Envoûtement et folie

par

Alban BERG
(1885-1935)
Trois pièces pour orchestre op. 6
Arnold Schönberg
(1874-1951)
Pelléas et Mélisande op. 5

Dortmund Philharmonic Orchestra, dir. : Jac VAN STEEN
2013-DDD-61’ 18’’-Textes de présentation en anglais, français et allemand-Musikproduktion Dabringhaus und Grimm MDG 901 1807-6

C’est sans nul doute un lieu commun de prétendre que les compositeurs de ce qu’on appelle la Seconde École viennoise ont écrit une musique qui semble suspendue au-dessus des abîmes et qui, à travers ses éclats et ses innombrables méandres, n’arrête pas d’envoûter. Et c’est le cas, bien sûr, des deux œuvres réunies sur ce CD – deux œuvres qu’on ne présente plus, comme on dit d’ordinaire, mais dont il est bon rappeler qu’elles représentent chacune la quintessence du métier d’Alban Berg et d’Arnold Schönberg. Toutes les fois qu’on a l’occasion de les entendre, on ne peut qu’être frappé par leur violence et leur noirceur, par leur pouvoir – inouï, radical, irréversible – de sombre séduction. Pour son Pelléas et Mélisande (basé sur le drame de Maurice Maeterlinck), Arnold Schönberg a eu recours, de toute évidence, à divers modèles : les poèmes symphoniques de Richard Strauss, les symphonies de Gustav Mahler, le Tristan et Iseult de Richard Wagner… Avec cette œuvre ambitieuse d’une durée de quarante minutes, on est constamment à la frontière du langage tonal et du dodécaphonisme, au sein d’une sorte de no man’s land musical sans autre équivalent, ce qui explique peut-être la raison pour laquelle, lors de la création à Vienne, le 25 janvier 1905, l’assistance est restée des plus perplexes et que d’aucuns ont vu en Arnold Schönberg « un certain génie fou ». Cette folie est admirablement rendue par le Philharmonique de Dortmund, sous la baguette tourmentée de Jac van Steen, plus hollandais volant que jamais. Un disque superbe qui honore deux très grandes partitions du XXe siècle.
Jean-Baptiste Baronian

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10

Les commentaires sont clos.