Premières mondiales chambristes pour les aînés des Tcherepnin, père et fils

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Nikolay Tcherepnin (1873-1945) : Cadence fantastique, op. 42bis ; Pièce calme (Pastorale), version pour violon et piano ; Villégiature op. 38 n° 4 ; Un air ancien, version pour violon et piano. Alexander Tcherepnin (1899-1977) : Sonate pour violon et piano en do mineur ; Arabesque pour violon et piano op. 11 n° 5 ; Trio à clavier, op. 34 ; Trio concertante op. 47. Giorgio Koukl, piano ; Klaidi Sahatci, violon ; Johann Sebastian Paetsch, violoncelle. 2023. Notice en anglais. 69’ 34’’. Grand Piano GP937.

Concert du Nouvel An à Radio France : une soirée Crescendo molto

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Cette célébration de 2025 était doublée (et prolongée par la suite, puisqu’elle partira en tournée, du 6 au 10 janvier, avec un concert tous les jours, respectivement à Châteauroux, Bourges, Chalon-sur-Saône, Grenoble et Vichy), et le concert de la Saint-Sylvestre, diffusé en direct sur France Musique, avait été précédé par un autre la veille. C’est de ce dernier qu’il est question ici.

L’Orchestre National de France (ONF), sous la direction de leur directeur musical Cristian Măcelaru, avait invité l’Ensemble Janoska. Nous le présenterons quand il interviendra, c'est-à-dire seulement après l’entracte. En effet, dans toute la première partie, l’orchestre a joué, seul, des œuvres que l’on retrouve fréquemment dans les occasions festives, et toutes marquées du sceau de l’Europe centrale.

Pour commencer, l’ouverture de l’opérette Le Baron tzigane, de Johann Strauss fils, qui fait la synthèse entre la tradition classique (partie lente pour commencer), tzigane (czardas pour continuer) et viennoise (valse pour conclure). Le début semble quelque peu sérieux et appliqué. On sent Cristian Măcelaru davantage soucieux d’expression que d’exotisme, avec un sens dramatique affirmé : les nuances sont contrastées, avec des solos instrumentaux très intériorisés. Tout est bien mené, mais manque d’aisance ; c’est un peu précautionneux. L’orchestre sonne très bien, mais ne se lâche pas vraiment. Ce Baron tzigane du compositeur viennois par excellence n’est, finalement, ni tzigane ni viennois.

L’enthousiasme dans la salle est très relatif.

Les Danses de Galanta sont sans doute l’œuvre la plus populaire du compositeur hongrois Zoltan Kodály, qui s’était beaucoup intéressé, avec Béla Bartók, aux musiques traditionnelles, et notamment tziganes, ce qui est flagrant ici. Elles commencent par un solo de clarinette (remarquable Carlos Ferreira), qui a le mérite de quelque peu réveiller l’orchestre. Les cordes commencent à se libérer. On admire le travail de détail, en particulier des dynamiques. Il y a une belle énergie, et la bonne humeur s’installe.

Le public ne se lâche pas encore tout à fait, mais...

Suivait l’irrésistible Cinquième Danse hongroise de Johannes Brahms. La sonorité de l’ONF est épatante, enveloppante, sans saturer. Cristian Măcelaru gère les brusques changements de rythme avec naturel et distinction. Son parti pris est établi : rien de spectaculaire ou de pittoresque, tout au service de l’expression musicale.

Illia Ovcharenko, promesse d’une belle musicalité à la Salle Cortot

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Illia Ovcharenko

Invité régulier du Festival d’Auvers-sur-Oise, le jeune pianiste ukrainien Illia Ovcharenko a donné un récital prometteur à la Salle Cortot, à Paris, organisé conjointement avec l’association Pianissimes pour célébrer la sortie de son premier disque. À 23 ans, il se distingue par un jeu qui allie engagement et sensibilité, témoignant d’une rare capacité à restituer l’essence de chaque œuvre avec chaleur et sincérité. Son programme, composé d’œuvres de Sergueï Bortkiewicz (1877-1952), Borys Liatochynsky (1895-1968) et Régis Campo, reflète son désir de faire découvrir un patrimoine musical méconnu tout en affirmant sa curiosité pour la création contemporaine.

Né à Tchernihiv, en Ukraine, Illia Ovcharenko a fait ses débuts en concerto à l’âge de 12 ans à la Philharmonie nationale d’Ukraine. Élève d’Arie Vardi, il s’est distingué en remportant de nombreux prix prestigieux, dont le 1er prix au Concours international de New York et un prix au Concours de piano Busoni. Il mène déjà une carrière internationale, se produisant avec des orchestres tels que les Orchestres symphoniques de La Monnaie, de Jérusalem, de Toronto, de Haïfa, ainsi qu’avec l’Orchestre national d’Île-de-France. On a également pu l’entendre dans des festivals et salles renommés comme le Menuhin Gstaad Festival, le Festival international de Dresde, ou encore le Carnegie Hall.

Brahms et Schubert par Alexandre Kantorow : limpidité et profondeur 

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Johannes Brahms (1833-1896) : Sonate pour piano n° 1 en do majeur op. 1. Franz Schubert (1797-1828) : Lieder transcrits par Franz Liszt : Der Wanderer D. 489, Der Müller und der Bach D.795/19, Frühlingsglaube D. 686, Die Stadt D. 957/11, Am Meer D. 957/12 ; Fantaisie en do majeur ‘Wanderer Fantasie’ D. 760. Alexandre Kantorow, piano. 2023. Notice en anglais, en allemand et en français. 72’ 44’’. BIS-2660.

Le trop rare Nerone de Boito filmé à Cagliari

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Arrigo Boito (1842-1918) : Nerone, tragédie en quatre actes. Mikheil Sheshaberidze (Nerone), Franco Vassallo (Simon Mago), Roberto Frontali (Fanuel), Valentina Boi (Asteria), Deniz Uzun (Rubria), Dongho Kim (Tigellino), Vassily Solodkyv (Gobrias), etc. ; Chœurs et Orchestre du Théâtre lyrique de Cagliari, direction Francesco Cilluffo. 2024. Notice et synopsis en italien et en anglais. Sous-titres en italien, en anglais, en français, en allemand, en japonais et en coréen. 154 minutes. DVD Dynamic 38047. Disponible en Blu Ray.

Carlos Païta, l’incandescence de la direction 

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Modeste Moussorgski (1839-1881) :  Tableaux d”une exposition (orchestration de Maurice Ravel) ; Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique, op.14. National Philharmonic Orchestra (Moussorgski), London Symphony Orchestra, direction : Carlos Païta. 1978-1981. Livret en français et anglais. 78’41. Palais des dégustateurs.PDD 039.

Nikolay Khozyainov au Théâtre des Champs-Elysées : virtuosité sans émotion

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Le 17 décembre dernier, le pianiste, compositeur et chef d’orchestre russe Nikolay Khozyainov a offert un récital unique parisien de la saison au Théâtre des Champs-Élysées. Au programme : Schumann, Stravinsky, Chopin, ainsi qu’une Fantaisie de sa propre composition. Un programme ambitieux et hautement virtuose, mais qui peine à émouvoir.

Vêtu d’une queue-de-pie, Nikolay Khozyainov fait une entrée remarquée, affichant une stature imposante et un large sourire. Son assurance et sa présence scénique sont indéniables. Le récital s’ouvre avec les Variations sur un thème de Beethoven WoO 31 de Schumann. On connaît cette œuvre grâce à des enregistrements, notamment celui de Cedric Pesca chez Claves paru en 2017 et de Cédric Tiberghien chez Harmonia Mundi sorti en 2023. Il s’agit d’études sur le thème du mouvement lent de la Septième symphonie de Beethoven sous forme de variations, dont la composition date de 1833 à 1835. Schumann composait parallèlement les Études symphoniques qui datent de 1834, d’où quelques similitudes avec celles-ci. Dans son interprétation, Khozyainov démontre une technique irréprochable : chaque note est finement articulée, les nuances parfaitement maîtrisées. Sa virtuosité ne fait aucun doute, et il sait instaurer des moments d’introspection rêveuse. Il montrera avec constance ces qualités, tout au long du récital. 

Si l’on espérait retrouver dans sa Fantaisie un caractère du genre « fantaisie », c’est-à-dire une liberté créative débordant des cadres habituels, elle se révèle plutôt être une pièce de easy listening comme diront les Américains, dont le caractère reste homogène et sans surprises.

Klaus Mäkelä et le public du Concertgebouw célèbrent leur orchestre

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La Kerstmatinee (« Matinée de Noël ») de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam est une tradition annuelle, confiée pour la quatrième fois à Klaus Mäkelä. C’est lui qui deviendra, en 2027, alors qu’il sera tout juste trentenaire, le huitième directeur musical de cet orchestre historique, fondé en 1888. C’est dire la confiance placée en lui !

Pour cette soirée, il nous est annoncé « un programme basé sur le thème de l’amour », avec les précisions suivantes : « l’amour conjugal » pour les deux piliers du répertoire que sont Siegfried-Idyll de Richard Wagner et Une vie de héros de Richard Strauss, précédés d’« une déclaration d’amour à la musique de Beethoven » avec subito con forza d’Unsuk Chin. Nous verrons que, s’il est indubitable que l’amour a inspiré toutes ces musiques, ainsi que leurs interprétations, d’autres lectures en sont possibles.

Comme c’est d’usage, dans cette salle mythique construite pour cet orchestre en 1888, le chef d'orchestre arrive, du haut de la salle et face au public, par des escaliers d’une quinzaine de marches. Cela installe, d’entrée, un rapport très spécial entre le chef et le public.

Le concert commençait par une courte pièce de la compositrice sud-coréenne Unsuk Chin (née en 1961) : subito con forza. La partition porte l'inscription « À l'occasion du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven », et son début tonitruant en cite l’Ouverture de Coriolan, juste avant un murmure des cordes, d’une précision stupéfiante, dans lequel les quatre contrebasses sont particulièrement exposées (elles le seront encore plusieurs fois par la suite). 

On entend d’autres citations de motifs saisissants de Beethoven, ainsi que des plus sauvages du Sacre du Printemps de Stravinsky. L’écriture des instruments à vent utilise des modes de jeux qui apportent des couleurs tout à fait originales.

Il y a une impétueuse énergie dans ces cinq minutes, qui se terminent cependant plus calmement, même si la tension reste maximale jusqu'au bout.

Cette pièce a été créée, précisément, par cet orchestre et par ce chef en 2020, à l’occasion de leur toute première collaboration. C’est aussi entre eux, à n’en pas douter, qu’il y a déclaration d’amour...

Suivait Siegfried-Idyll, une pièce d’une quinzaine de minutes écrite par Richard Wagner (1813-1883) en 1870, pour son épouse Cosima à la double occasion de son trente-troisième anniversaire et de la naissance de leur troisième enfant, Siegfried. 

Il est difficile de mettre plus de tendresse dans la sonorité des violons que dans ce début. La sonorité de l’orchestre, dans cette acoustique légendaire, est exceptionnellement riche.

Conte de Noël au Théâtre des Champs Elysées

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Du 21 décembre au 5 janvier, le Ballet national d’Ukraine investit le TCE avec la Reine des Neiges. La compagnie, venue pour la première fois en décembre 2022, est de retour malgré des conditions de vie et de travail difficiles pour un ballet de Noël.

La Reine des Neiges

Si l’on connaît aujourd’hui le conte écrit en 1844 par Andersen, c’est plutôt grâce à sa version Disney. La chorégraphe et ancienne directrice de la troupe ukrainienne, Aniko Rekhviashvili choisit de reprendre la trame initiale : une histoire d’amitié entre Gerda et Kai. Le tout mis en musique par Oleksiy Baklan et Victor Ishchuk (arrangement d'œuvres de Strauss, Massenet, Berlioz…) interprété avec grâce, en live, par l’orchestre Prométhée.

Un monde féérique

Le décor, aidé par la vidéo, souligne la trame narrative. Les costumes sont superbes et nous plongent dans le conte. Les effets de lumières sont également bien pensés notamment lors de la scène où le miroir se brise et envoie des rayons dans la salle. L’atmosphère est posée, ce qui est essentiel car l’histoire apparaît comme secondaire, moins compréhensible malgré un livret très fourni.