70e Festival d’Aix-en-Provence : un grand écart si révélateur
« Didon et Enée », « Seven Stones », « Orfeo & Majnum »
Un opéra baroque, un opéra contemporain, un opéra multiculturel se sont succédé en deux jours au Festival, révélateurs dans leur diversité du magnifique travail accompli par son directeur, Bernard Foccroulle.« Didon et Enée » de Purcell, « Seven Stones » d’Adámek et « Orfeo & Majnum » d’Adwan, Moody et van der Harst nous entraînent dans ce qui semble être un grand écart spatio-culturo-temporel. Il a pourtant toute sa pertinence. Pour Bernard Foccroulle, qui quitte le Festival après l’avoir dirigé 12 ans, l’opéra « est un miroir du monde ». Il n’est donc pas question d’en faire un musée poussiéreux. L’œuvre ancienne doit être réinterrogée. Le temps qui a passé l’a densifiée de sens nouveaux et lui permet de vivre sur scène autrement grâce aux technologies nouvelles. Il ne s’agit pas d’innover pour innover : c’est l’œuvre elle-même qui doit être la source de son renouvellement et non quelques concepts qu’on lui imposerait.
Ça ne marche pas à tout coup comme le prouve le « Didon et Enée » mis en scène par Vincent Huguet : l’adjonction d’un prologue retarde inutilement les premières notes d’une œuvre qui se suffit à elle-même. La scénographie étouffe le plateau. Les choix dramaturgiques laissent perplexes. L’interprétation est discutable.
Pour Bernard Foccroulle, « l’opéra doit continuer à vivre d’ouvrages nouveaux, qui ne soient pas des élucubrations d’artistes en chambre mais montrent une capacité de rénover le genre, tout en sachant s’adresser à des publics d’aujourd’hui ». Des propos confirmés par « Seven Stones » d’Ondrej Adamek, un opéra a cappella pour 4 solistes et 12 chanteurs choristes. La musique est admirable dans son invention, dans son humour, dans sa concrétisation scénique. C’est la révélation de cette 70e édition du Festival.
Bernard Foccroulle s’est aussi engagé pour un opéra qui dise notre monde globalisé, non pas de façon réductrice, mais multiplicatrice. Ainsi « Orfeo & Majnum », une rencontre entre le mythe grec d’Orphée et Eurydice, fondateur de l’opéra occidental, et la légende arabe de Layla et Majnum. Cette production est également symbolique de la volonté de Bernard Foccroulle d’intéresser un plus large public à l’opéra. Créée à Bruxelles, elle sera à Malte, Vienne, Cracovie, Rotterdam et au Portugal. A Aix, elle a été représentée en plein air, sur ce lieu emblématique de la ville qu’est le Cours Mirabeau, devant plus de 8000 personnes.
Stéphan Gilbart
Aix-en-Provence, le 7 juillet 2018