Klaus Mäkelä dirige l’Orchestre de Paris pour la réouverture de la Philharmonie de Paris

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Il y a des concerts qui marquent à jamais. Celui du 9 juillet en est un. Cette date, celle de la réouverture de la Philharmonie de Paris depuis le début du confinement, était également la première apparition du jeune chef finlandais Klaus Mäkelä (né en 1996), le prochain  directeur musical de l’Orchestre de Paris.

L’annonce, le 18 juin dernier, du nom de Klaus Mäkelä a créé la surprise générale. Au cours de la saison 2019-20 qui s’est malheureusement terminée trop tôt, l’Orchestre a invité plusieurs chefs « pour voir » qui pourrait prendre la tête de la phalange parisienne après le départ de Daniel Harding en août dernier. Le Finlandais n’était pas en lice, il n’avait d’ailleurs pris la baguette qu’une seule fois devant cet orchestre, les 12 et 13 juin 2019. Mais ces soirées avaient fait sensation et on le considérait déjà comme une future star de la direction. Si son nom fut une surprise, la nouvelle a été accueillie avec enthousiasme, à commencer par les musiciens de l’orchestre qui étaient, dit-on, unanimes face à cette décision. Il prendra ses fonctions en septembre 2022 mais, dès la rentrée prochaine, il entamera sa collaboration en tant que conseiller musical. Le concert du 9 juillet a montré à quel point cette collaboration sera bénéfique.

À l’entrée des musiciens, la salle vibrait à nouveau, non pas de musique mais d’applaudissements. Trois minutes ? Ou cinq ? On attendait ce jour d’autant que l’orchestre est complet, avec les instruments à vent qui ont fait l’objet de tant de  discussions. Le programme, composé du Tombeau de Couperin de Ravel et de la Symphonie n° 7 de Beethoven -une heure sans entracte, 1200 spectateurs dont 50 membres du personnel soignant qui ont été eux aussi longuement applaudi- n’avait rien de particulier, il aurait  même pu passer pour banal. Mais dès le "Prélude" du Tombeau, on tend l’oreille. La fluidité des bois ouvrant la pièce laisse place au velouté des cordes en sourdine, si soyeuses et si suaves qu’on a l’impression d’entendre la confidence la plus secrète du monde. Peut-être serait-ce celle de Ravel adressée à ses amis disparus ? Dans la "Forlane", le rythme pointé est marqué de manière régulière, un peu mécanique voire sèche, ce qui intrigue, mais la régularité est telle qu’on se sent balancé agréablement. Le "Menuet" est sensuel, toujours fluide, dans un tempo assez lent (on dirait une pavane à trois temps…) mais quelle maîtrise ! Maintenir ce tempo sans induire une sensation d’étirement ennuyeux des notes dans cette pièce en définitive assez statique, il faut pouvoir le faire ! Le "Rigaudon" final est un kaléidoscope, le timbre varie à chaque moment. Mäkelä donne de la brillance à l’orchestre qui l’exprime avec élégance. Si Ravel avait transcrit la "Toccata" (finale de la version pour piano) pour orchestre, il nous aurait certainement offert une très belle version brillante et virtuose.

Le Septième Symphonie de Beethoven est elle aussi marquée par un tempo retenu, ce qui surprend quelque peu quand on pense à la tendance générale actuelle à jouer avec toujours plus d’entrain. Mais ici aussi, le chef nous convainc par sa maîtrise des gestes et de l'’interprétation. Et on remarque tout de suite que la sonorité de l’orchestre n’est pas du tout la même que dans Ravel. Elle est plus ouverte, tournée vers l’extérieure, mais dans le deuxième mouvement, les altos et les violoncelles sonnent parfois légèrement "raboteux", avec un effet sombre qui contraste avec la lumineuse partie médiane. Mäkelä décortique chaque note et la joue distinctement mais toujours dans un rapport harmonieux avec l’ensemble, ce qui fait ressortir chaque voix. Ainsi, on suit facilement la structure de la composition, les liens entre les instruments et par conséquent, leurs dialogues deviennent plus riches. Sa baguette est précise ; parfois, il laisse les musiciens jouer mais lorsqu’il est nécessaire de « diriger » pour créer l’unité ou des effets, il fait montre de son autorité naturelle.

Oui, c’est un grand chef, disposant d'une maturité musicale exceptionnelle et du don d’ordonner des notes. Ce sera un plaisir de suivre son évolution à Paris, mais aussi l’évolution qui sera celle de l’orchestre sous sa direction.

Crédit photo © Mathias Benguigui / Pasco & Co.

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