A la découverte du "Roi Carotte"

par

Qui aurait imaginé que Jacques Offenbach avait collaboré avec Victorien Sardou, l’auteur de ‘La Tosca’ et de ‘Madame Sans-Gêne’ ? Et le résultat fut ‘Le Roi Carotte’, fastueuse féérie potagère, d’une durée de plus de six heures, comportant onze tableaux, des dizaines de décors, des centaines de costumes et cent-vingt personnes sur scène.
La Gaîté Lyrique en assura la création le 15 janvier 1872, puis en donna 195 représentations triomphales avant de disparaître, emportant même une version réduite en trois actes. La trame alambiquée oppose deux univers, celui de Fridolin XXIV, prince de Krokodine, épris de la princesse Cunégonde mais désiré par Rosée du soir, et celui du Roi Carotte et de sa suite légumière incluant navets, radis et betteraves. Mais Robin-Luron, génie déguisé en étudiant, et la sorcière Coloquinte vont fausser les cartes : Cunégonde s’amourache de Carotte, dont les défauts tels que bâillement, éternuement, doigts dans le nez et ivrognerie sont imputés au pauvre Fridolin qui n’en peut ‘mais’. Pour dissiper le mauvais sort, le souverain n’a qu’une solution : faire un bond dans l’histoire, débarquer avec ses sujets à Pompéi en 79 avant Jésus Christ et récupérer l’anneau de Salomon dérobé par un soudard romain. Puis la fête du printemps avec le défilé des insectes incitera leur reine à ramener dans un char ailé les fugitifs au royaume de Krokodine.
Face à une pareille fantasmagorie, Laurent Pelly, concepteur de la mise en scène et des costumes, s’en donne à cœur joie. Dans d’ingénieux décors de Chantal Thomas édifiant de gigantesques bibliothèques murales, s’enchevêtrent les étudiants goguenards cultivant la dive bouteille, les légumes géants constituant la cour du Roi Carotte, la populace de Pompéi et les planches de coléoptères. Et c’est dans un passe-vite géant que le monstrueux Carotte se transformera en… purée ! La baguette précise et colorée de Victor Aviat mène tambour battant les Chœurs, les Solistes de l’Opéra Studio et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. De la quarantaine de rôles qui peuple la scène, l’on mentionnera Yann Beuron (Fridolin XXIV), Antoinette Dennefeld (Cunégonde), Julie Boulianne (Robin-Luron), Christophe Mortagne (le roi Carotte), Chloé Briot (Rosée du soir) et Lydie Pruvot (Coloquinte), tous remarquables. Et après trois heures de spectacle, le public médusé jubile !
Paul-André Demierre
Lyon, Opéra, le 21 décembre 2015

Les commentaires sont clos.