Brillante ouverture du Festival Chopin à Genève

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Chaque automne à Genève, a lieu un Festival Chopin qui, en l’espace d’une semaine, organise concerts, récitals et une masterclass. Pour la 23e édition, la Société Frédéric Chopin de Genève et son infatigable présidente, Aldona Budrewicz-Jacobson, sollicitent des artistes provenant des horizons les plus divers. Et le concert d’ouverture du 4 octobre au Studio Ernest-Ansermet fait intervenir le pianiste lyonnais François Dumont qui, outre la partie récital, dialogue avec la soprano irlandaise Helen Kearns et avec le Quintette Ephémère. 

Prix des Concours ‘Reine Elisabeth’ en 2007 et ‘Chopin’ de Varsovie en 2010, il propose d’abord deux pages de la maturité datant de 1841. Le Nocturne en fa dièse mineur op.48 n.2 révèle un cantabile d’une extrême liberté, s’étirant sur la profondeur d’une basse en arpèges, qui débouche sur un ‘Più lento’ osant les ruptures comme un declamato tragique ponctué par de véhéments tutti. La Polonaise en fa dièse mineur op.44, redoutable d’exécution, est emportée par un souffle héroïque où le trille éruptif dynamise les octaves, alors que le ‘Tempo di Mazurka’ tire le rideau en instillant un coloris nostalgique que zébreront deux traits ascendants ramenant la narration tragique.

Intervient ensuite Helen Kearns, faisant valoir son timbre fruité de soprano lyrique dans trois des Mélodies op.74. Accompagnée par François Dumont, elle est expression d’un drame sinistre dans Un fleuve triste, avant d’afficher une tendresse égayée qui devient pathétique dans Ma douce chérie, pour conclure par une Chanson lituanienne, dont les changements de tempi épousent le dialogue entre une mère réprobatrice et sa fille faussement naïve.

En seconde partie, le pianiste présente la Barcarolle en fa dièse majeur op.60 dont il fait ressortir le balancement rythmique avant d’utiliser le trille comme propagateur de la veine mélodique, se développant en une polyphonie quelque peu oratoire. Par contre, les Mazurkas op.63 n.2 et 3 sont imprégnées d’une ineffable poésie qui fait chanter les voix intérieures.

Et le programme s’achève par une page fascinante, la Grande Fantaisie sur des airs polonais op.13 dont la partie orchestrale a été réduite à celle d’un quintette à cordes par la violoniste Olivia Jacobson qui s’est inspirée de ce que Chopin lui-même aurait fait en mars 1830 pour une première exécution en famille à Varsovie. Et c’est donc le Quintette Ephémère (fondé par la violoniste) qui se charge du canevas instrumental en lui prêtant un intimisme chambriste de bon aloi, alors que le soliste égrène les passaggi épineux de la chanson polonaise La lune est déjà descendue, puis élabore de tout aussi volubiles variations sur une Krakowiak attribuée à Karol Kurpinski et termine par une Kujawiak aussi énergique que virtuose. Face à l’enthousiasme du public, proposé sous la même forme à titre de bis, l’Andante spianato et Grande Polonaise en mi bémol majeur op.22, qui conclut en beauté cette brillante ouverture de festival.           

Paul-André Demierre

Genève, Studio Ernest-Ansermet, le 4 octobre 2020

Crédit photographique : © Joseph BERARDI

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