Haenchen enthousiasmant dans Bruckner, Vogt décevant dans Brahms

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Pour un pianiste précédé d’une flatteuse réputation et qui avait laissé en son temps de si beaux souvenirs dans cette même salle Henry Le Boeuf du Palais des Beaux-Arts lors de soirées de sonates avec le violoniste Christian Tetzlaff, on ne peut pas dire que Lars Vogt ait particulièrement convaincu dans le monumental Deuxième Concerto de Brahms qui ouvrait ce concert de l’Orchestre National dans son port d’attache bruxellois. Après une très belle première phrase qui répondait à l’appel de cor qui ouvre l’oeuvre, le pianiste offrit une prestation franchement décevante. Bien sûr, les notes y étaient (ce qui n’est déjà pas mal dans une oeuvre aussi difficile), mais on eût été bien en peine de déceler dans cette version pataude et bruyante le moindre semblant d’interprétation. Les phrasés hachés, les forte métalliques et sursaturés, les aigus sans cesse claquants étaient bien loin de ce qu’on attend d’un pianiste-musicien dans une oeuvre d’une telle grandeur. Certes, Vogt se reprit un peu dans le deuxième mouvement où il prit le temps de sculpter quelques phrases, mais rien ne décollait vraiment. Il apporta même un peu de poésie dans le divin Andante marqué par une belle contribution d’Oslo Leka, violoncelle solo du Belgian National Orchestra, mais retomba bien vite dans ses travers dans un Finale sportif, joué généralement très fort. La lourdeur de cette approche déteignit, hélas, sur l’orchestre dont les violons, jouant le jeu de la surenchère sonore, parurent bien criards.

Après cette franche déception, on attendait l’orchestre et le chef Hartmut Haenchen dans l’exigeante Septième Symphonie de Bruckner. On sait que le chef allemand est un remarquable interprète de ce compositeur et -autant le dire tout de suite- on ne fut pas déçu. Menant un orchestre littéralement transfiguré d’une baguette aussi précise que poétique, Haenchen offrit une interprétation de toute beauté de cette vaste oeuvre. 

Pouvant compter sur des cordes souples et chaudes, des bois lyriques et des cuivres remarquablement sûrs, il commença par rendre parfaitement le mystère et la majesté de l’Allegro moderato initial (et quel plaisir d’entendre un chef qui sait comment conduire un crescendo). Haenchen offrit ensuite une très belle interprétation de l’Adagio, guidant l’orchestre avec détermination et patience vers le coeur émotionnel et apothéose de l’oeuvre, le fameux coup de cymbales (peut-être pas authentique) sur fond de timbales déchaînées. Et quel intéressant moment que ce passage qui semble un peu plus tard annoncer Sibelius, avec une chaste flûte qui se détache sur les couleurs pâles des violons.

Le Scherzo fut enlevé avec beaucoup d’aplomb (superbes timbales à nouveau) avec de beaux moments lyriques dans le Trio, avant de conclure sur un Finale mené de main de maître, amenant ainsi une magistrale interprétation -parfaitement servie par un National transcendé par un chef ayant la mesure d’une oeuvre si longue et exigeante- à une superbe conclusion. 

On se réjouit déjà du retour du chef allemand à la tête du BNO prévu la saison prochaine.

Bruxelles, Bozar, 8 mars 2010.

Crédits photographiques : Riccardo Musacchio

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