A la Scala, une éblouissante Coppélia

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Pour l’ouverture de sa saison 2023-2024, le Ballet de la Scala de Milan reprend Coppélia de Léo Delibes, absent de l’affiche depuis février 2009. Manuel  Legris, son directeur, fait appel à Alexei Ratmansky qui élabore une nouvelle production se rapprochant de la version originale française conçue par Arthur Saint-Léon et créée à l’Opéra de Paris le 25 mai 1870.

En commençant son travail il y a deux ans, le chorégraphe s’est laissé surprendre par une particularité dont il n’avait jamais fait cas : l’action se déroule en Galicie, la partie occidentale de l’actuelle Ukraine. A Jérôme Kaplan, concepteur des décors et costumes, il demande une scénographie incorporant une église en bois jouxtant les champs de blé et une place de village encadrée par la sémillante demeure de Swanhilda et une sombre demeure avec balcon où niche Coppélius. L’intérieur de l’antre de l’artisan ressemble aux coulisses d’un théâtre accumulant meubles, livres, échelles et automates près d’une petite scène dont le rideau masque la présence de la poupée Coppélia. Quant aux costumes, ils suggèrent un réalisme campagnard faisant référence au folklore en un kaléidoscope de coloris vifs pour les couvre-chefs, dentelles et parements. L’on fait appel  à Guillaume Gallienne  afin de communiquer aux danseurs son expérience en matière de théâtre et de cinéma et de les sensibiliser à la psychologie des personnages. Ainsi, en accord avec le chorégraphe, Coppélius devient un fou dangereux qui veut s’emparer de l’âme des humains pour l’insuffler à ses automates. C’est pourquoi  à l’imprudent Franz qui s’est faufilé dans son atelier, il fait absorber un narcotique qui l’endort. Coppélia,  vêtue de rouge comme une poupée mécanique, n’esquisse ici que quelques mouvements saccadés pour céder rapidement la place à Swanhilda, battante vindicative qui veut à tout prix récupérer son si naïf soupirant.

Quant  à l’œuvre, Alexei  Ratmansky opte pour une version intégrale en trois actes incluant la remise de la cloche offerte par le seigneur du château et les festivités qui en découlent.  Et la superbe partition de Léo Delibes s’en trouve magnifiée  sous la baguette de Paul Connelly, expert en la matière, qui, à la tête de l’Orchestre de la Scala, fait miroiter les pépites d’une orchestration géniale. 

Pour les huit représentations prévues jusqu’au 13 janvier, Alexei Ratmansky bénéficie de quatre couples différents pour camper les rôles de Swanhilda et Franz. Le 17 décembre, soir de la première, sont affichées les étoiles Nicoletta Manni  et Timofej Andrijasdhenko, mari et femme à la scène comme à la ville. Dans le double personnage de Swanhilda / Coppélia, elle impressionne par ce mélange d’ingénuité touchante de caractère trempé que corrobore une technique parfaite : s’y allient d’aériennes arabesques  d’une délicatesse extrême à d’invraisemblables pirouettes enchaînées  qui pimentent le pas de deux conclusif. Lui joue les amoureux transis en osant la lenteur de mouvement dans ses retirés et l’époustouflant brio dans ses bonds et sauts de chat. Et l’on perçoit immédiatement l’intime complémentarité de ce couple si émouvant. Le Coppélius de Christian Fagetti est investi de l’importance du diabolique meneur de jeu qui tente les menées les plus sournoises pour se venger  de sa condition misérable. Les quatre camarades de Franz (Domenico Di Cristo, Federico  Fresi, Mattia Semperboni, Saïd Ramos Ponce) sont vecteurs d’une franche bonhommie que prennent à partie les amies de Swanhilda (Gaia Andreanò, Camilla Cerulli, Agnese Di Clemente, Marta Gerani, Giordana Granata, Asia Matteazzi) en les entraînant dans leurs mazurkas et csardas endiablées. Eblouissantes, les variations que glissent les quatre allégories (Linda Giubelli, Navrin Turnbull, Maria Celeste Losa, Rinaldo Venuti) dans le divertissement de l’acte III  précédant le galop final irradié par une joie sans partage.

A peine le rideau tombé, éclate un tonnerre d’applaudissements saluant cette magnifique production que RAI 5 et Medici TV ont immédiatement immortalisée.

Milano, Teatro alla Scala, le 17 décembre 2023

Crédits photograhiques : Brescia e Amisano-Teatro allaScala

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