Sào Soulez-Larivière, altiste
L’altiste Sào Soulez-Larivière est récipiendaire du Prix Jeune artiste 2023 des International Classical Music Awards. Le jeune musicien s’entretient avec notre collègue Frauke Adrians du média Das Orchester pour évoquer son parcours et son actualité.
Comment s’organise votre emploi du temps ?
En ce moment je suis aux deux endroits ! L'année dernière, j'ai terminé mon Bachelor à Berlin à la Hochschule für Musik Hanns Eisler Berliner avec Tabea Zimmermann, et maintenant je fais en quelque sorte la navette entre Berlin et la Kronberg Academy, où je suis les cours en vue de l’obtention de mon Master. Là aussi, je continue mes cours avec Tabea Zimmermann.
Est-elle votre modèle -peut-être même dans le sens où vous aimeriez enseigner comme elle un jour ?
Oh oui ! C'est un très grand privilège d'étudier avec une artiste comme Tabea Zimmermann. Je suis toujours fasciné et ravi de voir à quel point elle reste fidèle à la musique et à quel point elle est capable de transmettre cela à ses élèves. De mon côté, j'ai déjà pu aider certains élèves en classe et j'ai remarqué à quel point vous en apprenez sur les autres -et même sur vous-même ! J'en suis très reconnaissant et je veux continuer.
Vous avez une vingtaine d'années, mais votre alto est encore plus jeune que vous : vous jouez sur un instrument fabriqué par le luthier Frédéric Chaudière en 2013. Un alto aussi « frais » est-il fait pour vous et pour le répertoire, qui est généralement déjà bien centenaire, que vous interprétez principalement ?
Très certainement. Mon alto me convient parfaitement : en termes de taille, mais aussi en termes de sonorité. Nous nous sommes cherchés et trouvés, pour ainsi dire ! Un musicien réalise très vite s'il a le bon instrument ; après tout, il passe toute sa vie avec. Je ne dirais pas qu'un instrument plus ancien est nécessairement meilleur qu'un instrument moderne, ils ont juste des qualités différentes. En fin de compte, cela dépend vraiment de la démarche sonore recherchée par l'instrumentiste. « Trop frais » n'est certainement pas le propos de mon alto ! Ce qui est excitant, c'est que nous construisons quelque chose de nouveau ensemble.
Comment en êtes-vous venue à jouer de l'alto ?
En fait, j'ai commencé à jouer du violon quand j'étais petit. Comme ma sœur aînée, qui est violoniste, j'ai étudié le violon intensivement avec Natasha Boyarsky à l'école Yehudi Menuhin en Angleterre, mais j'ai ensuite essayé l'alto dans des ensembles de chambre et l'orchestre en cours de route. Et c'est là que je suis tombé amoureux. C'était l'instrument qu'il me fallait ! Le timbre, la tessiture de l'alto : tout cela me tenait beaucoup plus à cœur qu'avec le violon. Bien sûr, ce changement d'instrument amène aussi des ennuis, il faut s'entendre avec une nouvelle clef par exemple, mais après on apprend ça. J'ai particulièrement aimé le sentiment d'être au milieu d'un ensemble à cordes. En tant qu'altiste, vous utilisez plus vos oreilles que votre voix, pour ainsi dire !
Mais en tant que soliste à l'alto, vous n'avez pas autant de répertoire à votre disposition qu'un violoniste…
Bien sûr, mais ce n'est pas forcément un inconvénient, bien au contraire ! En tant qu'altiste, vous êtes constamment mis au défi d'explorer les possibilités de votre instrument et d'ouvrir de nouveaux répertoires. On emprunte beaucoup au violon, au violoncelle, voire à la clarinette. J'aime beaucoup arranger des œuvres pour l'alto et essayer des partitions contemporaines, et quand je programme des concerts, j'aime le sentiment de repousser les limites du répertoire. L'idée que nous, les musiciens d'aujourd'hui, sommes de véritables pionniers, contribuant à façonner ce qui est jouable pour les futures générations de musiciens, je pense que c'est fantastique.