Concert anniversaire de Rena Shereshevskaya

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Rena Shereshevskaya, professeur de piano très recherchée, fête cette année trente ans de présence en France. À cette occasion, l’Ecole Normale de Musique de Paris où elle enseigne a organisé, dans le cadre de sa saison de concerts, « Les Rencontres musicales de Cortot », une grande soirée réunissant ses anciens élèves menant une carrière internationale. 

Le 4e Prix et le Prix spécial de la critique musicale de Moscou remportés au Concours Tchaïkovski en 2015 par Lucas Debargue, alors totalement inconnu sur les scènes internationales, ont également propulsé son professeur, Rena Shereshevskaya, comme une enseignante exceptionnelle. Sa réputation ne cesse de croître, elle est reconfirmée avec le Premier Prix et le Grand Prix d’Alexandre Kantorow à l’édition suivante du même concours en 2019. Son plus célèbre élève vient d’ailleurs de remporter le Gilmore Artist Award, considéré comme le sommet des récompenses aux pianistes. Outre ces deux génies singuliers, elle a décelé et formé de nombreux autres talents. Parmi eux, Rémi Géniet (2e Prix au Concours Reine Elisabeth en 2013 et lauréat de Young Concert Artists International Audition en 2015), Julian Trevelyan (2e Prix au Concours Horowitz en 2023, 2e Prix et Prix de la meilleurs interprétation du concerto de Mozart et Prix du public au Concours Geza Anda en 2021), Maroussia Gentet (1er Prix et tous les prix spéciaux au Concours d’Orléans en 2018)… Des noms émergents étaient aussi à ce concert, comme Marcel Tadokoro (3e Prix au Concours Santander et deux prix spéciaux au Concours Van Cliburn en 2022) et Slava Guerchovitch (1er Grand prix, Prix de la meilleure interprétation d’une pièce contemporaine et Prix Shigeru Kawai au Concours d’Epinal en 2022). 

A la salle Cortot, le concert à guichet fermé commence par En avril à Paris de Charles Trenet (arr. d’Alexis Weissenberg) par Marcel Tadokoro, alors que les images de trente ans de la vie musicale de son professeur sont projetées sur le mur de fond. Puis Victoria Shereshevskaya et Gaspard Dehaene, respectivement la fille et l'assistant de Rena Shereshevskaya, donnent immédiatement le ton russe avec des pièces pour deux pianos de Rachmaninov. Se succèdent ensuite différents musiciens, telle une audition. Dans Rachmaninov, le son assez dur de Dmitry Sin gagne en dix minutes une fluidité et douceur, le changement est spectaculaire. Maxime Alberti déploie son lyrisme (Rachmaninov) et son sens rythmique (Frank Martin). Un crescendo en longue haleine dans La Cathédrale engloutie de Debussy par Slava Guerchovitch est remarquable, tandis qu’il joue deux Novelettes de Poulenc comme des chansons ou une musique « légère ». Dans un extrait de la 4e Sonate de Prokofiev, Rémi Geniet mélange la poésie et l’accent prononcé dans une mise en place musicale impeccable. Pour terminer la première partie, le Duo Mouseïon (Maria Essaylova et Narrek Galoyan) livre une version envoûtante et frénétique d’extraits de la Fantaisie de Carmen dans la version de Greg Anderson. Leur interprétation, en faisant sonner somptueusement les instruments dans une synchronisation parfaite, semble illustrer les meilleures qualités de la tradition russe du piano.

Dans la deuxième partie, Maroussia Gentet est comme un poisson dans l’eau dans son répertoire de prédilection -la musique du XXe et du XXIe siècle- en l’occurrence, l’Etude d’architecture n° 2 de Hector Parra. Marcel Tadokoro se présente à nouveau pour des extraits de Casse-Noisette de Tchaïkovski/Pletnev, où il met en évidence le caractère, fort différent, de chaque pièce. Viennent ensuite deux pièces concertantes : le 1er mouvement du 2e Concerto de Chopin par Alexander Slobodyanik, le premier élève de Rena Shereshevskaya à Moscou, et le Concertino de Lucas Debargue (en tant que compositeur) par Julian Trevelyan dont il a été soliste dans la création russe. Pour conclure la soirée, Alexandre Kantorow interprète le finale de la Sonate pour violon et piano de Richard Strauss avec Liya Petrova, dans une exubérance merveilleusement contrôlée, adaptée à la petite taille de la salle, tant en matière des plans sonores que de volume et de résonance. 

Pour prolonger la fête, les actuels élèves de l’enseignante rejoignent ceux qui ont joué dans ce long concert-hommage, pour un medelay de thèmes célèbres à tour de rôle. Le bouquet final est naturellement confié à Alexandre Kantorow avec la Marche turque de Mozart extrêmement virtuose dans une version de Volodos-Kantorow. 

Paris, Salle Cortot, le 14 novembre 2023.

Victoria Okada

Crédits photos : DR

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