Anna Netrebko, Antonio Pappano et le vérisme en musique

par
Netrebko

« Verismo » : œuvres de Francesco Cilea (1866-1950), Umberto Giordano (1867-1948), Giacomo Puccini (1858-1924), Ruggero Leoncavallo (1857-1919), Alfredo Catalani (1854-1893), Arrigo Boiti (1842-1918), Amilcare Ponchielli (1834-1886)
Anna Netrebko, soprano, Yusif Eyvazof, ténor – Chœur et orchestre de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano, direction – Tokyo Philharmonic Orchestre, Jader Bignamini, direction
2016-DDD+DVD-71’58-Livret de présentations en anglais, français et allemand-DG 4795013

Avec « Verismo », Anna Netrebko et Antonio Pappano s’intéressent aux grands airs des fins 19ème siècle, début 20ème. Le terme « vériste » renvoie au mouvement littéraire des années '70 qui voit un groupe de jeunes poètes et écrivains – autour du roman de Cletto Arrighi, Scapigliatura - se préoccuper des couches sociales, de la réalité, effaçant de fait toute trace mythologique. En musique, s’il n’existe à proprement parlé pas de manifeste, deux œuvres marquent le début de ce courant : Cavalleria rusticana (Mascagni/1890) et Pagliacci (Leoncavallo/1892), cette dernière décrivant « une tranche de vie » sur scène. En réalité, le vérisme pourrait presque se traduire par le miroir de la vie humaine, dont les sentiments et les émotions de la vie quotidienne se traduisent sur scène. Naturellement, des compositeurs tels que Puccini, Ciléa ou encore Giordano se sont inspirés de cette vague et en ont tiré quelques-unes des plus belles pages lyriques imaginées à ce jour.
Le choix d’Anna Netrebko d’aborder ce répertoire est le résultat naturel de l’évolution de la voix qui, ces dernières années, s’est considérablement enrichie et développée, lui permettant aujourd’hui d’aborder avec brio un répertoire plus lourd et dramatique. Sans surprise, la voix séduit et fait preuve de sensibilité et de maturité. Son abondante palette de couleurs, associée au caractère tantôt lumineux, tantôt assombri, offre une alchimie entre elle et l’orchestre, conduit d’une main de maître par un Antonio Pappano très inspiré. Un orchestre juste, qui ne se satisfait pas d’un simple accompagnement en offrant ici une pléthore de possibilités tant musicales que techniques à la soprano. Le timbre et le grain de voix de l’artiste permettent de cerner au mieux les contours mélodiques et la dramaturgie d’airs tels que « In questa reggia » (Turandot), « La mamma morta » d’Andrea Chénier de Giordano, ou encore Adriana Lecouvreur de Cilea, dont l’étendue de dynamiques et le souffle portés à la ligne sont d’un niveau remarquable. Cet ensemble admirable n’est sans doute pas indifférent au travail d’Antonio Pappano, véritable expert de la voix et de l’orchestre, qui sait mener à bien le flux dramatique par le truchement d’une baguette claire et expressive. L’occasion aussi de réentendre la voix du ténor Yusif Eyvazov et de visionner grâce à un dvd complémentaire trois extraits tirés d’un concert donné en mars 2016 à Tokyo. Un coffret qui vaut le détour.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

Les commentaires sont clos.