Cinq instruments, cinq climats, un auteur

par

Paul Hindemith (1895 - 1963)
Sonate pour althorn et piano (1943) - Sonate pour violoncelle et piano (1948) - Sonate pour trombone et piano (1941) - Sonate pour violon et piano (1935) - Sonate pour trompette et piano (1939)
Alexandre Melnikov (piano), Teunis van der Zwart (althorn), Alexander Rudin (violoncelle), Gérard Costes (trombone), Isabelle Faust (violon), Jeroen Berwaerts (trompette)
2015-DDD-71'09''-Texte de présentation en français, anglais et allemand-Harmonia Mundi HMC 905271

On sait qu'Hindemith, altiste de formation, jouait quasiment de tous les instruments, ou du moins s'était familiarisé avec leur technique respective. Il a d'ailleurs écrit des sonates pour chacun, gâtant même les répertoires plus rares (viole d'amour, contrebasse, cor anglais, trombone, tuba). On connaît plusieurs enregistrements de ces oeuvres (pour les vents, par exemple chez Audite, Voxtemporis, Arts, Dabringhaus und Grimm). La présente anthologie mélange cordes et vents. La plus étonnante est sans doute la sonate pour althorn. D'abord, l'instrument est rarissime en musique classique. C'est un cuivre de Sax, s'apparentant au bugle des fanfares. Il en existe une version pour saxophone. En outre, après le mouvement lent et avant le galop final, citant le "cor de postillon", les deux solistes s'interrompent pour réciter un poème de la plume du compositeur, qui s'interroge un instant sur la valeur de l'ancien et du nouveau en art. Du jamais vu (ou plutôt ouï) en musique de chambre ! La sonate pour trombone est plus classique : petite cavalcade, allegretto souriant, chant de soudard un peu fruste et final majestueux. Plus intéressante est la sonate pour trompette, une découverte pour beaucoup. La construction en est curieuse. Un premier mouvement éclatant, apte à faire briller l'instrument, puis un bref scherzo léger et allusif. Suit enfin une longue... marche funèbre, que personne n'attendait ici. Elle s'avance pesamment, parfois angoissée, pour se calmer, par vagues successives. On y entend des échos du ballet contemporain  Nobilissima Visione, ou même de la suite de l'opéra Mathis der Maler (accords ascendants au piano). Comme dans la deuxième symphonie d'Honegger, l'oeuvre se termine par un choral. Mélodiquement, la sonate la plus intéressante de ce CD est celle pour violoncelle (en fait la dernière des trois dues à Hindemith). Petite pastorale avec fugato, mouvement lent joliment rythmique avec de nombreux passages en staccato et pizzicato, et solide passacaille conclusive. Tout aussi charmeuse, mais bien plus courte, la sonate pour violon (la troisième des quatre), est un bel exemple de la pleine maturité du compositeur : sa berceuse initiale illustre son talent de mélodiste, souple et chantant, tandis que le final, en quatre parties (lent, vif, lent, vif) représente l'art d'Hindemith dans ce qu'il a de varié, contrasté, et toujours surprenant. Alexandre Melnikov mène la danse en pianiste attentif et brillant, sachant habiter les climats divers proposés par chaque sonate. Si le talent d'Isabelle Faust n'est plus à démontrer, les autres solistes se révèlent tout aussi séduisants.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 9 - Interprétation 10

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