Tilson Thomas/Ax/San Francisco Symphony : un plaisir réciproque

par

0126_JOKERLudwig van Beethoven 
(1770-1827)
Concerto pour piano n°3 en do mineur, Op. 37 – Messe en do majeur, Op. 86
San Francisco Symphony, Michael Tilson Thomas, direction – Emanuel Ax, piano – Joelle Harvey, soprano – Kelley O’Connor, mezzo-soprano – William Burden, ténor – Shenyang, baryton-basse – San Francisco Symphony Chorus, Ragnar Bohlin, chef de chœur
2015-DDD-77’04-Textes de présentation en anglais, français et allemand-SFS Media-SFS921936-0064-2

Michael Tilson Thomas fait partie de ces chefs qui aiment coupler des œuvres « populaires » à d’autres moins célèbres voire très rarement exécutées. Alors que de Beethoven, il avait déjà réussi le pari de marier la Symphonie n°2 à la Cantate pour la mort de l’Empereur Joseph II, il propose ici une lecture éclairée du Troisième concerto pour piano et de la Messe en do majeur. Composé entre 1796 et 1803, le Concerto pour piano en do mineur est créé le 5 avril de la même année à Vienne avec Beethoven au piano qui adopte un schéma classique, malgré une touche personnelle évidente, en hommage au Concerto en do mineur de Mozart. Alors que le second mouvement se dessine comme une longue poésie en demi-teinte dont le dialogue vents/piano apporte fraîcheur et expressivité, le final se veut plus dansant, envolé voire amusant. Quatre ans plus tard, Beethoven répond à une commande du Prince Nikolaus II d’Esterhazy en vue de la commémoration annuelle de la disparition de son épouse. Jusque là, c’était Haydn qui s’acquittait de cette tâche, même s’il n’était plus au service du Prince. Dans l’ombre des six messes écrites par Haydn et même s’il jouit d’une grande notoriété, Beethoven ne réussit pas à convaincre le public présent lors de la création. L’œuvre ne parvient pas à plaire au Prince et montrera quelques difficultés à se faire éditer puisque la première partition ne date que de 1812. Finalement dédiée au Prince Kinsky, admiratif du travail de Beethoven, l’œuvre suit le schéma traditionnel des six parties de l’ordinaire et offre par le biais de son écriture tant orchestrale que chorale diverses particularités, notamment dans l’expression.
Comme pour chaque cd, on décèle très rapidement le plaisir réciproque qu’ont les différents artistes réunis ici à jouer ensemble. Enregistrées en live, les deux œuvres bénéficient d’une lecture plus qu’intelligente dont le rapport orchestre/soliste/chœur est idéal. Pour le Concerto, s’apprécient entre autre la conduite des phrases, la construction harmonique analysée avec lucidité, la justesse des attaques, la préférence d’un équilibre orchestral à une éventuelle lourdeur qui viendrait gâcher le résultat final, la mise en avant des timbres de l’orchestre, notamment les vents accompagnés avec délicatesse par les cordes ou à d’autres moments appuyés pour le côté dramatique du discours, et de manière générale les très nombreuses couleurs et dynamiques mises au service du texte. Côté piano, Emanuel Ax, qui n’en n’est pas à son premier enregistrement avec le San Francisco Orchestra puisqu’il a déjà enregistré le Concerto n°4, développe un jeu d’un raffinement sans précédent, naturel, fluide, pourrait-on dire évident ? Aucun effet inutile n’est appuyé, Ax choisit un jeu fin, mais profond, lyrique sans pour autant en rajouter, le tout en constant dialogue avec la baguette fine de Tilson Thomas. Les mêmes caractéristiques se retrouvent dans l’œuvre vocale avec un chœur homogène dont le rendu du texte est clair grâce à une pate sonore cohérente et lisse. Proposant de très jolies couleurs d’ensemble, le chœur est accompagné par un orchestre bienveillant, attentif à toute faiblesse ou au contraire, facilité, tandis que les quatre solistes viennent accentuer le discours de leur générosité. L’ensemble profite d’un souffle ininterrompu, démontrant la capacité du chef à réunir ses troupes pour le meilleur. L’entente et le désir entre les artistes sont tels qu’ils permettent à cet enregistrement de se hisser au sommet de la littérature beethovenienne.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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