Andreas Staier, dans un savant récital à influences, réfractées dans ses propres Anklänge

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Méditation. Johann Caspar Ferdinand Fischer (1656?-1746) : Préludes & Fugues en mi majeur, ut dièse mineur, ré majeur, la majeur [Ariadne Musica]. Johann Joseph Fux (c1660-1741) : Fugue [Gradus ad Parnassum]. Louis Couperin (c1626-1661) : Pavane en fa dièse mineur. Johann Jakob Froberger (1616-1667) : Ricercar IV. Méditation sur ma mort future. Fantasia II. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Prélude & Fugue en mi majeur BWV 878 [Das Wohltemperierte Klavier, Teil 2]. Andreas Staier (1955*) : Anklänge. Andreas Staier, clavecin. 2022. Livret en allemand, anglais, français. 66’45''. Alpha 1012

Les 150 ans de Franz Schmidt : retour de la belle intégrale des symphonies par Vassily Sinaisky

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Franz Schmidt (1874-1939) : Intégrale des quatre symphonies ; Notre-Dame, opéra, extraits : Musique de Carnaval, Intermezzo, Introduction ; Fuga Solemnis pour orgue, 16 cuivres et percussion ; Chaconne pour orchestre ; Variations sur un chant hussard. Anders Johnsson, orgue ; Orchestre symphonique de Malmö, direction Vassily Sinaisky. 2007-2009. Notice en anglais. 277’ 50’’. Un coffret Naxos 4 CD 8.504059.

Ozawa, compagnon de route berlinois 

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Oeuvres de Ludwig van Beethoven (1770-1827), Max Bruch (1838-1920), Maurice Ravel (1875-1937), Béla Bartók (1881-1945), Joseph Haydn (1732-1809), Piotr Ilich Tchaïkovski (1840-1893), Anton Bruckner (1824-1896), Gustav Mahler (1860-1911), Paul Hindemith (1895-1963), Hector Berlioz (1803-1869), Richard Strauss (1864-1949),  Richard Wagner (1813-1883), Felix Mendelssohn (1809-1847). Solistes, chœurs et Orchestre philharmonique de Berlin, direction : Seiji Ozawa. 1982-2016. Livret en allemand, anglais et japonais. 6 CD et 1 Blu-Ray Berliner Philharmoniker Recordings. 

L’Orchestre de Chambre de Genève célèbre Fauré et… Ives 

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En parallèle à l’Orchestre de la Suisse Romande, l’Orchestre de Chambre de Genève propose une saison de dix concerts qui sort des sentiers battus : preuve en est le titre de l’actuelle : « Jetez-vous à l’eau ! ». 

Le deuxième de la série qui a pour cadre le Bâtiment des Forces Motrices à Genève a lieu le 4 novembre 2024, cent ans jour pour jour après la mort de Gabriel Fauré. Raphaël Merlin, le chef titulaire de la formation, inscrit donc au programme le Requiem op.48 et le Madrigal op.35 en intercalant entre ces deux œuvres une page peu connue du professeur de Fauré, Camille Saint-Saëns, intitulée Le calme des nuits datant de 1882. Mais comme le concert a pour titre In the dark, l’audace consiste à les mettre en perspective avec deux pièces orchestrales de Charles Ives, Central Park in the Dark et The Unanswered Question datant toutes deux de 1906.

En préambule, Raphaël Merlin prend la parole en expliquant que la salle sera pratiquement plongée dans le noir, alors que les quatre premières pièces seront enchaînées afin de passer progressivement vers la lumière, fût-elle intérieure, avec le Requiem de Fauré.

Et c’est par le Madrigal op.35 du même Fauré que commence le programme. Ecrit en 1883 comme un malicieux cadeau de mariage pour son ex-élève André Messager, cette épigramme, brocardant l’égoïsme cruel dans les affaires de cœur, est élaborée sur un poème d’Armand Sylvestre et est présentée ici dans une version pour chœur et orchestre datant du printemps de 1892. Y prend part l’Ensemble Vocal de Lausanne, remarquable au niveau de l’équilibre des registres, dialoguant avec l’Orchestre de Chambre de Genève qui sait ce que veut dire « accompagner »… Dans la semi-obscurité, Raphaël Merlin impose un phrasé onctueux et une sonorité chaleureuse, réduisant à la portion congrue le côté piquant du texte. L’on en dira de même de la page de Saint-Saëns, Le calme des nuits op.68 n.1, présentée ici a cappella, cultivant une nostalgie intériorisée où les paroles n’ont que peu d’importance.

Ces deux oeuvres chorales sont entrecoupées par les deux pièces orchestrales de Charles Ives. L’Orchestre de Chambre de Genève s’en fait l’éloquent défenseur. Central Park in the Dark tient de la contemplation sur fond de cordes bruissant atonalement, tandis qu’un piano suggère des bribes de ragtime qui vont en s’amplifiant pour éveiller le quartier, avant de revenir à l’imperceptible dans l’obscurité. The Unanswered Question brosse un canevas identique par le pianissimo des cordes soutenant les bois qui tentent de répondre à la trompette en sourdine juchée à l’une des extrémités du parterre. Que lui dire, alors qu’est formulée la question métaphysique sur l’existence ? Ne vaut-il pas mieux revenir au silence ?

La musique de chambre écrite pour Paul Wittgenstein Vol 2 : Le répertoire pour la main gauche s’élargit encore…

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Franz Schmidt (1874-1939) : Quintette en si bémol majeur pour piano (main gauche) clarinette, violon, alto et violoncelle – Josef Labor (1842 – 1924) : Trio n°2 en sol mineur pour clarinette, alto et piano (main gauche). Folke Nauta (piano) - Lars Wouters van den Oudenweijer (clarinette) - Prisma String Trio (Janneke van Prooijen (violon) - Elisabeth Smalt (alto) - Michiel Weidner (violoncelle). 2023. Livret en anglais, néerlandais et allemand. 74’12'' – Cobra records Cobra 0093.

Un peu de tourisme

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Découvrir une ville et ses forces musicales, quoi de plus excitant ? Mais à y revenir régulièrement, on pourrait craindre que le charme n’opère plus. Sauf si la curiosité n’est pas considérée comme un vilain défaut.

Me voici de retour à Iași où, pendant une semaine, je sers de guide au chœur et à l’orchestre de la Philharmonie d’État dans leur exploration du répertoire français. Fauré cette fois, pour célébrer le centenaire de sa mort. Iași est la seconde ville de Roumanie, une population comparable à celle de Montpellier. Elle fut pendant trois siècles la capitale du royaume de Moldavie et, pendant un bref interlude au cours de la Première Guerre mondiale, capitale de la Roumanie. On y sent cette fierté de la population. On y sent aussi ce vent de jeunesse propre aux grandes villes universitaires. La réputation de sa faculté de médecine n’est plus à faire : il suffit de tendre l’oreille dans les rues pour capter des conversations en français. Plus d’un millier d’étudiants français y sont formés, enseignement en français garanti. Grâce à des fonds européens, les monuments et églises ont connu une nouvelle jeunesse, même si Iași a été coiffée sur le fil par Timișoara pour devenir capitale européenne de la culture en 2021. 

Côté musique, rien à envier aux métropoles d’Europe centrale : un opéra hébergé dans le théâtre national construit en 1893 (en attendant une nouvelle salle… promise),  la Philharmonie dont les bases furent jetées en 1893, devenue Philharmonie d’État en 1942, sans oublier l’Université de musique d’où sortent cette pépinière d’instrumentistes à cordes que l’on retrouve dans les orchestres du monde entier et dont les diplômes sont alignés sur ceux de nos conservatoires nationaux. La Philharmonie, c’est un orchestre symphonique, un chœur professionnel d’une soixantaine de membres et un quatuor à cordes en résidence (Quatuor Ad libitum). Leur maison est un lieu historique, les anciens bâtiments de la Congrégation Notre-Dame de Sion, où les religieuses françaises étaient établies depuis 1861. Elles géraient un orphelinat, un dispensaire, un pensionnat et un établissement d’enseignement très recherchés, autant d’activités rayées de la carte en 1948 par le régime communiste qui nationalisa le bâtiment et obligea les religieuses à entrer dans la clandestinité. Après la chute de Ceaucescu en 1989, l’évêché catholique obtint que la congrégation retrouve son droit de propriété, tout en laissant l’usage des lieux à la Philharmonie. Mais une rénovation et une mise aux normes s’imposaient, que personne ne voulait (ou ne pouvait) prendre en charge, ni l’Église catholique, propriétaire des murs, ni l’État dont dépend la Philharmonie, ni la Ville. Arriva ce qui devait arriver, la commission de sécurité décréta en 2013 une interdiction d’accueillir du public, tout en tolérant que les répétitions continuent à se dérouler in situ. Mais les concerts devaient se tenir ailleurs, ailleurs étant la Maison de la culture des étudiants (un haut lieu de la liberté de pensée d’antan où les autorités distillaient, sous couvert de divertissement culturel, la pensée officielle à une jeunesse pas toujours naïve).