En toute espièglerie Le Barbier de Séville de Gioacchino Rossini 

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A l’Opéra National de Lorraine, Le Barbier de Séville est emporté prestissimo (à la Rossini donc) par une mise en scène « vive et malicieuse » (c’est la définition de l’espièglerie) de Mariame Clément et par des interprètes heureux d’en rajouter à bon escient dans le jeu scénique… sans compromettre pour autant leurs incontestables qualités vocales.

Ce que l’on découvre sur le plateau, c’est comme un grand bloc qui tourne… en fait la maison fortifiée (fenêtres et portes occultées) du docteur Bartolo, un homme d’un âge certain (on appelle cela un barbon), soucieux de protéger des regards, qu’il juge tous « intéressés », sa pupille Rosine … qu’il se réserve pour lui-même. Evidemment, il ne sait pas ce qui l’attend. Le Comte Almaviva (qui se fera d’abord passer pour Lindoro, un étudiant pauvre) est amoureux de la belle ; le barbier Figaro, très vif et très malicieux, espiègle donc, va l’aider à sauver la belle et à l’épouser, au grand dam du tuteur. Tout évidemment finit au mieux pour les tourtereaux (… même si l’on sait, grâce aux Noces de Figaro, que le couple connaîtra plus tard quelques problèmes liés aux pulsions de monsieur, mais Figaro, encore lui, défendant Suzanne sa promise, remettra de l’ordre moral dans tout cela…).

La scénographie est à panneaux mouvants, qui s’ouvrent notamment sur le cabinet de consultation du docteur Bartolo (devenu dentiste à l’ancienne pour l’occasion) ou sur la chambre de la pupille. C’est une boîte à surprises. 

On l’aura compris, Mariame Clément a décidé de s’amuser en mettant en scène cette œuvre (qu’on peut également par ailleurs lester de points de vue plus sérieux ou davantage engagés : le sexisme, le machisme, la dépendance des filles et des femmes, la corruption, etc.). Ce faisant, elle nous amuse.

Elle ne sollicite pas le texte : les spectateurs peuvent constater qu’elle prend au pied de la lettre des mots et des phrases du livret pour leur donner une équivalence scénique superlative (tous les personnages se figent soudain en « statues », ils se « cognent la tête »). Elle multiplie les gags visuels en jouant sur de savoureux anachronismes : l’homme à tout faire Basilio aux apparences de rocker à chemise rouge et banane, Almaviva en Rambo ou en sosie d’Elvis Presley se déhanchant comme il convient. Il y a des agitations de film muet. Elle installe le tout dans un rythme soutenu bienvenu… celui de la musique de Rossini.

Une musique plus que réjouissante, si reconnaissable dans ses moyens et ses effets (ah ! les ensembles, ah ! les syllabisations !), instrumentalement expressive, si drôle pour nous, si exigeante pour ses interprètes. Sebastiano Rolli lui confère le tempo et les nuances nécessaires à la tête de l’Orchestre et du Chœur de l’Opéra National de Lorraine.

Il en va de même pour les solistes, qui jouent le jeu scénique à fond (l’apparition d’Almaviva-Elvis, par exemple, est un grand moment ; la séance d’épilation des jambes, rythmée par son air, de Rosine l’est tout autant). Patricia Nolz impose sa Rosine, ampleur et modulations du chant, voix sans faille dans l’élan comme dans la retenue, virtuosité tranquille. Le Figaro de Gurgen Baveyan a toute l’autorité d’un deus ex-machina, sa voix en témoignant en quelque sorte. Nico Darmanin se réjouit manifestement de l’Almaviva qu’on lui fait camper (avec espièglerie encore : ainsi, son accent anglo-américain d’Elvis pour ses récitatifs en italien). Bruno Taddia est un juste Bartolo dupé ; Dario Russo un Basilio corrompu à souhait. Marion Lebègue réussit le bel air de Berta. Henry Neill-Fiorello, Yong Kim-un officier, Benoît Andrieux-le notaire et Romain Guyot-en homme à tout faire complètent heureusement la distribution.

Oui, avec ce Barbier de Séville, c’est déjà « la fête de fin d’année » à l’Opéra National de Lorraine. 

Nancy, Opéra National de Lorraine, le 20 décembre 2022.

Stéphane Gilbart

 

 

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