Le retour des danses slaves de Dvořák
Antonín Dvořák (1841-1904) : Danses slaves Série I, Ops 46 et Série II, Op.72. Prague Symphony Orchestra, direction Tomáš Brauner. 2021. Livret en anglais, allemand, français et tchèque. 78’36’’. Supraphon SU 4332-2.
Il fut un temps où les Danses slaves de Dvořák dans leurs versions orchestrales furent des tubes des parutions discographiques. Curieusement, cette frénésie se tarit progressivement avec la fin des années 1980. Dès lors, la discographie est bardée de références, mais des références plutôt anciennes : Antal Doráti (Mercury et Decca), George Szell (Sony), Václav Talich (Supraphon), Václav Neumann, (Supraphon) ou Rafael Kubelík (DGG).... Des temps plus récents, seules les gravures de Jiří Bělohlávek (Decca), Nikolaus Harnoncourt (Teldec) et Charles Mackerras (Supraphon) méritent une place d’honneur dans cette lignée généalogique presque exclusivement tchèque. Dès lors, on se réjouit de cette nouvelle parution sous la baguette d’un chef tchèque qui ne cesse de s’affirmer : l'excellent Tomáš Brauner.
Il faut dire qu'à’ force de se focaliser sur l’école finlandaise de direction dont les représentants trustent de nombreux postes, l’école tchèque est bien moins médiatisée mais elle connaît actuellement une éclosion de talents : Jakub Hrůša, Tomáš Netopil, Petr Popelka, Jiří Rožeň et Tomáš Brauner. Ce dernier est actuellement le directeur musical du Prague Symphony Orchestra et premier chef invité du Bohuslav Martinů Philharmonic Orchestra. Il est plaisant de constater que cette génération de trentenaires et de quarantenaires n’a pas peur de se confronter à des partitions ADN de leur culture et aux lectures de leurs glorieux aînés.
Dans cette intégrale des deux séries des Danses slaves, Tomáš Brauner ne cherche pas la virtuosité pour la virtuosité dans une veine démonstrative. Sa direction est allante et galvanisante mais elle veille à prendre soin des nuances et des détails avec ce qu’il faut de style et d'esprit. On pointe une indéniable nostalgie de cet univers dansant et syncopé sous cette battue fine et racée. Le Prague Symphony Orchestra livre de belles couleurs dans le rendu des textures, en particulier dans les bois encore typés. La prise de son Suprahon restitue parfaitement tant les dynamiques que les couleurs des pupitres.
Certes, cette nouvelle version ne détrône pas dans l'absolu les grandes références citées, mais elle s’impose comme une très belle lecture qui mérite l’attention pour les amoureux de cette si belle musique.
Son : 10 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9
Pierre-Jean Tribot