Les Sonates de Scriabin accompagnent Yunjie Chen depuis toujours
Alexander Scriabin (1872-1915) : Sonates pour piano, intégrale. Yunjie Chen, piano. 2019 et 2023. Notice en allemand et en anglais. 128’. Un album de deux CD Accentus ACC 3096391.
Alexander Scriabin (1872-1915) : Sonates pour piano, intégrale. Yunjie Chen, piano. 2019 et 2023. Notice en allemand et en anglais. 128’. Un album de deux CD Accentus ACC 3096391.
Après le beau conte qu’était son Siegfried, Pierre Audi nous a offert le beau et terrible récit de son Götterdämmerung. Une nouvelle réussite dans sa pertinence dramaturgique et surtout dans sa façon de se mettre ainsi au service de la musique et du chant, de leur permettre le meilleur épanouissement.
Comme pour Siegfried, la représentation s’ouvre sur des images d’enfants occupés à un atelier de peinture et de bricolage aux thèmes focalisés sur la chevalerie dans ses grands combats. Le ton est donné : après le conte initiatique de Siegfried - « celui qui ne connaît pas la peur » -, la terrible histoire d’un Crépuscule des dieux, que je ne me risquerai pas à résumer ici. Sachez simplement qu’il y a des philtres magiques, des substitutions de personnes, et donc des confusions tragiques, des traîtrises, des révélations ; Siegfried mourra assassiné, Brünnhilde se jettera dans les flammes de son bûcher funéraire, le Walhalla s’embrasera.
Aucun réalisme sur le plateau, sinon une épée, la Nothung de Siegfried, une lance, celle qui assassinera ce même Siegfried, un voile de mariée, celui de deux femmes, Brünnhilde et Gutrune. Sur le plateau et suspendus aux cintres, des volumes géométriques de Michael Simon, des parallélépipèdes cuivrés notamment, dont les déplacements subtils délimitent les espaces, rapprochent, opposent ou séparent les protagonistes. C’est un univers abstrait qui s’impose par son pouvoir de suggestion. Mais ce qui sculpte l’espace, ce qui crée des atmosphères incroyables, ce qui est décisif dans notre fascination et dans notre adhésion au spectacle, ce sont les lumières de Valerio Tiberi. Elles sont extraordinaires. Une démonstration incontestable de leur pouvoir dramaturgique.
La troisième édition du Concours International de Direction d’Orchestre d’Opéra, organisé par l’Opéra Royal de Wallonie-Liège avec le soutien de la Fondation d’Utilité Publique Polycarpe, se tiendra du 10 au 15 février 2025 dans la Salle de l’Opéra de Liège.
Cette année, 24 candidat.e.s présélectionné.e.s auront la chance de diriger l’Orchestre, le Choeur de l’ORW ainsi qu’une pléiade de solistes, sous l’œil attentif du jury présidé par Stefano Pace, le Directeur Général de l’ORW.
Le jury est composé de 8 personnalités issus du monde musical placé sous la présidence de Stefano Pace :
Les épreuves du Concours
10 et 11 février 2025
Épreuve éliminatoire de direction d’orchestre : les 24 candidat·e·s dirigeront durant 23 minutes l’une des ouvertures suivantes, choisie par le jury : Le Domino Noir (Auber), Norma (Bellini), Anna Bolena (Donizetti), Rouslan et Ludmila (Glinka), L’Italiana in Algeri (Rossini), Prodaná nevěsta (Smetana), Nabucco ( Verdi), Die Meistersinger von Nürnberg (Prélude de l’Acte I - Wagner).
Deutsche Grammophon publie le dernier enregistrement de Maurizio Pollini, un projet entièrement consacré à Schubert avec la Sonate en sol majeur D 894 (que le pianiste italien n'avait jamais enregistrée auparavant), les Moments musicaux D 780 interprétés par son fils Daniele et la célèbre Fantaisie en fa mineur D 940 à quatre mains, où pour la première fois le père et le fils jouent ensemble dans ce type de formation. Une interview de notre collègue Nicola Catto, Rédacteur en chef de la revue italienne Musica et secrétaire du jury des ICMA.
Commençons par le commencement : comment cet album a-t-il vu le jour ?
J'avais collaboré avec mon père en 2016, en enregistrant avec lui En blanc et noir de Debussy pour compléter l'album consacré au Deuxième livre des Préludes de Debussy. C'était une expérience très positive, alors après quelques années, j'ai eu l'idée de faire un enregistrement avec mon père autour de la musique pour piano à quatre mains de Schubert. Il a été intéressé par la proposition et l'a retravaillée d'une manière différente : pas seulement des pièces à quatre mains, mais quelque chose de « solo » joué par chacun d'entre nous et ensuite la Fantaisie D 940, peut-être l'œuvre suprême de Schubert. L'idée était de juxtaposer différents éléments de l'œuvre de Schubert : ainsi, après diverses hypothèses, notre choix s'est porté sur la Sonate D 894 - qu'il avait jouée, mais jamais enregistrée - et sur les Moments musicaux, l'un de ses cycles de pièces courtes les plus connus, et enfin sur la Fantaisie.
Comment s'est passé le fait de jouer à quatre mains avec votre père ? La ligne d'interprétation a-t-elle été discutée en détail au préalable ou s'est-elle imposée au moment de l'exécution ?
C'était une nouvelle expérience pour nous deux : à part des lectures occasionnelles et informelles, aucun de nous n'avait jamais préparé sérieusement une pièce à quatre mains, ce qui est très différent de jouer sur deux pianos. Quant à la pièce, nous en avons parlé brièvement mais sans entrer dans les détails, et nous avons commencé à l'étudier séparément. Très vite, nous avons commencé à faire des lectures ensemble, avec des séances qui se sont intensifiées à la veille de l'enregistrement (juin 2022).
À l’occasion de la parution de son premier album en tant que soliste, Emmanuel Arakélian évoque Louis Marchand, un sommet du clavier au Grand Siècle, mais aussi les deux instruments qui ont accompagné cet enregistrement : le légendaire clavecin du château d’Assas, et l’orgue de Saint-Maximin dont il est l’heureux titulaire.
Elle oscille « sans cesse entre l’austérité archaïque et grandiose des vieux maîtres et la grâce, plus amène, du siècle nouveau » lisait-on dans la notice du vinyle Jalons De La Musique Sacrée consacré en 1972 par André Isoir à Louis Marchand. Selon vous, quelle est sa place dans l’école classique française ?
Louis Marchand me semble être un compositeur absolument majeur du Grand Siècle, je dirais même essentiel, tant son langage est unique et extrêmement inventif. En ce qui me concerne je n’y vois aucun archaïsme et encore moins d’austérité, bien au contraire. Sans cesse Marchand développe le contrepoint, renouvelle le langage harmonique avec des audaces pouvant faire à penser à un Charpentier. Il y a une poésie immense dans les récits et une fierté dans les pièces plus démonstratives. Son œuvre se prête de plus magnifiquement à la transcription : je pense à Freddy Eichelberger qui a enregistré la gavotte pour clavecin à l’orgue mais aussi plus récemment à la violiste Salomé Gasselin qui fait sonner la tierce en taille en ré comme une pièce de Marin Marais.
Dans le tome IV de son monumental ouvrage Le Livre de l’Orgue Français (page 122, éditions A. et J. Picard, Paris, 1972), Norbert Dufourcq résumait la réputation d’un compositeur « fantasque, dissipé, brouillon, irascible ». Nombre d’anecdotes corroborent un tel portrait. Pensez-vous que son caractère se reflète dans sa musique ?
En effet, nombreuses sont les anecdotes rapportées à son sujet. Pour ma part, je n’entends absolument pas dans sa musique un quelconque caractère ombrageux ou brouillon. Sa musique est lumineuse, extrêmement contrôlée et incroyablement élégante. En revanche il convient de séparer deux aspects très importants : tout d’abord, certaines pièces ont pu être retrouvées après son décès par sa famille et sont probablement des esquisses, écrites au gré de son inspiration et qui n’avaient peut-être pas pour but d’être publiées : cela peut expliquer un Te Deum incomplet par exemple dont certaines pièces peuvent être inachevées. Enfin, il y a un geste infiniment instinctif dans sa musique, tel un peintre jetant son pinceau sur la toile avec spontanéité, là où un François Couperin semble plus réfléchi. J’aime beaucoup cette réflexion d’Olivier Baumont qui décrit Couperin comme un virtuose de l’esprit, Marchand est pour moi plus un virtuose du geste… et des doigts naturellement.
Qu’est-ce qui vous a poussé à enregistrer cette anthologie consacrée au grand virtuose du clavier sous Louis XIV ? Quelle importance tient-elle dans votre discographie ? Le projet s’est-il facilement concrétisé ?
C’est tout d’abord un amour pour ce Grand Siècle, fascinant à bien des égards mais aussi une passion pour les instruments historiques. De plus, il fallait aussi choisir une personnalité qui n’avait pas été assez enregistrée à mon goût. Sur les conseils de mon ancien professeur Olivier Baumont, je me suis tourné vers Marchand et l’idée fut tout de suite d’aborder son œuvre aussi bien à l’orgue qu’au clavecin, pour ce qui est de surcroît mon premier disque en soliste. Mon expérience régulière avec les ensembles et la musique de chambre m’a permis d’approcher cette musique avec, je l’espère en tout cas, un aspect très instrumental. Je pense notamment à l’enregistrement du disque « Récit » avec Salomé Gasselin, où j’ai eu le bonheur d’être à l’orgue pour des transcriptions de pièces d’orgue de Guilain, du Mage et … Marchand. Je n’aurais pas joué de la même manière ces œuvres sans cette expérience incroyable de l’archet. Il me faut ajouter que le label Mirare m’a laissé carte blanche pour le choix du répertoire et les instruments, ce dont je leur suis infiniment reconnaissant.
En ces nuits interminables de février, Sharon Eyal nous offre un rêve éveillé : celui d’une chorégraphie qui se renouvelle sans cesse portée par des danseurs habités.
Dès l’ouverture du rideau, on plonge dans une atmosphère propre aux pièces de Sharon Eyal. Les danseurs portent des body couleur peau et des chaussettes noires qui montent jusqu’aux mollets. Ces costumes et la pénombre minutieusement pensée par Alon Cohen ne sont là que pour souligner les lignes des danseurs et rendre la danse encore plus forte.
Sur une idée de Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles et de Stefan Plewniak, violon solo de l’orchestre de l’Opéra royal de Versailles, le chorégraphe Thierry Malandain a créé un spectacle, Les Saisons, qui entrecroise habilement les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi et les Caractères des saisons, de Giovanni Antonio Guido. Un spectacle élégant et talentueux, que les 22 danseurs du Malandain Ballet Biarritz donnent actuellement au 13e Art, Place d’Italie (Paris).
Thierry Malandain est un potier qui ferait jaillir une forme d’un tas de glaise : sous sa direction habile émergent, de musiques pourtant archi-connues - les Quatre Saisons de Vivaldi ! -, des tableaux dansés puisant directement dans la moëlle musicale de ces quatre concertos classiques pour violon. Ce grand chorégraphe, pétri de toute l’histoire de la danse et de la musique, sait, comme nul autre, faire ressortir l’essence rythmique, la dynamique interne et la sensibilité émotionnelle des morceaux de musique qu’il met en mouvements. Ces Quatre Saisons, qu’on croyait pourtant connaître, deviennent des plaidoyers en faveur de la force du collectif, du droit à exprimer ses émotions ou encore à chérir la vie comme un trésor.
Cette habileté de Malandain à épouser les contours dynamiques des musiques est démontrée également avec les Caractères des saisons, de Giovanni Antonio Guido. mis en miroir aux Quatre Saisons. Contemporain de Vivaldi et écrivant pour des membres de la famille royale française, sa musique de cour, toute en galanteries et révérences, incarne l’étiquette à la française. Pour autant, elle est d’excellente facture, sonne très bien et permet au chorégraphe de montrer sa maestria dans la connaissance des pas de danse classique et sa capacité à les détourner juste ce qu’il faut pour les emmener vers une recréation contemporaine.
Terra Mater. Airs chantés et musique instrumentale de Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704), John Bennett (c. 1575-après 1614), Tarquinio Merula (1595-1665), Thomas Arne (1710-1778), Georg Caspar Schürmann (1672-1751), George Frideric Handel (1685-1759), Pietro Torri (c. 1650-1737), Claudio Monteverdi (1567-1643), Giovanni Bononcini (1670-1747), Francesco Gasparini (1661-1727), Giulio Taglietti (c. 1660-1718) et eden ahbez (1908-1995) ; ballades et danses traditionnelles anglaises. Malena Ernman, mezzo-soprano ; L’Arpeggiata, direction et théorbe Christina Pluhar. 2024. Notice en anglais, en français et en allemand. Textes des airs insérés avec traductions. 55’ 24’’. Erato 5021732533753.
Harpa Romana. Œuvres d’Orazio Michi (c1595-1641), Girolamo Frescobaldi (1583-1643), Andrea Falconieri (1585-1656), Mario Savioni (c1606-1685), Stefano Landi (c1587-1639), Giovan Carlo Rossi (c1617-1692), Luigi Rossi (1598-1653), Marco Marazolli (c1602-1662), Lelio Colista (1629-1680), Rinaldo Trematerra Buonagrazia (?-1603), Vespasiano Roccia (1560-c1625) & anonymes. Riccardo Pisani, ténor. La Smisuranza. Chiara Granata, Marta Graziolin, Elena Spotti, harpe. Août 2022. Livret en anglais, français, italien. TT 68’04’’. Arcana A561
Ce mercredi 5 février, Vanessa Wagner était en concert à l’Arsenal de Metz. Interprétant les Saisons de Tchaïkovski, trois des six impromptus de l’opus 5 de Sibelius et quelques extraits des Pièces lyriques de Grieg, la pianiste offrit, selon son habitude, des œuvres rares et aussi intéressantes que leurs censeurs plus courues, quand ce ne sont pas des créations qui lui sont dédiées.
Si les trois différentes parties de ce concert mettaient à l’honneur des compositeurs connus surtout pour des œuvres orchestrales, elles montraient nonobstant leur aptitude à écrire des pièces plus intimes, en forme des promenades intérieures, pour piano.
Les Saisons de Tchaïkovski permirent déjà à la pianiste française de révéler son toucher délicat en avançant dans une introspection mélancolique, traversées quelques fois d’éclairs brutaux, aspirée vers un ailleurs céleste. Des atmosphères de coin de feu en hiver et de songeries douces zébrées de temps fort comme des pas dans la neige transparaissent de cette musique.