"A Midsummmer Night's Dream" à Genève : une exceptionnelle réussite

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Pour six représentations, le Grand-Théâtre de Genève présente l’un des chefs-d’œuvre de Benjamin Britten, A Midsummer Night’s Dream, créé au Festival d’Aldeburgh le 11 juin 1960. Le triomphe remporté par le spectacle, lors de la première, émane, en premier lieu, de la mise en scène de Katharina Thalbach, la fille de Benno Besson, directeur pendant plusieurs années de la Comédie de Genève qu’il a marqué d’une empreinte indélébile. Son collaborateur de longue date aujourd’hui associé aux travaux de sa fille, Ezio Toffolutti conçoit comme élément de décor un gigantesque corps de femme sans tête et des costumes, d’un blanc immaculé pour Oberon et Tytania, grisâtres pour les elfes, style années cinquante pour les amoureux transis et les artisans se piquant d’être acteurs. Sur cet espace de jeu, aussi surprenant qu’inattendu, se développe une action à deux niveaux, où la forêt s’anime par le biais de figurants métamorphosés en arbres. Sous des éclairages suggestifs conçus par Simon Trottet, l’univers onirique prend le dessus, car le monde du sommeil avoisine le surnaturel et aseptise le réel où s’affrontent les passions exacerbées et le grotesque du théâtre amateur. Et l’enchaînement des situations se fait avec un naturel désarmant.
Dans une palette de coloris extrêmement suggestive produite par la Maîtrise du Conservatoire populaire de musique de Genève (préparée par Magali Dami et Serge Ilg) et l’Orchestre de la Suisse Romande, la baguette du chef américain Steven Sloane fait montre d’une extrême précision pour dégager les lignes de force de la structure dramaturgique. Sur scène, domine l’Oberon de Christopher Lowrey, remarquable contre-ténor américain à l’aigu vaillant, dialoguant avec la tout aussi éblouissante Tytania de la soprano slovène Bernarda Bobro. La comédienne Anna Thalbach, fille de la metteuse en scène, campe le nain Puck qui n’a que des interventions parlées mais qui mène le jeu avec l’aplomb d’une équilibriste chevronnée. Le quatuor des humains est habilement constitué par Stephanie Lauricella (Hermia), Shawn Mathey (Lysander), Mary Feminear (Helena) et Stephan Genz (Demetrius), quand le couple ducal confié à Brandon Cedel (Theseus) et Dana Beth Miller (Hippolyta) paraît bien plus convaincant que dans les récents Troyens. La basse Alexey Tikhomirov a la solidité d’un Bottom affublé d’une gigantesque tête d’âne, tandis que Paul Whelan affiche la détermination d’un Quince dirigeant la cocasse pantomime des artisans affichant Stuart Patterson (Flute), Jérémie Brocard (Snug), Bengt Ola-Morgny (Snout) et Michel de Souza (Starveling). Au rideau final, une bonne partie des spectateurs debout pour manifester son enthousiasme, ce qui est extrêmement rare en ces lieux !
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 20 novembre 2015

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