Concours Reine Elisabeth, première soirée des Finales
Le premier candidat de cette finale, William Ching-Yi Wei, est originaire de Taipei. C’est à lui que revient la responsabilité de faire découvrir au public l’œuvre imposée, tâche dont il s’acquitte avec application :
les traits sont parfaitement maîtrisés ; un manque de projection l’empêche de bien passer l’orchestre au début, mais après quelques minutes, le son s’affirme. William Ching-Yi Wei fait preuve d’une sonorité ronde, soutenue par une excellente main gauche précise et articulée. Après l’épreuve du feu que constitue l’œuvre imposée, place au premier concerto de Chostakovich -le seul de cette finale, une oeuvre intense qui demande au soliste pas moins de trois quarts d’heure de concentration ! Notre jeune candidat entame le premier mouvement avec une belle simplicité mais, d’emblée, il peine à passer l’orchestre avec lequel il sera plus d’une fois en décalage de près d’une croche. Mais le soliste témoigne d’une technique sûre, jamais prise en défaut, d’une belle expressivité du son et d’une simplicité de bon goût dans les phrasés ; on peut en revanche regretter le manque de poids dans l’archet qui file souvent trop vite. Le second mouvement est pris dans un tempo assez lent et le troisième offre de beaux moments même si l’accompagnement n’est pas optimal. Après une cadence d’une belle tension expressive, William Ching-Yi Wei prend une belle assurance face à l’orchestre et le finale, ironique et dansant, est très réussi. Certains regretteront chez lui trop de sagesse et un son stéréotypé. C’est en tout cas un musicien très honnête.
Le second finaliste de la soirée, Tobias Feldmann, est allemand. Jouant sur les palettes de couleurs, il livre un imposé très engagé. Son choix s’est porté sur le 2e Concerto de Bartok, une œuvre dense et riche en contrastes qu’il anime avec une superbe maîtrise dans une liberté rythmique au service de l’expression. A la fin de la cadence, coup de théâtre : une corde casse ! Avec l’aisance des habitués de la scène, Tobias Feldmann se tourne vers le konzertmeister et poursuit. Emotion dans le public ! La corde est changée à la fin du mouvement. L’Andante tranquillo ne se ressent en rien de l’incident et invite l’auditeur à un grand moment d’introspection, poignante, énoncée dans une sonorité creusée dans la corde pour rejoindre l’entrain de l’Allegro molto final où, complice avec l’orchestre, l’Allemand se livre tout entier à ses forces vives, déployant une étonnante palette de couleurs. Son attitude extravertie mobilise le public.
Quentin Mourier
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, le 25 mai 2015