurre-Lieder à Vienne dans la salle qui a vu leur création est un double privilège.  

Pour relever le défi musical, les Wiener Symphoniker sont renforcés de forces chorales locales (Singverein der Gesellschaft der Musikfreunde in Wien) et internationales (Choeur philharmonique slovaque et pupitres masculins du Choeur national hongrois) ainsi que d’une solide distribution d'artistes de haut-vol :  Michael Weinius (Waldemar), Vera-Lotte Boecker (Tove), Sasha Cooke (Waldtaube), Gerhard Siegel (Klauss), Florian Boesch (Bauer) et Angela Denoke en récitante de grand luxe. 

Le conte est bon : « Siegfried » de Richard Wagner à La Monnaie

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Tout commence par des images projetées d’enfants réunis dans un atelier de dessin ; tout s’achève par des images projetées de dessins de ces enfants. Ce qu’ils ont dessiné : les protagonistes d’un conte.

Ce conte, nous allons en vivre les péripéties ; ce conte, c’est le Siegfried de Richard Wagner, du moins tel que Pierre Audi l’a conçu et mis en scène.

C’est un conte initiatique, un récit d’apprentissage, l’histoire d’un jeune homme en quête de ses origines, en quête de son identité, en quête de la mission qui l’attend. Une quête compliquée, rendue problématique par des personnages hypocrites, malfaisants, retors, qui veulent se servir de lui pour assouvir leurs désirs -ainsi le nain Mime. Une quête qui ne sera possible que grâce à la réussite d’une épreuve déterminante : vaincre le dragon Fafner, gardien d’un anneau magique, d’un heaume magique et d’un trésor. Une quête qui obligera à « se débarrasser du père » en neutralisant Wotan et sa lance. Une quête facilitée par l’intervention d’un oiseau bienvenu. Une quête qui s’accomplira dans la délivrance d’une jeune femme (condamnée lors de l’épisode précédent de La Walkyrie), Brünnhilde, celle qui le révélera définitivement à lui-même dans un amour transcendant réciproque.

Oui, c’est un beau conte à la belle trame linéaire, immédiatement lisible, captivant dans ses péripéties, dans les identifications-répulsions qu’il provoque pour ses personnages, avec ce qu’il faut d’inquiétude et de satisfaction, de prodige et d’émerveillement.

Scéniquement, cela se concrétise notamment avec l’une de ces grandes installations qu’affectionne le metteur en scène : on se souviendra de « l’espace rouge » d’Anish Kapoor pour Pelléas et Mélisande ou de l’immense croix pour Tosca. Cette fois, il s’agit d’une grande structure arborescente omniprésente, soudain trouée de lumières, soudain autrement colorée. Il y a aussi l’immense néon-lance de Wotan-épée Nothung, ou encore le petit personnage-oiseau couvert de plumes… et quelques peluches nounours-doudous.

Oui, mais c’est du Wagner, me direz-vous, sans doute surpris de ne pas voir apparaître une abondance de paratextes, de sous-textes, d’allusions-connotations en tous genres socio-politico-psychanalytico-philosophico-etc. Eh bien, oui, ce Wagner-là se vit avec le regard retrouvé d’un jeune enfant confronté aux émerveillements d’un conte. Bien sûr, quand on le revit en soi chez soi, on y (re)trouve toutes sortes de prolongements en tous ces genres-là. Mais ils ne nous ont pas été imposés.

Le bonheur de cette production est qu’on s’y abandonne !

Cette façon de traiter l’œuvre, si elle est un choix, est aussi la conséquence d’un contexte de création : on le sait, Pierre Audi a joué au dépanneur. Il a accepté de poursuivre cette Tétralogie que La Monnaie n’a pu mener à son terme comme elle l’espérait avec Romeo Castellucci. Il lui a donc fallu travailler dans l’urgence, aller à un certain essentiel. Un bel essentiel dans la mesure où il nous permet de vivre sans filtre la partition wagnérienne, de pouvoir l’apprécier dans toutes les richesses de ses pages instrumentales et vocales.

Gaudeamus : un vivier de jeunes talents se retrouve à Utrecht

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Le voyage, essentiellement via l’autoroute (les Pays-Bas, comme la Belgique, sont plutôt bien fournis en la matière), indolent (100 km/h jusqu’à 19 heures –un agent me rappelle la règle par geste) et monotone (rare sont les 2 × 2 voies sciemment poétiques), mais le bed & breakfast, à quelques kilomètres d’Utrecht, à la ferme et confortable, est une bonne surprise– accueilli par Mieke, je m’installe et prends le temps de repérer un parc & ride, à prix et distance raisonnables (en fait la chose ne se révèlera pas si simple, puisque il me faut trois jours avant de comprendre qu’il faut pointer en entrant ET en sortant du bus pour que la réduction soit acquise), avant de rejoindre le Tivoli Vredenburg, quartier général du festival qui démarre ce mercredi et essaime dans différents lieux de la ville aux vélos –le nombre d’emplacements libres annoncé dans les parkings qui leur sont réservés est tel qu’on doute qu’il y ait autant cyclistes pour les enfourcher, mais la ville est universitaire, et d’une moyenne d’âge réjouissante.

La République : musique et politique au temps de la reine Juliana  -et aujourd’hui

Avec De Staat, pièce maîtresse de Louis Andriessen, compositeur hollandais militant contre le conservatisme du milieu musical, Asko|Schönberg (une des formations qui travaillent le plus le répertoire contemporain aux Pays-Bas), secondé, compte tenu de l’étendue de l’instrumentarium, inhabituel, requis par l’imposante composition (4 hautbois, 4 trompettes, 4 cors, 4 trombones, 2 guitares électriques et 1 basse, 2 harpes, 2 pianos, 4 altos, 2 sopranos et 2 mezzo-sopranos), par l’ensemble Klang et des étudiants du Conservatoire d’Amsterdam, assure de son aplomb la soirée d’ouverture du festival : la partition d’Andriessen, entamée en 1972 et créée quatre ans plus tard, qui aborde sans détour la relation entre la musique et la politique (le déterminisme social et le soutien financier imprègnent l’organisation du matériel musical, le choix des techniques et des instruments) est, à sa manière, le pamphlet d’un minimalisme importé d’Amérique, adapté au centre d’une Europe ouverte aux influences. On y entend ce que les oreilles du compositeur ont capté (avec une touche bien personnelle) des œuvres de Terry Riley ou de Steve Reich, éléments mariés de force avec l’impact d’Igor Stravinsky : De Staat partage avec Le sacre du printemps une énergie invincible et une brutalité radicale –même si le second est chahuté lors de sa création alors que le premier est, lui, primé. De Staat secoue, convainc, emporte ; le public se lève.

Bâtie comme une réponse à la pièce d’un de ses enseignants –avec Martijn Padding, Louis Andriessen, à la Haye, consolide, chez Oscar Bettison, compositeur né dans les îles anglo-normandes, élève à la Purcell School, au Royal College of Music de Londres puis à l'Université de Princeton, un sens aigu du défi et du rebondissement créatif–, On the slow weather of dreams, œuvre écrite sur commande d’Asko|Schönberg, pour le même déploiement instrumental que De Staat, est un miroir déformant, à l’atmosphère contrastée, où les cuivres s’invitent à l’avant-scène, ponctuellement et en paire, pivotent et lancent le son dans un mouvement tournant, conversent en léger décalage (comme un dialogue calme mais empressé – à l’occasion confié aux pianos) : pendant 45 minutes, on se laisse prendre, imprégné et ravi, à cette affabilité confusément querelleuse ; Oscar Bettison a un sacré talent.

Interlude entre les deux concerts, la présentation de cinq nominés 2024 et une exposition : une nouvelle œuvre de commande et, notamment, la pièce sélectionnée lors de la candidature de chacun -Patrick Ellis (Royaume-Uni, 1994), Beniamino Fiorini (Italie 1993), Cem Güven (Turquie, 1997), Lucy McKnight (Etats-Unis, 1998) et Yixie Shen (Chine, 1993)- seront au programme des prochains jours ; disséminées dans le Foyer de la Grote Zaal du Tivoli Vredenburg, les propositions d’une palette de compositeurs invités (dont le Français François Sarhan ou la Gantoise Maya Verlaak) prolongent la réflexion de Louis Andriessen sur la relation entre musique et politique au travers de posters, installations sonores ou partitions graphiques.

Des pages polonaises pour célébrer les 30 ans du Quatuor Dafo 

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Krzysztof Penderecki (1933-2020) : Trio à cordes ; Quatuor pour clarinette et trio à cordes ; Quatuors pour cordes n° 3 et 4. Karol Szymanowski (1882-1937) : Quatuors à cordes n° 1 op. 37 et n° 2 op. 56. Grażyna Bacewicz (1909-1969) : Quatuor à cordes n° 4. Henryk Mikolaj Górecki (1933-2010) : Quatuors à cordes n° 1 ’C’est déjà le crépuscule’ op. 62, n° 2 ‘Quasi una fantasia’ op. 64 et n° 3 ‘…ils chantent des chansons’ op. 67. Paweł Łukaszewski (°1968) : Quatuors à cordes n° 1 à 4 ; Quintettes à clavier n° 1 et 2. Quatuor Dafo. 1999, 2000, 2010, 2016 et 2023. Notice en polonais et en anglais. 297’ 30’’. Un coffret de cinq CD Dux 2040-2044.

Isabelle Faust souveraine dans Britten

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Benjamin Britten (1913-1976) : Concerto pour violon, Op. 15 ; Reveille (étude de concert pour violon avec accompagnement de piano)  ; Suite pour violon et piano, Op. 6 ; Deux pièces pour violon, alto et piano.  Isabelle Faust, violon ;  Alexander Melnikov, piano  ; Boris Faust, alto ; Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, direction : Jakub Hrůša. 2024. Textes de présentation en français, anglais et allemand. 64’57’’. Harmonia mundi HM 902668

À la découverte du méconnu Vytautas Bacevičius

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Vytautas Bacevičius (1905-1970) : Concertos pour piano et orchestre n° 1 « sur des thèmes lituaniens » op. 12, et n° 2 op. 17 ; Symphonie n° 3 op. 33. Orchestre symphonique national de Lituanie, direction Christopher Lyndon-Gee. 2021. Notice en anglais. 74’ 38’’. Un CD Naxos 8.574414.

Robert Carsen inscrit Aïda dans une modernité glauque et totalitaire

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Giuseppe Verdi (1813-1901) : Aïda, opéra en quatre actes. Elena Stikhina (Aïda), Francesco Meli (Radamès), Agnieszka Rehlis (Amneris), Ludovic Tézier (Amonasro), Solomon Howard (Ramfis), Insung Sim (Le roi d’Egypte), Andrés Presno (Le messager) ; Chœurs et Orchestre du Royal Opera House, direction Sir Antonio Pappano. 2022. Pas de notice, mais synopsis en anglais et chapitrage. Sous-titres en anglais, en français, en allemand, en italien, en japonais et en coréen. 167’ (dont 10’ de bonus). Un DVD Opus Arte 0A1383D. Aussi disponible en Blu Ray. 

Michel Lysight en portrait  harpiste 

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Michel Lysight (né en 1958) : Equinox, Concerto Grosso, Minimal Harp, Méditation, Energie Noire. Rachel Talitman, harpe ;  Jean-Marc Fessard, clarinette  ; Mavroudes Troullos, basson  ;   Pierre Quiriny, percussions.  Ensemble Mendelssohn. 2024.  Livret en anglais   61'.   Label : Harp & Co CD5050-52