Antiennes mariales dans la tradition baroque italienne : deux nouvelles parutions

par

Antifone Mariane. Francesco Antonio Vallotti (1697-1780) : Alma redemptoris Mater en si bémol majeur ; Alma redemptoris Mater en sol majeur ; Ave Regina Caelorum en ré majeur ; Ave Regina Caelorum en fa majeur ; Salve Regina en si bémol majeur ; Regina Coeli en sol majeur. Giorgia Cinciripi, soprano. Ensemble Festa Rustica. Italico Splendore. Giorgio Matteoli. Livret en anglais ; pas de texte des paroles. Octobre 2019. TT 59’39. Da Vinci Classics C00498

All’amore immenso. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Salve Regina en ut mineur. Mentr’io godo ; Staro nel moi boschetto [Il Giardino di Rose]. Giovanni Bononcini (1670-1747) : Fugge il tempo ; Al sibilar tremendo ; In tepidi fiumi [La Conversione di Maddalena]. Voglio piangere [La Maddalena a’ piedi di Cristo]. Domenico Scarlatti (1685-1757) : Salve Regina en la mineur. Antonio Caldara (1670-1736) : In lagrime stemprato [La Maddalena ai piedi di Cristo]. Leonardo Leo (1694-1744) : Salve Regina en ut mineur. Nicola Porpora (1686-1768) : Sinfonia en ré mineur [Il trionfo della Divina Giustizia]. Josè Maria Lo Monaco, mezzo-soprano. Divino Sospiro. Massimo Mazzeo. Livret en anglais, français, allemand ; paroles en italien et latin, traduction en anglais. Novembre 2020. TT 69’55. Glossa GCD 923532

Combien le répertoire baroque recèle-t-il encore de pépites ? Dans ce champ inexploré, voici un album qui plaide la cause. La notice signée de la soprano lève le voile par une présentation précise et synthétique. La notoriété de Francesco Antonio Vallotti subsiste pour ses travaux théoriques, notamment sur le tempérament inégal. En tant que compositeur, ce maître de chapelle à Padoue s’illustra principalement dans le genre sacré. Parmi ses antiennes mariales (Alma redemptoris, Mater Ave Regina Caelorum, Salve Regina, Regina Coeli), cet album en propose six dont deux en différentes tonalités. Les œuvres suivent une structure tripartite lent-vif-lent (sauf le Regina Coeli conclu par un alléluia).

Annoncées en « premier enregistrement mondial », ce qui n’étonne guère, car la discographie de Vallotti reste quasi-déserte. Comme on déplore cette disette ! La découverte s’avère particulièrement enthousiasmante, surtout quand elle est servie par une prestation aussi charismatique. Le petit orchestre dirigé par Giorgio Matteoli réagit au quart de tour, et fournit un accompagnement tout de plénitude et de brio. Au premier abord, l’émission de Giorgia Cinciripi semblera un peu pincée mais on se laisse vite conquérir par ce timbre argenté, acescent et véloce. L’interprétation convainc à chaque instant. Une perle : le tempo allegro du Ave Regina Caelorum. Un CD stimulant et bienvenu, serti dans une captation chatoyante et dynamique.

Sous-titré « amour céleste et terrestre des deux Marie », l’album renvoie aux figures bibliques de Marie Madeleine et Marie de Béthanie, assimilées par le catholicisme jusqu’au Concile Vatican II, parfois aussi confondues avec la pécheresse qui oignit les pieds de Jésus. Un personnage composite associé à la rédemption, à la Passion et à la Résurrection, témoin de la sortie du Tombeau. Puisé au Baroque italien, le parcours invite quelques airs d’oratorio sur cette thématique, extraits de La Conversione di Maddalena et La Maddalena a’ piedi di Cristo de Giovanni Bononcini, La Maddalena ai piedi di Cristo d’Antonio Caldara, Il Giardino di Rose d’Alessandro Scarlatti dont provient le pastoral Staro nel moi boschetto agrémenté de roucoulades simulant les volucres.

La Sinfonia de Nicola Porpora introduit à un oratorio (Il Trionfo della Divina Giustizia) où Madeleine, outre son rôle de lamentation, se fait aussi consolatrice de la Vierge pleurant son fils. Ce rapprochement de figures féminines autour du Christ converge avec l’antienne mariale Salve Regina dont trois avatars sont conviés en ce disque : Alessandro (son troisième, celui en do mineur, daté d’avant 1716) et Domenico Scarlatti (1757), mais aussi Leonardo Leo, illustrant la progression stylistique du figuralisme maniériste (chromatismes et madrigalismes) vers la manière bel cantiste. La notice de Carlo Vitali explicite admirablement la polarité des œuvres au programme : douleur et espérance, la terre et le ciel, tant par les techniques vocales que par la symbolique du messie entre Calvaire et l’ascension vers le Père.

On succombe à la voix limpide et mordorée de Josè Maria Lo Monaco, qui excelle dans les longues plages dolentes, et exhale une émotion aussi sincère que touchante. Quitte à verser dans un dolorisme certes chaste mais un peu uniforme, là où texte et affect nécessiteraient un surcroît de relief : l’Ad te sospiramus plage 16 semble un peu éteint, et les Eia ergo des Salve Regina se coulent mieux dans le sentiment d’imploration qu’ils n’apportent le contraste attendu de cet appel au regard miséricordieux. Idem pour le Ad te clamamus de Leonardo Leo où l’équipe instrumentale Divino Sospiro, ailleurs parfaite dans le lissage des textures, peine à souligner l’éloquente vigueur de cette page. Au demeurant, le projet et sa réalisation musicale s’avèrent suffisamment peaufinés pour emporter l’adhésion autour de ce décor de sépulcre.

Da Vinci : Son : 9 – Livret : 7,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Glossa : Son : 8,5 – Livret : 9 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 

 



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