Le grand art d'Elisabeth Leonskaja

par

JOKERLEONSKAJA, Paris
Maurice RAVEL (1875-1937) : Valses nobles et sentimentales - George ENESCU (1881 -1955) : Sonate pour piano op. 24 n°1 en fa dièse mineur - Claude DEBUSSY (1862 - 1918) : Extraits des Préludes pour piano, "La plus que lente"
Elisabeth Leonskaja (piano)
2013-DDD-57'40''-Textes de présentation en anglais, allemand, français et espagnol-eaSonus EAS 29237

Voilà un tout nouveau label qui place la barre très haut si l'on en juge par le choix de l'interprète pour entamer son parcours. Et dans un répertoire où, en partie, on ne l'attend pas : Ravel et Debussy. La pochette intérieure, très joliment étudiée, reprend un tableau de Camille Pissarro, "Boulevard de Montparnasse" (1897). Sur le recto, le beau visage de la pianiste avec, en lettres d'or, "Leonskaja" Paris. Le Paris, c'est le Montmartre de la "Belle Epoque", celui où grouillaient les partis divisés des arts et de la musique, le Paris que rejoignit Enesco dès l'âge de 14 ans pour étudier au Conservatoire et qu'il adopta ensuite. Elisabeth Leonskaja empoigne la première des huit valses de Ravel pour nous emmener dans la danse, la variété et l'élégance de son toucher offrant à chacune son caractère propre, sa couleur, toujours "noble et sentimentale". Des Préludes de Debussy, elle a choisi "Le vent dans la plaine", "La fille aux cheveux de lin" et "Feux d'artifice". Un Debussy de chair et de sang qui fait sonner le piano du fond de la touche et une précision d'articulation qui font châtoyer les harmonies. Un Debussy rare, loin du prétendu impressionnisme, et qui nous captive. Ce magnifique CD nous donne aussi l'occasion d'entendre la 1ère Sonate en fa dièse mineur de George Enescu, une oeuvre malheureusement très peu jouée -probablement en raison de sa difficulté. Car, sous son caractère improvisé, se cache une grande architecture à maîtriser coûte que coûte si l'on veut garder la cohérence de l'oeuvre tout en lui gardant son aura folklorique sublimée et ses plages de méditation introspective avant d'entreprendre le Scherzo, sorte de toccata fantastique truffée de blessures rythmiques et suivie du dernier mouvement, "l'atmosphère nocturne de la plaine roumaine" où le temps se fait immobile, un large "Andante molto espressivo". Là encore, le toucher de la pianiste, son art de faire sonner les harmonies, les cloches du lointain, confèrent à l'oeuvre la dimension qui lui revient: une grande sonate du 20e siècle. Ajoutons à cela une remarquable prise de son. A écouter de toute urgence: du grand piano, du grand art.
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10 

 

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