Le colosse aux doigts d'or

par

JOKERGrigory Sokolov
(° 1950)
The Salzbourg Recital
Wolfgang Amadeus MOZART (1756 -1791) : Sonates pour piano en Fa Majeur K. 280 - en Fa Majeur  K. 332
Frédéric CHOPIN (1810 - 1849) : 24 Préludes op. 28 - Mazurka en la mineur op. 68 n°2 - Mazurka en do dièse mineur op. 63 n°3 
Alexander SCRIABIN (1872 - 1915) : Poème op. 69 n°1 - Poème op. 69 n°2
Jean-Philippe RAMEAU (1683 - 1764) : Les Sauvages
Johann Sebastian BACH (1685 - 1750) : Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ BWV 639
2015-DDD-48'58'' + 60'04''- Textes de présentation en anglais, allemand, français- DG 4794342

C'est Yolanta Skura, grande prêtresse de "Opus 111", le label qu'elle fonda en 1990, qui le découvrit pour, dès l'abord, lui faire enregistrer Beethoven, Chopin, Schubert... Vainqueur du Concours Tchaikovski présidé par Emil Gilels en 1966 -il avait alors 16 ans- le colosse aux doigts d'or continua à cultiver son art dans sa Russie natale, et ce n'est qu'après la chute du rideau de fer qu'il fit son apparition sur les grandes scènes du monde entier. Il ne laissa pas indifférent. Ce grand corps courbé prolonge un instrument qu'il semble entourer de ses bras puissants et dont éclôt un son cultivé avec amour et passion. Chaque récital de Sokolov est un événement. Depuis vingt ans, l'agent du pianiste fait enregistrer ses récitals, autant de jalons dans le parcours de l'artiste qui déplore les enregistrements en studios car, pour lui, chaque interprétation est le reflet d'un moment, d'une intimité avec soi-même, avec un instrument, un lieu. Comme il n'aime pas non plus jouer en concerto, les répétitions étant trop légères et, "je n'aime pas ce qui n'est pas du ressort de la musique" dit-il.
Voici donc, sous le label DG, le récital donné le 30 juillet 2008 dans la maison de Mozart. Relevons dès l'abord une prise de son très soignée, témoin d'une réelle présence. On ne s'étonnera pas d'entendre des ornementations ajoutées, des reprises, des tempi profondément intériorisés aux confins de la lenteur mais qui ne lâchent jamais prise grâce à une sonorité sculptée dans la lumière des ors. A ces deux grands moment mozartiens, très romantiques faut-il le dire, font suite les 24 Préludes de Chopin passionnément étudiés tant dans leur succession que dans chacun d'eux. Sokolov donne du souffle à l'ensemble et à chaque moment par cette culture du son creusé et signifiant, éclairant leur architecture pour la magnifier, offrant de la perspective aux polyphonies, déployant un panel de couleurs insoupçonnées. Pas avare de "bis", l'artiste met en perspective Scriabine et Chopin pour terminer par  Rameau et J.S. Bach... car son répertoire les englobe tous, de Palestrina à Schönberg. Le silence s'impose après l'écoute d'un tel moment de musique; l'artiste nous a communiqué une part de son imaginaire. On reste rêveur loin de ce monde, tout imprégné de musique.
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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