Alkan à la page

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Charles-Valentin Alkan
par Brigitte FRANÇOIS-SAPPEY et François LUGUENOT
Mis à part quelques compositeurs dont la réputation n'est vraiment plus à faire (Debussy, Ravel, Berlioz, Bizet), la France a tendance à sous-estimer ses nombreux compositeurs qui ont fait l'Histoire de la musique. Quand on demande à un musicien-mélomane qui est Alkan, les réponses sont bien souvent les mêmes : un compositeur pour pianiste, petit maître et misanthrope n'ayant écrit que des oeuvres injouables et sans intérêt. Brigitte François-Sappey et François Luguenot avaient déjà écrit en 1991 un ouvrage complet consacré à ce compositeur aux éditions Fayard mais dans le présent ouvrage, agrémenté d'une belle iconographie, les deux auteurs parviennent à présenter précisément et en moins de deux cent pages ce compositeur un peu oublié des mélomanes parfois bardés de préjugés… Alkan fait partie des grands pianistes-compositeurs qui ont participé à la vie musicale bouillonnante à Paris autour de 1850. On peut citer à côté de lui Chopin, Liszt, Hiller, Heller, Thalberg etc. Alkan sera un grand ami de Chopin et, à la mort de ce dernier, il héritera de tous ses élèves, preuve de l'estime que lui portait le compositeur. Il fut, comme Chopin ou Liszt, un pianiste avant tout et l'un des plus grands selon ses contemporains. Il n'avait rien à envier à la technique transcendante de Liszt et des autres pianistes virtuoses, mais le caractère d'Alkan n'était pas propice aux joies de la célébrité: Charles-Valentin est un solitaire qui se coupe volontairement du monde pour se consacrer à la composition. Il n'écrira quasiment que pour son instrument et pour un instrument en vogue à l'époque : le piano-pédalier, sorte de mélange entre le piano et l'orgue. Le piano d' Alkan est très novateur et vraiment reconnaissable dès les premières mesures; la virtuosité n'est pas démonstrative, elle est brute, sans "trucs et astuces" comme chez Liszt. Le piano d'Alkan ressemble en cela au piano de Beethoven : la musique et le résultat sonore priment sur le confort du pianiste. Celà donne des oeuvres d'une difficulté incommensurable et c'est peut-être une des raisons pour lesquelles beaucoup de pianistes se refusent à jouer sa musique. Tant de travail si peu récompensé par le public… On découvre ici le grand sentiment religieux et rigoureux qui a animé Alkan durant toute sa longue vie. Ce livre donne envie de redécouvrir la musique de cet homme trop discret et peu soucieux des flatteries. Espérons que cet ouvrage fera tomber les préjugés à son égard.
François Mardirossian
2013, Bleu Nuit éditeur, collection Horizons, 176 pages

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