Beethoven transcrit par Liszt

par

Ludwig van Beethoven (1770-1827) – Franz Liszt (1811-1886)
Symphonie n°3 en mi bémol majeur, « Eroica » – Symphonie n°8 en fa majeur
Yury Martynov, piano (Blüthner, 1867, collection Edwin Beunk)
2013 – DDD – CD1 : 53’15 – CD2 : 28’32 – Textes de présentation en français et anglais – Zig-Zag territoires ZZT336

Le pianiste russe Yury Martynov poursuit son intégrale des Symphonies de Beethoven, cette fois autour des n° 3 et 8. Eloignées l’une de l’autre tant dans le style que dans l’architecture, Liszt tente à nouveau - comme pour les transcriptions de Adelaïde, des six Gellert-Lieder, le Grand septuor - une approche fidèle du texte. Plusieurs années furent nécessaires à la transcription de la Symphonie héroïque : la « Marche funèbre » est transcrite en 1841 à l’occasion d’une tournée en Allemagne tandis que l’ensemble se termine en 1865, année de publication des neuf symphonies chez Breitkopf et Härtel. Dédié à Hans von Bülow, gendre et élève de Liszt, le recueil des Symphonies de Beethoven est un véritable bijou pianistique. Liszt ne tente à aucun moment de maquiller les richesses du matériau beethovénien, mais bien de le sublimer, l’instrument « roi » convenant parfaitement à l’exercice. Rester fidèle au texte tout en maintenant l’imaginaire de l’orchestre symphonique est la première difficulté. Liszt n’hésite d’ailleurs pas à joindre à son manuscrit le nom des instruments au dessus d’un motif, toujours dans la recherche d’un timbre, d’une sonorité. La transcription plus apaisée de la Symphonie n°3 se rapproche davantage de la pensée de Berlioz, « pour fêter le souvenir d’un grand homme. On voit qu’il ne s’agit point ici de batailles ou de marche triomphales, ainsi que beaucoup de gens, trompés par la mutilation du titre, doivent s’y attendre ». En revanche, la Symphonie n°8, démarrée en 1863, pose plus de soucis concernant le médium pianistique : de longues phrases tutti aux nuances fortes saturant vite l’audition. Sans alourdir mais plutôt alléger, Liszt propose une version alternative en confiant notamment à l’accompagnement des trémolos au lieu du matériau initial. Très peu d’autres inventions si ce n’est quelques traits plus virtuoses, plus pianistiques. De fait, la version de Yury Martynov (Conservatoire Tchaïkovski, Conservatoire National Supérieur de Moscou, organiste, pianiste et lauréat de nombreux concours) est convaincante sur certains aspects : maîtrise pianistique exceptionnelle, recherche de différents timbres, clarté de jeu, limpide. Pourtant cette belle palette de couleurs ajoute, principalement à la Symphonie n°8, quelques effets romantiques superflus (rubato, manque de stabilité…). Cette approche différente offre néanmoins un très beau travail pour la Symphonie héroïque, plus aboutie dans la construction et dans le timbre. Le piano Blüthner (vers 1867) choisi ici convient à merveille, rendant l’enregistrement fidèle à l’époque. Piano solide, expressif et apte à la construction de timbres et couleurs pour un exercice fort apprécié et redoutable au 19ème siècle.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 9 – Interprétation 9

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