Du Nouveau Monde aux Danses symphoniques au Festival George Enescu
Le Festival George Enescu se poursuit ce jeudi 4 septembre avec deux nouveaux concerts. Le premier concert de la journée est assuré par le Rotterdam Philharmonic Orchestra tandis que le second est assuré par le Czech Philharmonic.
Le Rotterdam Philharmonic Orchestra se produit dans l’Athénée Roumain sous la direction de son chef principal, Lahav Shani. Trois œuvres sont au programme de ce concert : l’ouverture de concert Cyrano de Bergerac de Johan Wagenaar, le Concerto pour violon N°5 en la majeur K. 219 de Wolfgang Amadeus Mozart ainsi que la célèbre Symphonie N°9 en mi mineur, Op.95 d’Anton Dvorak, dite « Du Nouveau Monde ». C’est le violoniste roumain Valentin Şerban que nous retrouvons en tant que soliste.
Pour commencer ce concert, Lahav Shani et le Rotterdam Philharmonic mettent un compositeur néerlandais à l’honneur : Johan Wagenaar. C’est son ouverture de concert, Cyrano de Bergerac, qui est choisie pour lancer les festivités. C’est une belle découverte et une belle mise en bouche avec une interprétation très réussie de cette œuvre au caractère à la fois héroïque et lyrique.
Après cette introduction, place au Concerto pour violon N°5 en la majeur K. 219 de Mozart. En soliste, nous retrouvons le lauréat du Grand Prix de la finale de violon du Concours international George Enescu 2020/2021, Valentin Şerban. Le violoniste nous propose une bonne version, très propre au niveau du respect des notes et de la partition. En revanche, au niveau du style, nous faisons face à une interprétation très (trop?) romantique avec un vibrato très prononcé. Cela étant dit, les cadences sont bien exécutées et la connexion avec le chef et l’orchestre est bonne. D’ailleurs, la phalange néerlandaise accompagne avec attention et musicalité le soliste du jour, le tout sous la direction claire et précise de Lahav Shani. En bis, Valentin Şerban interprète avec brio, et tout à fait dans le style cette fois, deux pièces pour violon seul d’Enescu.
Après la pause, place à un tube de la musique classique : la Symphonie N°9 en mi mineur, Op.95 d’ Antonín Dvořák dite « Du Nouveau Monde ». Le Rotterdam Philharmonic nous livre une prestation exemplaire. Il y a une alternance entre les passages délicats et les passages brillants et puissants. Lahav Shani, dirigeant par cœur, nous livre une interprétation savamment construite. Il connaît sa partition et transmet avec brio ses idées à l’orchestre, très réceptif par ailleurs. L’architecture de la forme globale est habilement érigée, ce qui nous permet de suivre le contenu narratif de l’histoire qu’ils nous racontent. Cette interprétation est largement acclamée par le public. Pour le bis, le chef a lui-même arrangé pour l’orchestre une pièce pour piano de Mendelssohn : Romances sans paroles, Op. 62 N°5, dite « Chanson de gondolier vénitien ».
Pour le concert du soir, le Czech Philharmonic, sous la direction de Petr Popelka, nous propose deux œuvres : la Symphonie N°4 en mi mineur de George Enescu (complétée de manière posthume par Pascal Bentoiu) et les Danses symphoniques, Op. 45 de Sergueï Rachmaninov.
Le concert débute avec la Symphonie N°4 en mi mineur de George Enescu. Cette dernière a été complétée de manière posthume par le compositeur et musicologue Pascal Bentoiu en 1996. En effet, Enescu avait terminé la version sur deux portées en 1934, mais il n’avait réalisé que 55% de l’orchestration. C’est donc ce travail qu’a terminé Pascal Bentoiu. Le Czech Philharmonic et Petr Popelka rendent hommage, de par leur interprétation de qualité, au compositeur roumain et contribuent à perpétuer sa mémoire lors de ce festival portant son nom et faisant la fierté du pays. Une mention spéciale va au premier rang des cordes pour leurs nombreux solos à découvert brillamment exécutés.
Après la pause, place aux Danses symphoniques, Op. 45 de Rachmaninov. L’interprétation de la première danse est vigoureuse avec beaucoup d’énergie et avec des passages parfois martiaux. Cela est contrebalancé par le passage plus mélancolique et délicat où le saxophone alto fait son apparition. C’est une parenthèse enchantée qui est la bienvenue dans cette première partie de l’œuvre. Dans la deuxième danse, nous avons affaire à une valse instable, presque boiteuse, sentiment que l’orchestre parvient à nous faire ressentir. Petr Popelka construit son interprétation en donnant de plus en plus d’intensité au fur et à mesure que l’on avance dans cette valse. La coda conclut ce deuxième mouvement de manière dramatique. Dans la dernière danse, l’orchestre est tiraillé entre deux éléments : la vie et la mort. En effet, Rachmaninov s’est inspiré du Dies Irae pour représenter la mort et du choral orthodoxe « Béni soit le Seigneur », qui est un chant de résurrection. L’orchestre propose une version assez sombre et puissante avec des éclats percutants. La rédemption finale, basée sur le thème du choral et donc de la vie, vient clôturer cette prestation se terminant par un coup de tam-tam sonnant le glas de ces Danses symphoniques.
Le public présent, bien que très peu nombreux ce soir, ce qui est dommage pour les artistes, applaudit avec enthousiasme cette prestation. En bis, nous avons droit à une des Danses slaves d’Antonín Dvořák : Dumka, la deuxième danse de l’Opus 72.
Bucarest, Athénée Roumain et Grand Hall Palace, 3 septembre 2025
Thimothée Grandjean
Crédits photographqiques : Valentin Şerban DR