Folk Songs. Béla Bartók (1881-1945) : Cinq Chansons populaires hongroises. Luciano Berio (1925-2003) : Folk Songs. Maurice Ravel (1875-1937) : Cinq Mélodes populaires grecques. Xavier Montsalvatge (1912-2002) : Cinq Canciones negras. Magdalena Kožená, mezzo-soprano ; Orchestre Philharmonique tchèque, direction Sir Simon Rattle. 2020, 2022 et 2023. Notice en anglais. Textes chantés en langue originale, avec traduction anglaise. 53.03. Pentatone PTC 5187 075.
Aux origines de l’orgue français. Pierre Attaingnant (éd., c1494-1552) : Kyrie [Messe Cunctipotens Genitor Deus]. Jehan Titelouze (1563-1633) : Hymne Ad cænam agni providi. Charles Racquet (1597-1664) : Fantaisie sur le Regina Cæli. Louis Couperin (1626-1661) : Préludes et Fantaisies. Guillaume-Gabriel Nivers (1632-1714) : Sanctus ; Benedictus [Messe Cunctipotens]. Nicolas de Grigny (1672-1703) : Kyrie [Messe Cunctipotens]. Plain-Chant. Quentin Du Verdier, orgue Thomas de l’église de Champcueil. Volny Hostiou, serpent. Thomas van Essen, ensemble Les Meslanges. 2023. Livret en français. TT 63’10. Rocamadour #04
Tout est romanesque dans le destin d’Adrienne Lecouvreur. Tragédienne du Siècle de Louis XV, gloire de la Comédie Française, égérie de Voltaire, ses amours avec Maurice de Saxe, héros des champs de bataille, la propulsent du monde du théâtre à celui de la Cour de Versailles sur fond de combats guerriers. Variété d’action, contrastes tragi-comiques, passions amoureuses, tous ingrédients réunis par le compositeur calabrais, Francesco Cilèa, qui lui permettent de s’émanciper de l’impasse vériste et de s’inscrire dans la grande histoire de l’opéra.
C’est pourquoi la « simple » version de concert proposée par l’Opéra de Lyon et le Théâtre des Champs-Élysées pouvait laisser dubitatif si la qualité de la distribution, de la direction et de l’orchestre n’avait attiré l’attention. Espérances comblées et dépassées par l’une des soirées lyriques les plus électrisantes de la saison.
A commencer par l’orchestre de l’Opéra national de Lyon, ses rutilants coloris, ses pupitres clairs et agiles, excellant dans la délicatesse -soli de harpe, de violon, de clarinette- comme dans les à-plats et ressacs des cordes.
A sa tête, le chef et directeur musical de l’Opéra de Lyon, Daniele Rustoni, met superbement en valeur les facettes qui font de cette fresque sonore un décor « en soi », tour à tour animé, cocasse, mélancolique ou passionné.
La délicatesse du petit ballet avec chœur renforce ainsi le tragique de la tirade de Phèdre (III) tandis que la direction d’orchestre soutient chaque interprète l’incitant à libérer les affects et aller au bout de lui-même.
Le dimanche 3 décembre a marqué une nouvelle étape dans la collaboration entre le chef d’orchestre Antony Hermus et le compositeur Henk de Vlieger. Le chef néerlandais a dirigé le Belgian National Orchestra dans une compilation symphonique de divers extraits de l’opéra Tristan und Isolde de Richard Wagner, réalisée par Henk de Vlieger. Pour l’occasion, le duo d’amour du deuxième acte ainsi que le « Liebestod » d’Isolde ont été ajoutés et ont été interprétés par la soprane Miina-Liisa Värelä (Isolde), la mezzo Barbara Kozelj (Brangane) et le ténor Michael Weinius (Tristan).
Ce fut une prestation convaincante. L’orchestre, bien emmené par la konzertmeister Misako Akama, a tenu le public en haleine du début à la fin du concert. Le chef Antony Hermus maîtrise le répertoire wagnérien et cela se sent dans la gestion de la tension émise par les musiciens. Seul petit bémol, l’orchestre est trop souvent passé au-dessus des solistes dans les moments forte, ce qui a forcé ces derniers à pousser leur voix.
Malgré cela, il faut saluer la puissance et la technique vocale des solistes du jour. Miina-Liisa Värelä, Barbara Kozelj et Michael Weinius ont brillé dans ce répertoire particulièrement compliqué. Le public ne s’y est pas trompé et leur a d’ailleurs réservé de très longs applaudissements.
Rita Strohl (1865-1941).Musique vocale. Volume 1 : Bilitis, poème en douze chants extraits des « Chansons de Bilitis » de Pierre Louÿs, pour soprano et piano ; Quand la flûte de Pan, pour récitante et piano ; Six Poésies de Baudelaire mises en musique, pour baryton et piano ; Dix Poésies mises en musique, pour soprano et piano ; Carmen, poème pour mezzo-soprano et piano. Elsa Dreisig, soprano ; Adèle Charvet, mezzo-soprano ; Stéphane Degout, baryton ; Olivia Dalric, récitante ; Célia Oneto Bensaid, Florian Caroubi et Romain Louveau, piano. 2022/23. Notice en français et en anglais. Textes des poèmes reproduits, avec traduction anglaise. 103’30’’. Deux CD La Boîte à Pépites BAP 04.05.
On a encore en tête la création, en janvier 2022, de King Lear, le 9e quatuor à cordes de Philip Glass par le Quatuor Tana (un hit pour l’ensemble, qui en joue la fin du 4e mouvement au rappel) et le programme de ce soir, puisé dans trois générations, est intrigant : il tient son titre du 1er quatuor à cordes de György Ligeti (1923-2006), qui en termine l’écriture en 1954 (il quitte clandestinement Budapest pour l’Autriche après la révolution de 1956), avec une oreille orientée vers la musique classique hongroise du 20e siècle -et Béla Bartók en particulier, dont les partitions les plus audacieuses sont bannies par le régime stalinien. Œuvre de la période hongroise du compositeur, Métamorphoses Nocturnes en est la conclusion, ambivalente, entre l’écriture savante et l’inspiration folklorique, entre le souhait de trouver un public et la nécessité de passer le cap de la censure (plusieurs partitions sont alors écrites « pour le tiroir ») ; ciselée, précise, la pièce se nourrit de rythmes et d’ambiances populaires, émergeant des souvenirs de jeunesse de Ligeti ; franc, adroit, le Quatuor Tana en traverse les variations -ou, plutôt, les métamorphoses (d’une idée musicale initiale qui revient ensuite sous de nouvelles formes)- avec l’élégance de celui qui maîtrise la difficulté sans rien en laisser paraître.
Ymaginacions. “Mass upon John Dunstable’s square”. Nicholas Ludford (c1490-1557) : Missa feria II. William Whitbroke (c1500-1569) : Mass upon the Square [extrait, arrgmt]. Anonyme : Nowel syng we bothe al and som ; Byrd one brere ; An Hevenly Songe. La Quintina. Christophe Deslignes, orgue portatif. Esther Labourdette, cantus. Sylvain Manet, altus. Jérémie Couleau, ténor et direction. Juin 2022. Livret en français, anglais. Paroles des chants en langue originale et traduction bilingue. TT 61’07. Paraty 1123291
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonates K. 310 et 311 ; Fantaisies K. 396 et 397 ; Sonates K. 330 à 333. Angela Hewitt, piano. 2022. Notice en anglais, en français et en allemand. 155’ 55’’. Un album de deux CD Hyperion CDA68421.
Un opéra qui est une fête, et pour les oreilles et pour les yeux, un opéra que le concept de sa mise en scène éclaire autrement et pertinemment. Un opéra-bonheur !
Emerveillement des yeux ! Aucun des spectateurs n’oubliera ce qu’il a vu. Avec d’abord le surgissement, par la salle, de personnages en costumes étonnants (Elena Zaytseva), figures de jeux de cartes, matriochkas, illustrations des livres de contes de notre enfance. C’est inventif, c’est coloré, c’est somptueux. Avec soudain, sur et derrière une immense toile, l’apparition peu à peu dessinée et coloriée d’un paysage, d’une ville, d’animaux, de personnages, d’images animées. Et même, le héros traverse la toile et trouve sa place dans ce décor dessiné ; une femme-cygne y apparaît. C’est virtuose, c’est fascinant. On est vraiment ailleurs, dans le monde des contes merveilleux (décors de Dmitri Tcherniakov, vidéos et éclairages d’Emmanuel Trenque).
Nous sommes en effet plongés dans l’histoire d’une pauvre jeune femme trahie par ses sœurs et « une vieille mère », condamnée à l’exil avec son fils, récompensée par un cygne-princesse sauvé des griffes d’un rapace, jusqu’à ce que justice soit faite.
Frank Peter Zimmermann et Martin Helmchen poursuivent leur projet avec l'intégrale des sonates pour violon de Johannes Brahms et de Béla Bartók. Ce duo n'attire pas la foule, mais les concerts sont suivis fidèlement par un public de connaisseurs exigeant, heureux d’entendre ces deux artistes d’exception. Les deux hommes forment un duo parfait : ils respirent ensemble, vivant le dialogue chambriste au sommet et atteignant une évidence ou tout coule de source. On peut lister les points de satisfaction : même style, virtuosité égale et goût musical parfait. Tout phrasé s’avère magnifique et témoigne d'un contrôle total jusqu'au moindre détail.
Le récital commence par la Sonate n°1 op.120 écrite originalement pour clarinette ou alto et piano. Zimmermann la joue dans une transcription pour violon. Le mouvement lent est un pur joyau et Zimmermann fait chanter son violon avec des teintes sombres empreintes de nostalgie et de poésie. La première sonate pour violon et piano de Béla Bartók est dédiée à la violoniste Jelly d'Arányi. Cette partition anguleuse et moderniste, presque orchestrale par la violence des chocs musicaux, est magnifiée par les deux artistes qui lui donnent une profondeur et une ampleur dramatique inégalée.
Après l'entracte, Frank Peter Zimmermann et Martin Helmchen jouent le "scherzo" de la Sonate F-A-E de Brahms. Alors que beaucoup de musiciens jouent ce "scherzo" avec précipitation et tension, ils nous offrent une version cathartique et significative. La musique passe définitivement en premier, et pas seulement la performance.