Des concertos baroques, dont quatre inédits, dans les bagages de l’Ensemble Diderot
Travel Concertos. Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Concerto brandebourgeois n° 5 en ré majeur (version originale) BWV 1050a. Johann Jakob Kress (1685-1728) : Concerto n° 3 pour violon, cordes et basse continue en fa majeur. Johann Georg Pisendel (1688-1755) : Concertos da camera en si bémol majeur et en fa majeur pour violon, cordes et basse continue. Johann David Heinichen (1683-1729) : Concerto en ré majeur, Seibel 226, pour violon, flûte, hautbois, théorbe, violoncelle, cordes et basse continue. Carlo Paolo Durant (Paul Charles Durant, 1712-1769) : Concerto pour clavecin, luth, violoncelle, cordes et basse continue. Ensemble Diderot ; Johannes Pramsohler, violon solo et direction. 2022. Notice en anglais, en français, en allemand et en japonais. 76.29. Audax ADX 11204.
Après des détours à Dresde et à Berlin, mais aussi à Londres et à Paris (notre article du 6 juillet 2022) autour de la sonate en trio, avec son Ensemble Diderot, le violoniste Johannes Pramsohler, originaire du Tyrol du Sud mais installé dans la capitale française, propose un programme dont le titre pourrait suggérer que des œuvres ont été écrites spécifiquement pour être des « concertos de voyage ». Pramsohler, qui signe lui-même la notice, précise que ce genre n’existe pas, mais qu’amenés à se déplacer en terre étrangère, les solistes avaient à l’époque dans leurs bagages des œuvres appropriées aux circonstances afin de pouvoir briller le plus possible là où ils s’arrêtaient.
Le choix pour ce projet met Bach en tête de programme avec la version originale du Concerto brandebourgeois n° 5, qui aurait pu faire partie des oeuvres données en 1717 à Dresde pour le premier concert donné par le Cantor. Morceau de bravoure plein de vivacité, que Bach remania à plusieurs reprises, ce Cinquième avait tout pour plaire aussi au Prince de Köthen, Leopold, et à l’aristocratie lors de séjours à Carlsbad les deux années suivantes. L’interprétation nous laisse un peu sur notre faim, une certaine aridité et un excès de sagesse venant tempérer le dynamisme que l’on en attendait. Mais c’est dans d’autres moments de l’affiche que la fougue investie de l’Ensemble Diderot fructifie et nous convainc pleinement. Si le Concerto Seibel 226 de Heinichen, bien connu, a pu être exécuté à Berlin ou à Vienne vers 1715, il s’offre dans un contexte de virtuosité éblouissante au sein de laquelle chaque soliste s’épanouit.
Quatre autres concertos sont gravés en première mondiale, et ils nous réjouissent. Celui de Kress, qui fut premier violon à la Cour de Darmstadt, est, au milieu d’intenses tutti, un régal de brio et d’éclat pour le brillant soliste qu’est Pramsohler. Quant à celui de Durant, originaire de l’actuelle Bratislava, il miroite de couleurs délicates, dans un style galant que le clavecin, le luth et le violoncelle servent avec subtilité. Pramsohler estime qu’il aurait fait merveille lors des saisons de chasse de la Cour de Bayreuth.
La palme revient aux deux concertos de l’Allemand Pisendel, pages au sein desquelles le signataire de la notice voit rigueur de la composition, science éprouvée du violon, manifeste dans le renouvellement permanent des bariolages d’accords et formidable inventivité mélodique. Les mouvements lents de chaque partition de ce grand voyageur qui fut l’élève et l’ami intime de Vivaldi, sont des moments de grâce que l’on savoure pour leur beauté quelque peu nostalgique.
Avec cette gravure réalisée à l’Auditorium Gustav Mahler de Toblach, en Trentin-Haute-Adige, Johannes Pramsohler et son Ensemble Diderot enrichissent la discographie baroque. On est prêt à les suivre pour d’autres voyages imaginaires !
Son : 9 Notice : 10 Répertoire : 9 Interprétation : 9
Jean Lacroix