Bruckner en version originale 

par

Anton Bruckner (1824-1896). Bruckner Orchester Linz, Markus Poschner. 2022. Livret en anglais et allemand. 82’06’’. Capriccio 8087. 

Pour ce volume n°7 de l’intégrale de toutes les éditions des symphonies de Bruckner par le chef d’orchestre Markus Poschner, l’aventure éditoriale menée par le label Capriccio fait escale à l'Orchestre Bruckner Linz pour la version originale de 1887 de l’imposante Symphonie n°8  en Ut mineur WAB 108. 

L’histoire de cette version originale mérite d'être rappelée : le compositeur travailla à cette première version entre 1884 et 1887. Enthousiaste, il avait envoyé une copie de la partition au chef d’orchestre Hermann Levi ; ce dernier était assez proche de Bruckner et il avait fait triompher la Symphonie n°7 à Munich. Cependant, Hermann Levi ne comprit pas l'œuvre, d’une structure bien plus complexe que la mélodique et lyrique Symphonie  n°7. La réponse du chef fut sévère : “Il m'est impossible d'interpréter la Huitième dans sa forme actuelle. Je n'arrive pas à me l'approprier ! Autant les thèmes sont magnifiques et directs, autant leur mise en œuvre me semble douteuse ; en effet, je considère l'orchestration comme impossible... Ne perdez pas courage, regardez à nouveau votre travail, parlez-en avec vos amis, avec Schalk, peut-être qu'un remaniement peut aboutir à quelque chose.” Ce refus désappointa  Bruckner qui mit de côté le travail sur la Symphonie n°9 pour remanier l'œuvre en profondeur et la nouvelle version fut terminée en 1890. Nous renvoyons le lecteur à l’excellent article de Harry Halbreich pour appréhender toutes les modifications entre ces deux versions. 

Au niveau interprétatif, le défi est de conjuguer l'horizontalité des développements thématiques avec une verticalité d’une orchestration plus brute et granitique. Markus Poschner combine les deux aspects sans tomber dans le travers d’un didactisme musical forcené qui assèche le propos. Au pupitre d’un orchestre à la plastique sonore séduisante, il soigne la cohérence de cette première mouture. 

La discographie, relativement faible numériquement, est solide sans être exceptionnelle : Kent Nagano à Munich (Farao), Eliahu Inbal à Francfort (Teldec), Simone Young à Hambourg (Oehms) ou Georg Tintner (Naxos). L’un des grands atouts de cette nouvelle gravure est de trouver le ton juste au niveau du tempo : pas trop rapide comme Inbal et Tintner qui en deviennent trop lisses ou pas trop lent, comme Nagano. Dès lors, cette nouvelle gravure peut être considérée comme une référence pour cette version de 1887. 

Anton Bruckner (1824-1896). Bruckner Orchester Linz, Markus Poschner. 2022. Livret en anglais et allemand. 82’06’’. Capriccio 8087. 

Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

   

 

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