Guido Cantelli, l’héritier 

Guido Cantelli. The complete Warner Recording. Oeuvres de Tchaïkovski, Rossini, Casella, Wagner, Mendelssohn, Schumann, Schubert, Beethoven, De Falla, Ravel, Debussy, Brahms, Mozart Franck, Dukas. Philharmonia Orchestra, Orchestra del Teatro alla Scala, NBC Symphony Orchestra, Orchestra Stabile Accademia di Santa Cecilia, Roma : Guido Cantelli. 1949-1956-Livret en anglais, allemand et français. 10 CD Warner 0 190295 383039. 

Ce 27 avril 2020, nous célébrons le centenaire du chef d’orchestre Guido Cantelli. Décédé prématurément en novembre 1956 à l’âge de 36 ans, dans l’accident de son avion, le musicien apparaissait comme l’héritier d’un Toscanini qui ne masquait pas son admiration pour son jeune confrère. 

Après des débuts triomphaux en 1943, dans la Traviata, le jeune chef est enrôlé dans l’armée italienne. Refusant de combattre les Alliés, il est interné dans un camp de travail allemand mais sa santé se détériore sévèrement. Il est rapatrié en Italie mais il doit signer un document où il doit déclarer son soutien à la République fasciste. Revenu dans son pays mais miné par cet acte, il parvient à s’évader. Quelques concerts dirigés au Teatro Coccia de Novare, sa ville natale, lui permettent de trouver un réconfort dans une période troublée. La fin de la guerre permet de relancer sa carrière, mais le coup de projecteur survient en 1948 quand il est repéré par Toscanini lors d’une répétition à La Scala de Milan. Le légendaire chef l’invite au NBC Symphony Orchestra et son prestige ne fait qu’augmenter jusqu’à sa désignation à la direction musicale de la Scala de Milan en 1956. Il était même question qu’il prenne la direction du Philharmonique de New York. Le vénérable Toscanini, qui décéda deux mois plus tard, ne fut pas informé du décès de son protégé. En seulement quelques années, Cantelli avait pu s’imposer aux sommets de l’art de la direction, bénéficiant même d’un contrat pour des enregistrements avec le Philharmonia Orchestra de Londres, alors l’élite des orchestres mondiaux. 

À l’écoute de ce coffret, on comprend ce qui a pu séduire Toscanini dans l’art du jeune homme. Il suffit de commencer l’écoute par les Symphonies n°5 (avec l’orchestre de La Scala) et n°6 (avec le Philharmonia) de Tchaïkovski. On entend une direction avec ce qu’il faut de nerf mais jamais de matière grasse alors que la battue garde la force de la construction globale. Le trait est ainsi fin et foncièrement chantant, mais avec le petit plus par rapport à la pointe sèche que Toscanini pouvait utiliser. 

Les gravures de Debussy et de Ravel sont depuis toujours des références incontournables par cette capacité à combiner la palette des couleurs et le sens du rythme et des contrastes. La suite n°2 de Daphnis et Chloé de Ravel apparaît comme l’exemple parfait de cette synthèse. Il en va de même pour la suite n°2 du Tricorne de De Falla avec ce côté “citronné” qui sied à cette musique parfois un peu revêche. La Symphonie en Ré mineur est délaissée de certains oripeaux “germanisants” pour s’imposer tranchante et dramatique. 

Tout le reste de ce coffret mérite une attention et une écoute approfondies pour l’art de ce chef qui mixe main de fer dans la maîtrise de la structure des oeuvres et gant de velours pour le sens du cantabile : Symphonie n°4 “Italienne” de Mendelssohn, Symphonie n°3 de Brahms, Symphonie n°8 de Schubert ou Symphonie n°7 de Beethoven. 

Ce présent coffret est soigné, il reprend l’intégralité des enregistrements officiels propriétés de Warner dans leur remastering le plus récent. La boîte offre ainsi les deux gravures de la Symphonie n°4 de Mendelssohn (1951 et 1955). Les pochettes originales des albums vinyles sont reproduites sur les étuis des disques. 

Son 8 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

Pierre-Jean Tribot