Grand concert de gala du festival musical de Pärnu
La quatorzième édition du festival musical de Pärnu se tient en ce moment en Estonie. Ce grand évènement met en valeur la musique estonienne mais aussi les artistes estoniens. L’Estonian Festival Orchestra se trouve d’ailleurs plusieurs fois à l’affiche de la programmation. Nous revenons ici sur le concert de gala de musique de chambre ainsi que sur le concert de clôture de la classe de masterclass.
Ce mardi 16 juillet a lieu le concert de gala de musique de chambre au festival musical de Pärnu. Sur la scène du Pärnu Concert Hall, nous retrouvons des musiciens de l’Estonian Festival Orchestra. Le programme de ce concert est assez conséquent mais tout de même varié. Pas moins de 28 musiciens se produisent dans un programme allant de Smetana à Mahler. De plus, la part belle est faite aux compositeurs estoniens.
La première partie débute avec Scala cromatica d’Arvo Pärt. Cette pièce est un trio extrêmement bref (1’45’’ à 2’) composé en 2007 pour violon, violoncelle et piano. Le début est un unisson assez calme. La partie centrale s’anime de plus en plus autour d’une descente chromatique de quatre octaves du violoncelle. Le violon et le piano ponctuent cette descente par des interventions consonantes. Le climax est atteint avant de revenir à l’unisson calme du début. Cette courte pièce fait sourire le public et lance la soirée.
Ensuite place au deuxième poème symphonique issu de Má Vlast de Bedřich Smetana : Vltava. Cette pièce est certainement la plus connue du compositeur tchèque. Nous l’entendons cependant dans une version différente. L’orchestre est ici mis de côté et est remplacé par un quintette de cordes et un piano. La première partie de l’œuvre est bien exécutée mais il manque une certaine clarté et alchimie. Il faut attendre la partie en 2/4 pour obtenir une cohérence et une direction musicale allant dans le même sens. La fin de l’œuvre est très musicale avec un climax intense et une fin grandiose. Notons les interventions d’Angie Liana à la contrebasse donnant un côté profond à cette interprétation ainsi que le rôle crucial de Kärt Ruubel au piano qui doit remplacer toute l’harmonie.
Pour clôturer cette deuxième partie, nous entendons la Sonate pour alto et piano, Sketches of Solitude, du compositeur estonien Tõnu Kõrvits. Cette pièce, composée en 2023, met l’alto à l’honneur et est seulement exécutée pour la deuxième fois. Cette œuvre en six mouvements attaca se traduit par une partie soliste pour l’alto en alternance avec un duo avec le piano. Dans les trois cadences, Andres Kaljuste fait preuve d’une certaine virtuosité avec un jeu précis et technique avec des pizzicati main gauche par exemple. Les trois parties avec le piano sont des moments de rêverie. Les deux musiciens et le compositeur, présent pour l’occasion, sont chaleureusement applaudis.
Après la première pause, place à la création du trio Irdrumine/Sulam (Déconnexion/fusion) pour cor anglais, cor et piano de la jeune compositrice estonienne Maria Kõrvits. La recherche des timbres et les dissonances sont les deux points principaux mis en avant par Maria Kõrvits. Cette pièce est brillamment interprétée par les trois musiciennes.
La deuxième partie continue avec une pièce phare du répertoire des cuivres : le Quintette pour cuivres n° 2 op. 6 en mi bémol majeur de Victor Ewald. Le premier mouvement Allegro risoluto est très animé et enjoué. Le second mouvement est un Thème et variations où chacune des variations a son propre caractère. Le dernier mouvement est un Allegro vivace interprété de manière vive et joyeuse. Ce quintette est une très belle pièce pour mettre les cuivres à l’honneur.
Cette partie du concert se termine avec deux extraits de symphonies de Mahler : les quatrièmes mouvements des deuxième et cinquième symphonies. Les deux pièces ont été arrangées pour un quintette de violoncelle et harpe par Thomas Ruge, violoncelliste solo de l’Estonian Festival Orchestra.
Le quatrième mouvement de la Deuxième Symphonie en do mineur, Ulrich (lumière primitive), ainsi que le quatrième mouvement de la Cinquième Symphonie en do# mineur, le célèbre Adagietto, sont sans aucun doute, l’apothéose de ce concert. La musicalité et la sensibilité sont au rendez-vous de la première à la dernière note. C’est un moment suspendu que nous offrent les six artistes avec une prestation intimiste de ces deux œuvres. Le public ne s’y trompe pas et acclame vivement la prestation.
Après la deuxième pause, le concert se clôture avec l’Octuor en do majeur Op. 176 de Joachim Raff. Cette pièce, en quatre mouvements, est exécutée avec justesse, précision et musicalité. Le troisième mouvement, Andante, est le plus touchant des quatre mouvements avec une interprétation tout simplement superbe et remplie de douceur. Les trois autres mouvements contrastent avec une vive énergie.
C’est une belle soirée auquel nous avons pu assister avec un programme éclectique interprété avec brio par les 28 artistes.
Ce mercredi 17 juillet a lieu le concert final de la Järvi Academy pour la direction d’orchestre. Du 6 au 17 juillet, 16 jeunes chefs ont été choisis pour participer à cette masterclass. Ils sont encadrés avec bienveillance et professionnalisme par Neeme Järvi, Paavo Järvi, Kristjan Järvi et Leonid Grin. Tout au long de cette académie, ils ont travaillé des œuvres de Mozart, Haydn, Chopin, Dvořák, Josef Strauss et Arvo Pärt.
Ce soir, neuf d’entre eux présentent le fruit de leur travail. Au programme du concert, trois pièces et un bis : Waltz Sphären-Klänge de Josef Strauss, le Concerto pour piano n° 1 en mi mineur, op. 11 de Frédéric Chopin, la Septième Symphonie en ré mineur, op. 70 d’Antonin Dvořák et en bis l’Élégie de Hugo Alfvén. Cette dernière pièce est dirigée par Neeme Järvi après le salut de tous les participants. Il galvanise aussi bien l’orchestre que le public qui l’acclame bruyamment.
Ils ont toutes et tous pu montrer leurs qualités et ce grâce à la très bonne performance de la jeune pianiste estonienne Tähe-Lee Liiv ainsi que l’orchestre. Ce dernier était composé de membres du City Pärnu Orchestra et du Järvi Academy Youth Symphony Orchestra (uniquement dans les deux dernières pièces).
Les participants ayant dirigés lors de ce concert sont (par ordre de passage) :Kasper Joel Nõgene (Estonie), Rémi Geniet (France), Mengru Zheng (Chine/États-Unis), Sean Tan (États-Unis), Jong-Joe Yin (Chine), Andrew Kim (Corée du Sud/États-Unis), Serena Reuten (Allemagne/Canada/États-Unis), Mirian Khukhunaishvili (Géorgie/Islande) et Guro Haugli (Norvège)
Pärnu, Concert Hall, 16 et 17 juillet 2024
Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP
Crédits photographiques : Pärnu Festival