Aimez-vous la musique de salon ?

par

Francis THOME  (1850-1909)
Trio en la majeur op. 121 - Simple aveu - Le Rêve - Andante religioso - Clair de lune - Menuet La Vallière
Trio Thalberg : Gérard TORGOMIAN (violon), Frédéric BORSARELLO (violoncelle), Alain RAËS (piano)
2014-DDD-64'-Notice en français et en anglais-Azur Classical AZC 118

La collection du Festival International Albert-Roussel se lance à la découverte d'un autre compositeur très inconnu. Après Emile Goué, René de Castéra, et Fernand de la Tombelle, voici Francis Thomé, natif de... l'île Maurice. La notice fouillée de Claudie Ricaud, directrice du Conservatoire National de Musique à Maurice et auteur d'une biographie de Thomé, parue aux Editions L'Harmattan, dépeint avec attention la carrière de ce jeune créole, élève d'Ambroise Thomas, qui fera toute sa carrière à Paris. Personnage curieux, issu d'ancêtres esclaves, féministe, mêlé à l'aventure communarde, il fut surtout connu par de nombreuses pièces pour piano, relevant de la musique de salon. Parmi ses intérêts, il faut relever un goût prononcé pour la musique de chambre et surtout, plus rare à l'époque, pour la musique baroque. Le CD que voici fonctionne un peu comme une carte de visite : un exemple conséquent de sa musique de chambre, et cinq pièces de salon. Le Trio en la majeur a été créé en 1882. Ne nous attendons pas à la densité de César Franck, dont le quintette avait vu le jour deux ans auparavant, ni même à celle du troisième trio de Lalo (1881). Là n'est pas le propos de Thomé. Sa musique ferait plutôt penser à Félicien David et à Saint-Saëns : elle cherche simplement à plaire. Le deuxième thème de l'allegro initial possède même un galbe mélodique qui pourrait évoquer Massenet. Le scherzo volubile, l'introduction au piano seul de l'adagio ou le contrepoint vif et dansant du finale sont d'un charmant petit maître. Les cinq petites pièces de complément relèvent de la musique de salon pure. Simple Aveu, par exemple, sérénade susurée à la Massenet, est facile sans doute, mais devait faire sourire les belles écouteuses, et la mélodie du Clair de lune est bien jolie. L'Andante religioso, encore plus salonnard, fatigue un peu par un abus d'unisson violon-violoncelle. Par contre, jolie surprise finale avec ce Menuet La Vallière, qui rappelle l'intérêt de Thomé pour la musique ancienne : le trio médian en est tout à fait ravissant. Difficile évidemment de juger l'interprétation, toutes ces oeuvres étant ici jouées en première mondiale. Alain Raës étant connu pour sa défense de la musique française (intégrales Roussel et Honegger, par exemple), on ne peut imaginer meilleur illustrateur pour ce compositeur, de troisième plan certes. Les germanophiles grommèleront sans doute : "Ce n'est pas profond". Ecoutons, et laissons-les dire.
Bruno Peeters
Son 9 -  Livret 10 - Répertoire 7 - Interprétation 9

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