Rencontres

Les rencontres, les interviews des acteurs de la vie musicale.

George Li, le piano en mouvements 

par

Le pianiste George Li est assurément l’un des jeunes artistes les plus intéressants du moment. Révélé au monde entier avec son Deuxième prix au Concours Tchaïkovski de Moscou en 2015, il mène depuis un parcours exemplaire que ce soit au niveau musical et artistique.  George Li fait paraître un album intitulé “Mouvements” dont la pertinence et la justesse de ton nous ont donné envie d’en savoir plus ! Le musicien répond aux questions de Crescendo Magazine.     

Notre nouvel album s'intitule « Mouvements », pourquoi ce titre ? 

Je pense qu'il y a plusieurs raisons à ce titre ! D'abord, tout le programme est construit autour du thème de la danse, et l'idée de « mouvement » est un concept clé de l'album. Dès le début, l'Arabesque donne une sensation de mouvement grâce à ses textures aquatiques, tandis que le cycle des Davidsbündlertänze est comme une riche tapisserie de différentes formes de danse, chacune représentant une humeur et un sentiment différents. L'idée de mouvement est amplifiée dans les œuvres de Ravel et de Stravinsky par le biais de valses de salon et de ballets. L'autre aspect est que je joue trois grandes danses, chacune contenant plusieurs mouvements, en particulier dans Schumann. Je pense que cette double signification est très intéressante !

Il y a tant d'œuvres liées au thème des mouvements ? Comment avez-vous sélectionné ces quatre partitions de trois compositeurs différents ?

J'ai d'abord commencé par l'idée des danses, mais j'en suis venu à ces trois compositeurs en raison des liens que j'ai trouvés dans ces œuvres. Je pense que les Davidsbündlertänze sont une œuvre incroyable de Schumann qui est très sous-estimée de nos jours. Mais je pense que les formes et les éléments cycliques de cette pièce sont très étroitement repris par Ravel dans ses Valses nobles et sentimentales. Dans les deux suites, il existe des liens motiviques et harmoniques entre les danses, et l'idée du retour des thèmes à la fin de la pièce est très puissante - elle donne à l'auditeur le sentiment d'une catharsis et d'émotions très émouvantes. Même dans la Petrushka, l'œuvre est remplie d'idées motiviques et de thèmes qui reviennent, ce qui donne à l'ensemble de l'œuvre sa structure et sa cohésion.

Vous avez écrit le texte du livret de l'album. Est-il important pour vous de pouvoir vous adresser directement au public ? 

Tout à fait ! C'était la première fois que je faisais quelque chose comme ça, et cela m'a permis de grandir et d'intérioriser les idées que j'avais sur le programme. Je pense qu'il est toujours utile et intéressant pour l'auditeur de visualiser les idées de l'artiste en coulisses, surtout en raison de la nature abstraite de la musique. Même si la musique ne peut pas être expliquée correctement par des mots, il est utile d'avoir une fenêtre sur les idées du morceau, une sorte de cadre pour mieux comprendre et ressentir/apprécier profondément la musique qui est jouée. Surtout dans un monde où les choses sont si accessibles et si vite digérées, je pense que trouver le temps de faire une pause et de réfléchir au programme a été très utile et important pour moi - j'espère que les auditeurs ressentiront la même chose !

Dans le livret, vous écrivez que la partition de Ravel (Valses nobles et sentimentales) est le lien entre les œuvres de Schumann et de Stravinsky. Pouvez-vous développer cette idée ? 

Je pense que Ravel contribue réellement à jeter un pont entre la nature introvertie de Schumann et les descriptions extraverties et vivantes du ballet et de la danse russes dans l'œuvre de Stravinsky. Tout d'abord, la musique de Schumann traite en général des émotions et des sentiments internes du compositeur - peu importe que la musique soit bruyante ou descriptive, il y a un sentiment constant d'introspection. Par exemple, les deux personnages dominants (Florestan et Eusebius) des Davidsbündlertänze sont des personnifications des deux personnalités polarisantes de Schumann. On a l'impression que la musique de Schumann est incroyablement personnelle et intime, comme si elle était écrite pour un seul public. À l'inverse, Stravinsky se situe à l'autre extrémité du spectre - chaque scène ou mouvement est d'une clarté et d'une vivacité remarquables, avec tant de références à des effets orchestraux et à des scènes de théâtre. De cette manière, je pense que Ravel contient des éléments des deux compositeurs - bien qu'il ait également de nombreuses références orchestrales et qu'il ait été écrit en pensant au ballet, il y a un élément très intime et un sentiment très similaire à celui des Davidsbündlertänze.

Benjamin Levy, musicien passionné

par

Le chef d’orchestre Benjamin Levy fait paraître (5 juillet) un album “Paris est une fête” au pupitre de l’Orchestre de chambre Pelléas et en compagnie de l’excellente violoniste Alexandra Soumm (Fuga Libera), un album qui célèbre les 20 ans de cet orchestre de chambre qui s’est affirmé dans le paysage musical. Dans le même temps, le maestro est directeur musical de l’Orchestre national de Cannes, phalange qu'il a revigorée et déployée avec brio. Rencontre avec un musicien fédérateur et passionné qui va toujours de l’avant. 

Le disque s’intitule “Paris est une fête”. Pourquoi avoir envisagé et enregistré un disque autour de cette thématique parisienne ? 

Depuis pas mal de temps, la musique française, surtout la musique française du début du XXe siècle, occupe beaucoup de place dans mon parcours musical. J’ai un grand intérêt pour des pièces moins connues du répertoire et les partitions légères qui tentent de définir en pointillés, une certaine idée de la France et de style musical français. De plus, la violoniste Alexandra Soumm est une partenaire de longue date de l’Orchestre de chambre Pelléas et l’idée de caractériser notre belle collaboration avec un enregistrement était devenue un souhait commun. Lors de nos concerts en France et à l’International comme au festival Enescu de Bucarest en 2020, il y avait au programme de la musique française. Dès lors, enregistrer Tzigane de Ravel et le Boeuf sur le toit de Milhaud dans sa version violon / orchestre s’est peu à peu affirmée comme une évidence. En ajoutant la Symphonie en ut de Bizet et la Bourrée fantasque de Chabrier, l’ensemble composait un beau panorama de musique française, illustrant des moments festifs et joyeux de l’histoire de France, des débuts de la IIIe république à l’Entre-deux-guerres, période iconique de la fête à la française. L’ensemble se trouvant réuni sous ce titre “Paris est une fête” qui rend hommage au livre d’Hemingway. 

Et donc, pourquoi avoir choisi spécifiquement ces quatre œuvres-là et pas d'autres ? Parce qu’il y a des dizaines, voire même des centaines de partitions qui illustrent cette idée ? 

Tout d’abord, il me faut préciser que l’on n'a pas choisi des œuvres pour illustrer cette thématique. C'est l'inverse qui s’est produit. C'est-à-dire que le titre est venu pour essayer de définir les œuvres que l’on avait choisies. Je trouve que la symphonie en ut de Bizet est une pièce magistrale d’un jeune compositeur qui rend hommage à la musique d’avant, tout en se projetant dans l’avenir. Quant à la Bourrée Fantasque de Chabrier, j'étais tombé sur un article disant qu’il y avait à la Bibliothèque nationale de France des esquisses inachevées d'une orchestration de la main de Chabrier, puisque l’orchestration usuellement jouée et enregistrée est celle du compositeur et chef d’orchestre autrichien Felix Mottl qui est fort éloignée de la légèreté et de l'esprit  de Chabrier ! Du coup, avec le compositeur Thibault Perrine, avec qui nous collaborons régulièrement, nous avons pu consulter la source originale, et il a pu terminer cette orchestration, en se mettant dans les pas de Chabrier. En ce qui concerne Milhaud, avec Alexandra Soumm nous cherchions à inscrire notre lecture dans une dynamique qui rende vie à cet esprit de fête, d’un Paris alors capitale de la bamboche internationale, loin d’une stricte recherche sur la polytonalité comme on l’entend souvent. Enfin, pour Tzigane de Ravel, il y avait l’opportunité de graver en première mondiale l’édition révisée RAVEL EDITION. 

Romain Leleu, nuit fantastique et explorations musicales

par

L’excellent trompettiste Romain Leleu fait coup double. Il lance son nouvel album Nuit fantastique avec son ensemble Le Romain Leleu Sextet  mais il lance aussi son propre label. Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec ce musicien exigeant et érudit, infatigable explorateur des répertoires. 

Vous venez de fonder votre label. Dans la vie d’un artiste, c’est un événement majeur ! Qu’est-ce qui vous a motivé à franchir le pas ? 

C’est une combinaison d'éléments : être plus proche de nos choix artistiques, être plus proche des gens qui nous suivent et surtout avoir plus d'indépendance. Nous sous sommes dit que la sortie de cet enregistrement pourrait être une fabuleuse opportunité de passer cette étape. Tout s’est ensuite enchaîné et il était plaisant de suivre toutes les étapes de ce projet, de sa conception, à sa fabrication en passant par les aspects de communication. 

Votre nouvel album porte le titre de “Nuit fantastique”, comment ce programme est-il né ? 

A la base, il y a un projet développé dans le cadre de la Folle Jounée de Nantes où nous jouons chaque année. Le thème de l’édition 2023 était l’ode à la nuit et comme le programme avait bien fonctionné et séduit le public, nous avons eu envie de continuer l’aventure jusqu’à cet album. Les 15 œuvres proposées sont donc des illustrations de cette thématique nocturne avec ses différentes facettes :  rêveuse, amoureuse, festive ou même cauchemardesque.

Parlez-nous un peu des œuvres présentées ? 

Le choix des œuvres découle d’une sélection avec ses inévitables comme l’évocation de la nuit de la Danse macabre de Saint-Saëns ou les nuits littéraires des deux pièces de Schubert. Il y a aussi le Boeuf sur le toit de Darius Milhaud, une œuvre que j’avais jouée avec plaisir dans sa version orchestrale quand j’étais un jeune instrumentiste et que j’affectionne beaucoup. C’est parfois un hommage comme Night in Tunisia de Dizzy Gillespie, immense trompettiste s’il en est. Tout est un équilibre entre le style et le ton des œuvres. Bien sûr,  la thématique nocturne est presque sans fin ! On aurait pu élargir encore plus, ajouter encore plus de pièces, mais il n'y avait pas de volonté d'exhaustivité, mais il fallait que ça tienne sur un programme de disque.   

Et plus spécifiquement, comment se passe le choix des œuvres ? C’est une recherche personnelle ou c’est une discussion avec les membres de ton ensemble ?

Je cherche toujours beaucoup des répertoires, j'écoute aussi beaucoup, soit en concert, soit en disque, soit avec des partitions, etc… Je passe beaucoup de temps en quête d'œuvres pour nos projets. Ensuite bien sûr, il y a une discussion avec les musiciens de l'ensemble. Ainsi pour le Boeuf sur le toit, tout s’est concrétisé lors d’une discussion chez moi, à la base je n’y croyais pas trop mais Manuel Doutrelant, notre arrangeur et violoniste m’a dit qu’il lui semblait possible d’arranger le Boeuf sur le Toit en  une suite de concert.  Manuel Doutrelant est évidemment un interlocuteur essentiel de tous les projets car il y a des choix à faire, ne serait-ce qu'en fonction des tonalités qui ne sont pas mêmes à la trompette qu’aux cordes. Il y a parfois des options que nous envisageons, que nous développons et qui ne fonctionnent tout simplement pas, dans ce cas nous n’avons pas de scrupule à les abandonner car nous ne souhaitons pas faire de compromis et de concession sur nos exigences.  


Le disque est sorti à la fin du mois de mai.  Vous êtes actuellement en tournée de promotion. Comment se passe cette phrase  ?

Pour l'instant, tout se passe plutôt bien. Nous avons pas mal de concerts en France et à en dehors avec l'Allemagne ou la Lettonie.  C’est un programme qui va tourner pendant 2 ou 3 ans, c’est un schéma que j’aime bien. Nous fonctionnons, depuis 15 ans, selon ce rythme de projets, cela nous permet de travailler en profondeur. Bien sûr les concerts avec l’ensemble s’intercalent avec mes autres activités de concert en soliste avec orchestre ou en récital.    

ONA le label de l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes va prochainement faire reparaître un enregistrement de concertos français contemporains (Jolivet - Delerue - Beffa - Matalon - Robin), un album enregistré sous la direction de Roberto Forés Veses. Quel regard portez-vous avec le recul sur cet enregistrement ? 

Je suis très heureux que ce disque soit bientôt à nouveau disponible. Tout enregistrement nécessite beaucoup de travail et revoir un album disponible c’est toujours très plaisant, d’autant plus que dans ce cas, il s’agit d'œuvres contemporaines. Ainsi par rapport à la pièce Trame XII de Martin Matalon, nous avons eu la chance d’en donner la première mondiale, de l’interpréter à plusieurs reprises et de la graver. C’est une partition que je n’ai pas rejoué depuis, mais qu’il me plairait de retrouver lors d’un futur programme de concert, mais cela dépend des programmateurs.   

Björn Schmelzer et Graindelavoix, créateurs de mondes musicaux 

par

Au pupitre de son ensemble, Graindelavoix, notre compatriote  Björn Schmelzer s’est imposé comme l’un des musiciens incontournable de la scène nationale et l’un des artistes les plus considérables de la musique ancienne. Déjà fort d’une imposante discographie, il sait faire de chacune de ses parutions des évènements éditoriaux. Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec Björn Schmelzer pour évoquer son dernier album  “The Earthquake Mass (Gossa). 

Le titre de l’album est “The Earthquake Mass”, pourquoi ce titre ? 

Parce que la composante principale de cette album réside dans la Missa Et ecce terrae motus du polyphoniste français Antoine Brumel. Il s'agit d'une messe monumentale pour douze voix (en cinq parties), peut-être écrite à Ferrare vers 1510, basée sur la mélodie d'une antienne pour Pâques:  Et ecce terrae motus : « et voici, la terre trembla », en référence à la dimension psycho-acoustique dans l'évangile de la résurrection du Christ. Ceci n'est pas décrit comme quelque chose de visible, mais comme un phénomène auditif et même écologique : l'ange faisant rouler l'énorme pierre tombale devant la tombe, accompagné d'un tremblement de terre. Les femmes qui se sont rendues au tombeau le trouvent ouvert et vide.

Votre nouvel album est centré autour de la “Missa Et ecce terræ motus” d’Antoine Brumel dont vous dites qu’elle est “monstrueuse et unique”. Est-ce que vous pouvez expliquer votre propos ? 

C'est une messe à 12 voix, exceptionnelle pour l'époque et c'est aussi une composition insolite et spectaculaire, qui utilise largement les effets spatiaux et les textures, qui souvent n'évitent pas les effets abrasifs et grinçants dus aux nombreuses positions croisées et aux dissonances passagères. La messe est pleine d'ostinati et de séquences, de motifs répétitifs variés par la texture polyphonique, ce qui peut être encore accentué si l'ensemble est composé de chanteurs différents en couleur et en timbre ou en utilisant des instruments différents. La partition se prête donc à de telles orchestrations. Ce qui m'a également fasciné, c'est le cas unique où cette messe apparaît plus de cinquante ans après ses origines, au début du XVIe siècle, dans la chapelle de la Cour bavaroise sous la direction d'Orlando di Lasso, qui a consacré une transcription de l'œuvre en 1468. C’est même la raison pour laquelle nous connaissons la messe aujourd’hui. L’original est donc inconnu, tout comme les circonstances de sa composition, mais il s’agit d’une transcription et d’une interprétation bien plus tardives, au XVIe siècle, qui déplace également le contexte de la messe de Brumel. Je trouve cette aliénation originelle fascinante.

Entre les parties de la messe d’Antoine Brumel, il y a des interludes du compositeur contemporain Manuel Mota ? Pourquoi avez-vous décidé ce contrepoint contemporain en écho à la musique de la Renaissance ? 

Dès le début de ce projet, j'ai voulu trouver un pendant approprié à la messe, qui serait bien sûr aussi capable de changer l'horizon traditionnel de la musique ancienne, ou mieux encore, pour que l'horizon historique virtuel qui émerge avec l'historicité complexe de la messe de Brumel soit clair.  J'ai envisagé d'autres configurations possibles, mais elles ont finalement souligné la dichotomie entre ce qu'on appelle le contemporain et ce qu'on appelle l'historique : musique ancienne contre musique actuelle. Alors qu'à mon avis, la musique dite ancienne est notre musique actuelle, et la musique contemporaine est toujours plus difficile à définir, car nous n'avons aucune distance par rapport à elle. J'étais plus intéressé par la dialectique que produirait la rencontre des répertoires que par une fusion ou une scission. J'ai travaillé avec Manuel dans le passé : ce que je trouve si pertinent dans sa musique et son attitude artistique, c'est son immense absorption virtuelle de la musique du XXe siècle, de l'avant-garde à l'underground en passant par le répertoire de guitare virtuose et les styles improvisés, mais cela à en même temps, il est capable de laisser cela de côté et d'être réceptif au nouveau cadre dans lequel il va opérer. Quand on écoute ce qu’il développe et joue sur l’enregistrement, cela devient clair. D'une part, il y a l'espace extrême qu'il crée pour la composition de Brumel elle-même, d'autre part, nos oreilles sont littéralement lavées avant et après chaque partie de la messe, de sorte que nous pouvons la respirer encore et encore, à chaque fois d'un point de vue différent. Ce dont il s'agit devient clair à la fin, où sa guitare commence littéralement  à envahir la polyphonie qui se noie lentement : d'un point de vue dramaturgique, il me semble qu'on ne comprend finalement pleinement qu'à la fin et qu'on aurait alors envie de refaire le voyage. Le premier morceau du CD est un prélude d'environ 14 minutes à évolution très lente, mais s'y plonger ou s'y noyer en vaut vraiment la peine car il constitue une parfaite introduction à l'auditeur pour recevoir le Kyrie, la première partie de la messe. 

Je dois ajouter que des choix plus inhabituels ont été faits concernant l'orchestration. J'aurais pu choisir seulement 12 chanteurs, mais j'ai plutôt choisi 8 chanteurs, 2 cors dits naturels du 19e siècle (joués par les virtuoses Pierre-Antoine Tremblay et Christopher Price), qui jouent chromatiquement en mettant le poing dans le cor, technique qui rend le phrasé très vocal ; un serpent (joué par Berlinde Deman dont le biotope est le jazz et la musique du monde) et un cornetto (joué par Lluís Coll i Trulls, notre partenaire régulier). Ces instruments contribuent à l'idée de “Nachleben” que j'ai voulu évoquer : le fait qu'une œuvre d'art n'appartient jamais seulement au temps de sa création, mais voyage à travers différentes époques par lesquelles elle se contamine.

Rencontre avec la soprano Gwendoline Blondeel

par

Plus rien n’arrête la soprane belge Gwendoline Blondeel. Révélée au Concours de Froville en 2019, elle enchaîne depuis les représentations dans les plus grandes salles européennes. Crescendo Magazine rencontre cette chanteuse pétillante et polyvalente au succès critique renversant. 

Depuis votre Premier Prix au Concours de Froville en 2019 plus rien ne semble vous être impossible. Quel bilan tirez-vous de ce prix et des 5 dernières années pour votre évolution artistique ? 

Je suis très heureuse de mon parcours depuis le Concours de Froville. J'ai eu la chance de rencontrer des personnes formidables, de chanter avec des collègues que j'admire et de m'entourer des bonnes personnes pour construire ma carrière. 

Lorsque j'ai gagné ce concours, je me rappelle d'un commentaire d'un des membres du jury, Claude Cortese, qui m'a dit "le plus important maintenant, c'est de dire non". Et il n'a pas eu tort. En tant que jeune chanteur, il est essentiel d'être bien entouré et de ne pas sauter sur tout le travail que l’on nous propose. D'un côté, il est important de refuser des rôles qui pourraient nous abîmer (trop lourd pour la voix, trop stressant, trop tôt, pas stratégique...), et d'un autre côté, il est important de garder du temps libre pour travailler les rôles futurs et sa voix. 

Au début, j'ai un peu foncé tête baissée, acceptant tout ce qu'on me proposait. Quand on est passionnée et que le rôle nous convient, c'est très dur de dire non. Aujourd'hui, j'apprends à dire non, je me suis entouré d'agents qui n'hésitent pas à me le rappeler, et ça me fait beaucoup de bien. 

J'ai appris tellement de choses en cinq ans. Le répertoire que j'ai le plus travaillé est le baroque français, je m'y sens aujourd'hui pleinement à l'aise et j'adore ça. Je fais de plus en plus de répertoire baroque italien et de répertoire mozartien, j'ai hâte d'y évoluer. 

Vous êtes très prisée pour interpréter le répertoire des XVIIe et XVIIIe siècles, avez-vous un lien particulier avec cette musique ? Est-ce que vous allez aborder des rôles d'œuvres des XIXe et XXe siècles ? 

J'ai toujours été attirée par les répertoires des XVIIe et XVIIe siècles car j'aime la manière dont les sentiments y sont traités. C'est une musique pleine d'ornementations, de dissonances, et qui offre une grande liberté d'interprétation. Au-delà de l'aspect musical, ayant commencé ma carrière très jeune, je pense qu'il était très sain de ne pas aborder un répertoire plus lourd trop tôt, et de laisser le temps à la voix de grandir naturellement. 

Je commence à diversifier mon répertoire et à me diriger vers un répertoire plus tardif. L'année prochaine, je chanterai notamment Frasquita (Carmen, Bizet) ainsi que La fille du régiment (rôle-titre, Donizetti). Je suis ravie de cette évolution ! Cela me fera une saison très équilibrée entre le répertoire baroque, mozartien et l'opéra-comique. 

Rencontre avec l'organiste Yarno Missiaen à l'occasion de son premier disque

par


À l’occasion de la parution de son tout premier disque, un remarquable album consacré à l’Orgelbüchlein, Yarno Missiaen a bien voulu échanger avec notre magazine. Né à Furnes en 2005, le jeune organiste belge nous explique comment il a abordé ce célèbre cycle de chorals de J.S. Bach, sur le tout récent instrument de la St. Catharinakerk de Wondelgem. Nous remercions Yarno Missiaen d’avoir aussi évoqué son parcours, ses inspirations, et ses projets.

Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs quelle formation musicale vous avez suivie ? Nonobstant la performance très sûre que vous manifestez dans votre CD, poursuivez-vous votre apprentissage ? Quels sont les aspects techniques et esthétiques que vous souhaitez approfondir ?

Pour commencer, tout musicien devrait être conscient du fait qu'on n'a jamais fini d'apprendre. Bien sûr, je suis encore très jeune et au début de ma carrière, mais je suis convaincu que je continuerai à apprendre tout au long de ma vie, parfois avec des périodes plus productives et parfois avec des périodes moins productives. En ce qui concerne le répertoire du CD « Das Orgelbüchlein », je puis dire que c'est l'un de mes anciens professeurs, Bart Jacobs, qui m'a le plus appris. J'ai joué beaucoup de Bach avec lui. Ce que j'ai découvert avec cette collection, ce n'est pas tant la difficulté technique, bien qu'il s'agisse certes d'un aspect majeur. Plus importante pour moi a été la prise de conscience de ce que l'on pourrait appeler la musique elle-même. Je ne vous dirai pas que je suis un expert du contexte de ce type de musique, mais j'ai fait de mon mieux pour extraire tout ce que je pensais être nécessaire pour l’aborder de la manière dont je l'ai fait. Ce que j'ai remarqué au cours de cet enregistrement, c'est que les compétences techniques sont bien mieux stimulées par l'engagement mental dans cette musique.

Quels sont les répertoires que vous étudiez, que vous jouez ? Lesquels préférez-vous ? Y en a-t-il que vous ne souhaitez pas aborder, ou que vous remettez à plus tard ? Comment structurez-vous vos récitals ? Quelle place y occupent les attentes du public, et vos goûts personnels ?

Le répertoire que je joue est très varié. Au début, j'ai surtout joué Bach. Mais à un moment donné de la vie, on découvre soudain qu'il y a tellement plus. Il y a tant de belle musique qui doit être entendue et jouée, y compris celle des compositeurs contemporains ! Je ne peux vraiment pas vous dire quelle est la musique que j'aime le plus. En ce moment, je m’exerce sur les intenses symphonies pour orgue de Widor. Mais je travaille aussi avec beaucoup de plaisir sur Bach, Guilmant, Liszt, Zipoli, Franck, Buxtehude, Alain, etc. Et oui, il y a un compositeur que je mets sur une liste d'attente. Et ce compositeur est Olivier Messiaen. C'est peut-être lié à l'origine de mon nom, mais je n'ai pas encore assez confiance en moi pour l’interpréter. Mais cela viendra !

Rencontre avec Elodie Vignon, Falla et Fauré en songes

par

La pianiste Elodie Vignon fait paraître un album (Cyprès) qui propose Nuit dans les jardins d’Espagne de Manuel de Falla à la Ballade pour piano de Gabriel Fauré. Ce double regard concertant est inusité. Crescendo Magazine s’entretient avec cette musicienne qui construit une discographie des plus intelligentes artistiquement et éditorialement. 

Votre nouvel album, le premier avec orchestre, confronte Manuel de Falla avec les Nuits dans les jardins d’Espagne avec la rare Ballade pour piano et orchestre de Gabriel Fauré et il porte le titre de “Songes”. Pourquoi un tel titre ? 

Pour ce projet en partenariat avec Eric Lederhandler, et les Czech Virtuosi qu’il dirige depuis plus de 20 ans, nous cherchions d’abord une pièce maîtresse qui fasse la part belle au piano sans délaisser l’orchestre. Dans notre répertoire de prédilection, le Falla s’est vite imposé. En miroir avec la si poétique Ballade de Gabriel Fauré, dont nous fêtons cette année le centenaire de la mort, nous établissions un lien par l’idée d’un voyage intérieur, à travers différentes contrées européennes à l’aube de la modernité, avec un clin d'œil à Shakespeare.

Quand on pense à Manuel de Falla, on pense naturellement à Ravel, mais pas foncièrement à Gabriel Fauré. Pourquoi avoir associé ces deux œuvres ? 

Justement peut-être pour dévier de ce qui est attendu comme association:) Dans la mesure où le pianiste espagnol Joachim Achúcarro rapporte cette légende qui dit à propos des Nuits dans les Jardins d’Espagne que le corps en est espagnol, mais que la robe en est française, un rapprochement avec une pièce française est tout naturel.

La Ballade de Fauré est une trop grande rareté au concert et au disque. Quelles sont les qualités musicales de cette partition ? Pensez-vous qu'elle sera un jour un grand classique du répertoire ? 


Je partage votre avis, mais c’est une pièce délicate à maints égards. Fauré l’a d’abord écrite pour piano seul, et c’est sur les conseils de Franz Liszt, rencontré à Weimar en 1882 par l’intermédiaire de leur ami commune Camille Saint Saëns, que Fauré en crée une version orchestrale. La pièce foisonne d’idées rêveuses et de mélodies harmonisées comme seul Fauré sait le faire, dans les méandres de la tendresse et de l’étreinte: une sorte de poème d’amour.

Comment avez-vous découvert cette partition de Fauré au point de décider de l’enregistrer ? 

J’ai toujours eu une fascination pour Gabriel Fauré, qui est plus souvent laissé de côté que ses contemporains. C’est un compositeur des contraires, à la fois souple et raide, transparent et confus, lisse et abrupte, qui n’est pas facile à défendre car l’interprète est toujours dans un entre-deux. Au concert, c’est aussi un défi de le jouer, que l’on pourrait qualifier d’exercice d’équilibriste, difficile à saisir …un indomptable!

JoAnn Falletta, à propos de Lukas Foss

par

La cheffe d’orchestre JoAnn Falletta au pupitre de ses musiciens du Buffalo Philharmonic Orchestra rend hommage au compositeur et chef d’orchestre Lukas Foss (1922-2009), l’un des grands animateurs de la vie musicale aux USA et par ailleurs ancien directeur musical du même Buffalo Philharmonic Orchestra dans les années 1960 à la suite de Josef Krips. JoAnn Falletta nous contextualise cette figure centrale de musique, personnalité  hélas bien trop oubliée. 

Que représente Lukas Foss pour vous ? Une photo dans le livret vous montre à ses côtés. Quelle était sa personnalité ?

Lukas était un génie de la musique. J'ai travaillé avec lui en tant que chef d'orchestre associé alors que j'étudiais encore à Juilliard (beaucoup d'allers-retours en avion) et il est devenu un mentor pour moi.  Lukas dirigeait comme un compositeur - analysant chaque partition avec l'esprit d'un compositeur, trouvant des détails, essayant de nouvelles approches, cherchant toujours le cœur de la musique.  C'était une personne charismatique (bien qu'un peu distraite) que j'admirais énormément. Il avait l'habitude de rire et de me dire que dans toute sa carrière, il n'avait jamais fait la « bonne » musique au « bon » moment. Il n'avait aucun intérêt à suivre la foule, mais laissait son génie le conduire dans un grand nombre de directions intéressantes.

Qu'est-ce qui vous a poussé à enregistrer un album entièrement consacré à des œuvres de Lukas Foss ?

Lukas était un fervent défenseur de la nouvelle musique - à Buffalo et partout où il dirigeait.  Il a activement défendu la nouvelle musique américaine sous toutes ses formes, en s'engageant auprès des compositeurs et en dirigeant leur musique avec un dévouement et une compétence extraordinaires.  Cependant, après sa mort, le monde de la musique a semblé prendre des directions différentes, et il n'a eu que peu de défenseurs de sa musique.  Le Buffalo Philharmonic et moi-même avons voulu rendre sa musique au public, en donnant des concerts au Carnegie Hall et à Buffalo et en créant un album de certaines de ses œuvres les plus vibrantes et les plus étonnantes.

Le catalogue des œuvres de Lukas Foss est vaste. Comment avez-vous sélectionné les 4 partitions que vous avez enregistrées ?

J'ai choisi quatre partitions qui, selon moi, devraient figurer au répertoire de tous les orchestres.  Bien sûr, Lukas a écrit pour tous les genres, mais le BPO et moi-même voulions mettre en valeur ses œuvres orchestrales vibrantes et dramatiques.  Ces quatre pièces comptent parmi ses plus grands chefs-d'œuvre.

Né en Allemagne, ayant séjourné à Paris avant de s'installer définitivement aux Etats-Unis, Lukas Foss me semble être un compositeur assez inclassable, ayant exploré de nombreuses facettes de l'art de la composition. Partagez-vous cette opinion ?

Absolument oui ! Lukas est inclassable, un véritable éclectique, toujours à la recherche, ne choisissant jamais la « tendance » du moment. Sa musique couvre un large éventail de styles qu'il a explorés avec beaucoup de curiosité et d'intérêt. Lukas est vraiment « unique en son genre » dans le panthéon des compositeurs.

Rencontre avec Lang Lang

par

Il est l’une des rares stars mondiales de la musique classique. A 41 ans le pianiste Chinois est en Europe pour des concerts et pour la promotion de son dernier album consacré à Saint-Saëns et à la musique française. Il s’entretient avec Nicola Catto, Rédacteur en chef de la revue Musica et Secrétaire général du Jury des ICMA, en prélude à des concerts à Rome et Milan.  

Notre dernière interview remonte à l'automne 2014, lorsque vous avez donné une masterclass à Turin. À quel point Lang Lang a-t-il changé en tant qu'homme et musicien au cours de ces dix années ? 

Cela fait déjà si longtemps ? Laissez-moi réfléchir à ce que j'ai fait au cours des dix dernières années.  Tout d'abord, je suis maintenant père d'un garçon de trois ans. Je me suis marié et j'ai aussi joué les Variations Goldberg, qui sont presque aussi importantes ! Et je pense que mon approche de la musique est probablement très différente aujourd'hui : j'ai essayé beaucoup de nouvelles choses, en termes de répertoire. Mais, en fin de compte, l'amour de la musique est resté le même : c'est plutôt la curiosité qui est plus grande qu'il y a dix ans. Et le fait d'avoir une famille m'a rendu plus terre-à-terre, je dirais. Je suis un père, je suis un homme plus mûr.

Vous avez dû interrompre votre carrière pendant de nombreux mois à cause d'une tendinite. Avez-vous repensé, après ce problème, votre jeu, votre technique, votre répertoire ? 

Je ne sais pas. En fait, je l'ai déjà oublié, parce que cinq ans ont déjà passé et maintenant je suis complètement revenu à ce que j'étais avant, physiquement parlant. J'ai perdu un peu de temps, j'y ai beaucoup pensé pendant plus d'un an, mais la vie est redevenue normale.

Votre épouse Gina Alice Redlinger est également pianiste et elle joue un rôle important dans ce dernier enregistrement. Comment se passe votre relation artistique ? Vous aidez-vous mutuellement ?

Je n'utiliserais pas le terme d'aide : c'est quelque chose de plus. Deux pianos et deux pianistes ne fonctionnent que s'ils se soutiennent mutuellement : bien sûr, étant mariés, il est plus facile de trouver une meilleure connexion entre nous. Nous nous inspirons mutuellement : vous pouvez l'entendre dans les morceaux de ce dernier album. D'autre part, Gina Alice est également auteur-compositeur, une musicienne très créative. Elle ne se contente pas de jouer, elle écrit aussi des chansons : je pense qu'elle a probablement apporté un peu de cet aspect à ce projet.

Parlez-nous de votre dernier double album avec le Concerto pour piano n°2 et le Carnaval des animaux ainsi qu’une série de pièces à deux et quatre mains : il vient après deux projets très différents, comme celui consacré aux chansons de Disney et, avant cela, les Variations  Goldberg de Bach ?

J'ai toujours voulu faire un album en français, mais cela n'a jamais été possible. Ce n'est pas facile non plus : les gens identifient souvent la musique française exclusivement aux compositeurs impressionnistes, Debussy, Ravel. Je cherchais une musique virtuose, romantique, différente : c'est pourquoi j'ai été très prudent avec ce projet. Parce que si vous écoutez un enregistrement de deux heures avec uniquement de la musique impressionniste, c'est un peu trop "léger". C'est comme si on ne mangeait que des amuse-bouches pendant deux heures ! Il fallait, en somme, un plat de résistance : que j'ai identifié précisément dans le Concerto n°2 de Saint-Saëns, l'une de mes partitions  préférées, que je n'avais jamais jouée avant septembre 2021 pour diverses raisons ! La possibilité de l'enregistrer était en quelque sorte la réalisation d'un rêve : et j'ai immédiatement pensé l'enregistrer avec le Carnaval des animaux. Et aussi des pages de Ravel, Debussy, Fauré.

 Lana Zorjan, prix découverte 2024 des ICMA

par

La violoniste serbe Lana Zorjan, est lauréate du prix Découverte 2024 des International Classical Music Awards. Elle s’entretient avec Anastassia Boutsko, du média allemand Deutsche Welle. 

Vous avez tout juste quinze ans et vous êtes déjà une musicienne chevronnée qui peut déjà se targuer d'une belle carrière : de nombreuses apparitions en solo avec de grands orchestres, des prix importants... Mais comment en êtes-vous venue à être musicienne ?

Cela va sans doute vous paraître trop simple : je viens d'une famille de musiciens. Mes parents sont musiciens, mon père est chanteur d'opéra, ma mère est violoniste, elle est professeur de violon. Mes deux grands-pères sont également musiciens.

Vous n'aviez donc pas d'autre choix en ce qui concerne votre profession - en général. Et le choix de l'instrument -le violon- était également une décision claire ?

Pour être tout à fait honnête, le violon a toujours été un cadeau. J'ai toujours aimé entendre son son. Dès mon plus jeune âge, j'ai commencé à demander à mes parents : "Puis-je jouer du violon ? Puis-je jouer du violon ?" Et à l'âge de quatre ans, trois ans et demi, j'ai eu mon premier instrument, un tout petit violon. Et vous savez, j'en suis tombée amoureuse dès le premier regard !

Vous venez de remporter le prix de la découverte des ICMA. Que représente ce prix pour vous ? Comment une jeune musicienne peut-elle se développer entre succès et attention et le besoin de calme et de tranquillité pour évoluer ?

Pour tout vous dire, ce prix décerné par les ICMA et prendre part au concert de gala représentent déjà la plus grande étape pour moi ! Je vais faire de mon mieux pour que tout le monde soit fier de moi. Pour l'instant, je me concentre sur mon amélioration en tant que violoniste et en tant que personne. Je travaille sur moi et sur l'instrument. Évidemment, la perfection n'existe jamais. Vous savez, il faut toujours rechercher la perfection, mais elle n'existera jamais.

On dit que les jeunes de votre génération ont du mal à consommer du contenu plus long qu'une vidéo TikTok de 59 secondes environ. C'est absurde ?

Chaque personne est différente. Je suis de nature très détaillée, j'aime donc me concentrer sur une chose pendant longtemps. Par exemple, lorsque je lis sur un morceau et que je joue, je peux me concentrer sur la lecture de ce que le compositeur a voulu écrire pendant des heures. Et je veux dire littéralement pendant 3 ou 4 heures !

Pour être tout à fait honnête - oui, j'ai aussi Instagram et les médias sociaux. J'aime ça parce que j'ai beaucoup d'amis qui ne viennent pas de Serbie. Ma meilleure amie vient de Corée, par exemple. Je pense que nous devons tous faire attention à ne pas devenir dépendants. Nous devons également être présents dans le monde réel, et dans les médias sociaux, vous savez, vous pouvez avoir beaucoup de fausses informations. Il est très important que nous ayons aussi ce type d'apprentissage par la nature, c'est-à-dire les livres et, pour moi, les notes de musique.