Un Beethoven époustouflant !

par

JOKERLudwig van Beethoven (1770-1827)
Cantate sur la mort de l’Empereur Joseph II, WoO 87 - Symphonie n°2 en ré majeur, opus 36

San Francisco Symphony, Michael Tilson Thomas, dir. – Sally Matthews (soprano), Tamara Mumford (mezzo-soprano), Barry Banks (ténor), Andrew Foster-Williams (baryton-basse), San Francisco Symphony Chorus, Ragnar Bohlin (chef de chœur)
2013 – DDD – 72’84’’ – Texte de présentation en anglais, français et allemand – SFSmedia – SFS 0058

Un Beethoven époustouflant pour le San Francisco Symphony et son directeur musical, Michael Tilson Thomas. Deux œuvres peu jouées et qui retrouvent ici leurs lettres de noblesse. La Symphonie N°2 de Beethoven, l’une des moins populaires et pourtant passionnante, est écrite en 1802 à Vienne. Si Beethoven quitte Bonn en 1792 pour la capitale autrichienne pour y affiner sa technique de composition, sa Première Symphonie ne verra le jour qu’en 1800. Vivement accueillie, il faudra néanmoins trois années à Beethoven pour créer sa Deuxième. Plus longue, le compositeur y développe un travail sur le matériau, sur la forme où les prémices de son génie s’afficheront peu à peu. Berlioz encensait le côté gai de l’œuvre tandis que d’autres la trouvaient moins enthousiasmante que la première. En contrepoids, cette parution rend hommage à l’une des pages les plus poignantes de la littérature beethovenienne.
La Cantate sur la mort de l’empereur Joseph II date d’avant son départ pour Vienne. Jamais jouée du vivant du compositeur (créée en 1884), l’effectif reste assez classique: les vents par deux, cordes, quatre solistes et un chœur à quatre voix. A la mort de l’empereur -le 20 février 1790- et face à l’admiration que lui vouait son peuple pour son travail sur l’égalité devant la loi et la tolérance religieuse, Beethoven, alors jeune compositeur au service de l’électeur, est sollicité pour écrire une œuvre funèbre. Certainement pris par le temps, le compositeur n’achève pas l’œuvre à temps et les deux exécutions sont annulées (1790 et 1791). Œuvre profonde aux harmonies dramatiques, Beethoven y puisera certaines idées pour ses œuvres futures, notamment Leonore (puis Fidélio) en 1805.
L’exécution proposée ici est digne des plus grands enregistrements. Le travail de Tilson Thomas est très propre. Une réflexion sur l’espace des intervalles en musique se perçoit aisément et chaque note tient une place importante. Les relations métriques entre parties lentes et rapides sont intelligentes. En contrôlant à souhait les dynamiques, toutes les reprises sont réalisées sans briser le discours. Le tempo du second mouvement est juste. S’il paraît lent, l’auditeur portera une attention particulière à la qualité du jeu des cordes et la fluidité des vents. Le chef opère un travail magistral sur le rapport harmonique, indispensable pour la compréhension de la forme. Le scherzo offre un moment réjoui et dansant. Aucune exagération dans les accents. Le dernier mouvement est efficace grâce à un tempo modéré. L’orchestre produit une qualité de son exceptionnelle et offre une exécution aboutie et mature.
Le même travail est accompli pour l’œuvre funèbre. Si l’on peut reprocher un vibrato trop présent pour la soprano solo, son talent de musicienne est à louer. Comme son collègue baryton basse, chaque inflexion dans le texte est saisie. L’allemand est irréprochable tandis que les nuances demandées par Beethoven, nombreuses ici, sont respectées. L’alternance des accords du début -que l’on retrouve à la fin- est terrifiante et nous immerge dans un monde accablé par le chagrin. Les parties de chœur tiennent une place capitale ici. Belle maîtrise de la langue, des dynamiques et une homogénéité idéale.
Pari réussi pour les musiciens du San Francisco Symphony (chœur et orchestre) et Michael Tilson Thomas qui offrent ici un enregistrement magistral qui marquera les esprits.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

 

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