Entre l’orchestre et le piano chez Ravel

par

JOKERMaurice Ravel (1875-1937)
Gaspard de la nuit – Trois extraits de Daphnis et Chloé (version de 1912 révisée par Vincent Larderet) – Jeux-d’eau – La Valse – Pavane pour une infante défunte
Vincent Larderet, piano
2014-DDD-70’06-Textes de présentation en anglais, français et allemand – Ars Produktion-Ars 38146

Pour les puristes de la musique française, la dernière parution du pianiste Vincent Larderet est une véritable découverte. Le souci de la fidélité, voilà la caractéristique principale du travail de ce jeune pianiste. Son enregistrement met en exergue trois grandes œuvres du répertoire dont l’impact symphonique est considérable. Le titre est d’ailleurs explicite : « Orchestral et virtuoso piano ». Gaspard de la nuit est écrit en 1908 pour piano. Ecriture novatrice, recherche de textures inouïes, exploration infime du timbre pour trois pièces qui ouvrent un champ de recherches infini. Plusieurs se sont essayés à la transcription pour orchestre de l’œuvre mais seul le médium pianistique parvient ainsi à faire émerger une couleur, la brillance parfois feutrée des aigus. Comme le soulignent les auteurs du texte de présentation, une pièce pour piano peut avoir une dimension orchestrale (d’ailleurs, Ravel n’hésite pas à adjoindre à sa partition des commentaires : comme un contrebasson) alors que l’inverse n’est pas toujours concevable. On retrouve ces indications dans les partitions annotées de Vlado Perlemuter, lues et analysées par Vincent Larderet. En 1927, Perlemuter travaille avec Ravel à Montfort L’Amaury. Ensemble, ils précisent et élaborent une esthétique, une lecture appropriée. Ravel, en claviériste moyen, n’a guère la possibilité de jouer correctement ses œuvres alors qu’il sollicite une extrême précision. Ainsi, en se rapprochant au plus près de la volonté du compositeur, Larderet parvient-il à trouver la justesse du langage ravélien. La première mondiale des extraits de Daphnis et Chloé (version de 1912) pour piano démontre que l’orchestre peut-être sublimé au piano. La version révisée de Larderet a le mérite de corriger les erreurs et permettre une lecture plus fidèle. Comme pour La Valse, l'hommage à la valse viennoise de Johann Strauss, on se surprend a apprécier le côté plus dissonant de certaines cellules parfois camouflées par l’orchestre. Le piano, plus « cru », plus naturel, sans artifices permet clarté et compréhension du langage. Les pièces « annexes » sont quant à elles de jeunesse. Jeux d’eau (1901) reprend le matériau aquatique cher à Ravel, tandis que la Pavane à une Infante défunte (1899) est d’un style encore « classique ».
Après ce travail de recherche, Vincent Larderet produit une esthétique ravélienne proche de la perfection. Discours toujours clair, précision extrême dans Ondine, on y entend chaque note, ici choyée. Beau contrôle du timbre et pédale claire, peu envahissante. La construction de chaque phrase est aboutie rendant le tout exceptionnel. La brochure de Vincent Larderet et Sarah Grossert, malgré quelques coquilles, est intéressante et met en perspective le travail à effectuer pour cette musique. A découvrir vivement !

Ayrton Desimpelaere 

Son 10 – Livret 9.5 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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